Dans l'Oise, la guerre en Ukraine impacte le secteur du bâtiment

Après le pétrole et le gaz... c'est au tour du prix de l'acier de flamber, entraînant les autres matériaux. Ce contexte impacte l'avenir des entreprises du BTP mais aussi celui des chantiers des particuliers et des secteurs du public et du privé... créant une boucle infernale. La FFB Oise fait un appel au Gouvernement pour soulager les trésoreries... et le moral très morose des dirigeants.

La FFB Oise s'inquiète, comme ont témoigné Loïc Lelu (au centre), Olivier Guérin (à g.) et Guillaume Gamache (à dr.)
La FFB Oise s'inquiète, comme ont témoigné Loïc Lelu (au centre), Olivier Guérin (à g.) et Guillaume Gamache (à dr.)

Le secteur du bâtiment n'en finit plus de souffrir. La Fédération française du bâtiment (FFB) de l'Oise alerte une nouvelle fois sur la santé des entreprises du bâtiment mais cette fois, cette alerte se transforme en crainte. Car les conséquences de la crise de la Covid-19 se ressentent encore et ne sont pas à leur apogée... se sont ajoutées les flambées des prix du pétrole et du gaz et la guerre en Ukraine qui perdure renforce les pénuries de matériaux et la hausse des prix en général, surtout celui de l'acier.

La tonne de l'acier, depuis le conflit en Ukraine, a augmenté de 500 euros en à peine un mois, conséquence directe de la décision de l'Union européenne (UE) d'interdire, depuis le 15 mars, des importations d'acier russe pour sanctionner le Kremlin. Une conséquence en engendrant une autre : les russes ont bombardé le site sidérurgique d'Azovstal, la semaine dernière, l'un des plus importants en Europe, situé à Marioupol, ce qui ne prédit donc pas une avenir serein pour ce matériau.

Si la fin d'année 2021 envisageait une stabilité dans la hausse des prix et approvisionnement des matériaux - sans toutefois effacer les conséquences sur les trésoreries - la guerre en Ukraine a brisé cette perspective. « Les difficultés d'approvisionnement de matériaux et la hausse vertigineuse des coûts, en particulier du carburant, ne sont plus tenables pour nos entreprises et leurs salariés », constate Guillaume Gamache, Secrétaire général de la Fédération française du Bâtiment (FFB) de l'Oise.

Les prix s'envolent

Et les augmentations des prix sont effectivement vertigineuses : entre décembre 2020 et décembre 2021, le prix de gros du gaz affiche une augmentation de 590%, le prix de l'électricité affiche une augmentation de 471%, celui des prix des émissions du CO2, 157%, et le prix du baril de bent a augmenté de 73%. Par exemple, en 2019 le prix du gaz s'affichait à 18 euros le mégawatt, aujourd'hui il est de 160 euros. « Au total, nous enregistrons une hausse des prix général entre 10 et 20% pour le premier semestre 2022 et une autre du même ordre pour le second semestre », prévoit Loïc Lelu, président de la FFB Oise.

Une telle hausse s'explique par le fait que l'Ukraine et la Russie abritent une mine d'or de matériaux et sont d'importants producteurs, notamment aluminium pour l'Ukraine. « Le prix du bois a augmenté de 15% et il va y avoir probablement une pénurie, explique Olivier Guérin, le trésorier de la FFB Oise de l'Oise, à la tête d'une entreprise de menuiserie, Copeaux & Salmon. L'Ukraine est le premier fournisseur de chênes, la tension va donc continuer. Et pour aluminium, on nous annonce une forte hausse sans la préciser. »

L'avenir des entreprises en péril ?

La FFB de l'Oise est maintenant inquiète, très inquiète. Pour la fédération, l'avenir des entreprises du bâtiment est en jeu. D'abord parce que cette hausse des prix fait ralentir la santé économique des artisans, voire la noie. « Le prix de l'électricité est cinq fois plus haut, c'est un réel problème pour ceux qui utilisent cette énergie, constate le président de la FFB Oise. Les tuiliers par exemple qui cuisent les tuiles avec des fours se posent la question sur la continuité de l'activité. » C'est le même exemple pour le prix du carburant. Le GNR, le carburant pour les engins, est devenu un poids économique pour les entreprises. « Concrètement, avec la hausse, si une entreprises possède 20 engins, elle perd 8 000 euros par jour et si on lisse sur l'année, c'est une perte de 300 000 euros », calcule Guillaume Gamache.

Et puis cette année il y a le remboursement des PGE. « Une vraie bombe à retardement, s'alarme encore Guillaume Gamache. C'est une dette pour les entreprises. Alors les PGE ont été d'une grande aide pour maintenir l'activité mais le remboursement qui s'ajoute à la crise... Nous craignons beaucoup de fermetures d'entreprises mais surtout la perte de la volonté de transmettre et voir des dirigeants tout arrêter, par fatigue. » Les artisans sont à bout de nerfs : depuis le conflit ukrainiens, la FFB Oise n'a jamais autant enregistré un moral aussi bas de ses dirigeants.

Et enfin, cet avenir est toujours déséquilibré par la hausse des prix depuis la crise de la Covid-19, touchant directement les chantiers. Entre la commande publique stagnante, les chantiers des particuliers en attente, les pénalités de retard et les devis signés ne prenant pas en compte les augmentations des prix... les entreprises du bâtiments s'étranglent.

Quelles solutions ?

À l'instar de la FFB nationale, la FFB Oise monte au créneau et cherche activement des solutions. Les plus urgentes et les plus concrètes, qui impacteront directement sur la trésorerie des entreprises : une mesure transitoire de baisse du taux sur les carburants et la réactivation de la prise en charge totale de l'activité partielle, comme durant la crise de la Covid-19, pour les entreprises qui subissent des situations de pénuries.

D'autres mesures de solution sont avancées par la fédération. Un gel des prix de l'énergie et des carburants, « à l'image de ce que le Gouvernement français avait décrété lors de la Guerre du Golfe de 1991 », précise la fédération. Du côté des marchés publics, la prise en compte systématique des demandes d'indemnisation, d'avenant au marché, de non application des pénalités de retard (déjà demandée depuis la crise Covid-19). Autre mesure qui pourrait soulager les entreprises, la mise en œuvre de la théorie de l'imprévision tant dans les marchés publics que dans les marchés privés en vue d'imposer une renégociation des prix aussi longtemps que durera le conflit.

Le Gouvernement a tout de même répondu en intégrant le BTP dans son Plan Résilience. La révision des prix et le gel des pénalités de retard dans les marchés publics ainsi que l'accélération du calcul des index BTP sont des mesures prises et attendues par le secteur. La remise de 15 centimes sur les carburants pendant quatre mois et le report des charges fiscales et sociales soulagent également les trésoreries. Mais, pour le fédération, « il faut plus d'actions concrètes et plus rapides, rappelle Loïc Lelu. Car les entreprises du BTP vont mettre des années à se remettre de toutes ces conséquences des différentes crises et il faut les aider maintenant pour éviter le pire. »