L'Usine Agile de Beauvais : un tremplin pour les projets ESS

Ils sont trois acteurs de l’Économie sociale et solidaire (ESS) installés à la nouvelle Usine Agile, inaugurée en septembre dans un bâtiment industriel situé zone de Ther, à Beauvais. À peine installés dans cette pépinière, Citat 60, Recycl'Aide et Solitex Oise grandissent peu à peu et apportent une réponse à des besoins sociaux tout en propulsant un nouveau modèle économique. Zoom sur des projets ambitieux pour l'avenir en lien avec une coopération des entreprises et des professionnels.

Sylvie Thevenet et  Éric Ahouansou ont trouvé une opportunité de développement à l'Usine Agile. (c)VK
Sylvie Thevenet et Éric Ahouansou ont trouvé une opportunité de développement à l'Usine Agile. (c)VK

Solitex Oise - la plateforme de tri, de réemploi et de recyclage de vieux vêtements - est déjà à l'étroit dans la zone de stockage de l'Usine Agile. Lancée en mai dernier, Solitex Oise - par ailleurs Entreprise chantier d'insertion - emploie sept salariés, c'est la preuve que le concept fonctionne en répondant surtout à une réelle demande sur le territoire. « Nous avons besoin d'un autre site technique, précise le PDG, Éric Ahouansou. C'est une bonne dynamique pour l'économie solidaire. » Autres locataires de ce bâtiment, Citat 60, qui a le rôle d'aide à domicile pour les personnes les plus en besoin, et Rrecycl'Aide, qui recycle les équipements médicaux pour les revendre à des prix attractifs, elle aussi Entreprise chantier d'insertion, employant trois personnes.

Autant de beaux projets installés au sein de l'Usine Agile, un nouveau concept créé et soutenu financièrement par la Maison de l'ESS de Lachapelle-aux-Pots. « Ce lieu est une réelle opportunité pour nous, explique Sylvie Thevenet, responsable de Reclycl'Aide. Nous sortons d'incubation, et c'est vrai que pour que le projet fonctionne, il faut une aide car c'est difficile de louer des locaux quand on part de zéro, surtout dans l'ESS. La MESS loue les locaux car elle est solide financièrement et nous permet de nous développer plus rapidement. »

Ces trois nouveaux locataires ont été choisis par la MESS parce qu'ils ont été incubés chez elle, pour justement sortir avec un projet solide. Grâce à l'Usine Agile, ils ont pris leur envol. « Et nous avons beaucoup d'idées pour nous développer ! », sourit Éric Ahouansou, un sourire partagé par Sylvie Thevenet.

Solitex Oise, les vêtements recyclés

Et ces projets méritent qu'on parle d'eux, parce qu'aussi tout le monde peut y contribuer. Chez Solitex Oise, l'activité est grandissante. Cette plateforme trie et revalorise le linge de maison, le textile et les chaussures récupérés des opérateurs nationaux de collecte de vieux vêtements, pour les réutiliser. « Nous répondons à une demande de surplus des tris qui n'existe pas sur le territoire », note le PDG de Solitex Oise. Concrètement, une fois le textile revalorisé, 65% des vêtements sont réutilisables et vendables, 35% partent vers les recycleries européennes et les 5% restants sont utilisés pour fabriquer du combustible. « C'est du zéro déchet », rebondit-il. Une démarche ESS qui pour le moment profite au Bénin, pays d'origine du président de l'association, et autres recycleries européennes, encadrés par Refashion, l'éco-organisme national de la Filière Textile d'habillement, Linge de maison et Chaussure (assure pour le compte de plus de 5000 entreprises en France). Et depuis mai, déjà 200 tonnes de vêtements usagés ont été triés et réutilisés chez Solitex Oise.

Mais l'avenir réside localement. Une première vente de vêtements issus du réemploi a été organisée au Jeu de Paume à Beauvais, en novembre, et ce principe tend à se développer, avec des projets de boutiques éphémères locales. L'avenir réside aussi dans la collecte. Et Solitex Oise penche en ce moment sur un modèle de collecte local pour une revente, elle aussi locale à hauteur de 10% des vêtements collectés. « Il faut trouver un maillage sur le territoire, précise Éric Ahouansou. Un système de collecte de textile pertinent. » Et Solitex a trouvé : dans quelques semaines, la structure va tester un système de collecte installé directement au sein des entreprises et des structures publiques. « L'idée est d'installer un système de collecte au sein des entreprises locales et que nous nous chargions de la collecte. L'objectif est d'aller directement à la rencontre des habitants, sans que cela demande un effort pour eux. » L'avenir pour Solitex Oise est de posséder ses propres textiles.

Recycl'Aide, la deuxième vie du matériel médical

Pour Reclycl'Aide, c'est le même principe, mais pour le matériel médical. L'association, lancée en janvier 2022, collecte du matériel médical (tables, fauteuils roulants, déambulateurs...) des particuliers, des maisons de santé et des points d'apport volontaire de la SMDO. Ensuite, elle nettoie, aseptise et répare pour, enfin, le revendre à bas prix. « Et on se rend compte qu'il y a énormément de produits, et surtout des produits quasiment peu utilisés, remarque Sylvie Thevenet. On a beaucoup de stocks et ce que nous avons en trop, nous l'envoyons aussi au Bénin, en partenariat avec Solitex Oise. » Ce matériel revalorisé est disponible directement chez l'association, via la Citat 60 ou encore chez les ergothérapeutes... et un site Internet est en cours de création.

Si l'idée paraît pertinente, le projet est pourtant unique en son genre. Car le matériel médical n'est pas repris par les professionnels et de nombreuses personnes se retrouvent avec du matériel non utilisé. « Ce matériel a une durée de vie de dix ans mais en moyenne, il est jeté ou inutilisé au bout de huit mois, explique la responsable. Alors, nous faisons une action de recyclage tout en proposant des produits à bas coût. » Et le résultat est comme neuf. Seul problème au développement, le non remboursement, par la Sécurité sociale, du matériel médical issu du réemploi. Car selon certains cas, le remboursement d'un produit neuf vaut finalement moins cher qu'un produit revalorisé, déjà bas... une bonne nouvelle pour les finances mais qui n'engendre pas, selon Sylvie Thevenet, une boucle vertueuse. Un décret concernant l'ESS étant en cours, cette hypothèse de remboursement serait un grand pas pour Recycl'Aide.

Principe ultime : la coopération

L'exemple de ces deux projets est révélateur pour tous les acteurs de l'ESS. Car pour se développer et créer ce cercle vertueux qu'est l'économie circulaire, le principe de coopération s'avère inévitable. À l'instar de Recycl'Aide qui cherche à nouer des partenariats avec les professionnels du secteur du matériel médical. « L'idée est que l'on soit une possibilité, explique Sylvie Thevenet. On peut acheter du neuf mais aussi du matériel issu du réemploi. »

Même objectif pour Solitex Oise. Travailler en partenariat avec les entreprises locales impulsera une dynamique et aidera à développer le projet. « Les acteurs de l'ESS sont là pour créer des possibilités mais nous nous insérons dans un modèle en place, note Éric Ahouansou. Et pour cela, il faut que notre projet soit solide, réponde à un besoin pour convaincre d'autres acteurs de nous suivre. »

Cette coopération représente l'avenir de l'ESS, la MESS de Lachapelle-aux-Pots partageant cette opinion. « Il y a des passerelles à faire avec l'ESS et les entreprises, nous avons de nombreuses idées ! », notait Samuel Dumoulin, chargé de développement à la MESS, lors de la première vente éphémère de produits issus de réemploi, en novembre durant une semaine, avec justement la coopération du centre commercial du Jeu de Paume à Beauvais.