Essai clinique « Discovery » : un grand pas pour la santé

Florence Ader, infectiologue dans le service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital de la Croix-Rousse au CHU de Lyon, pilote l'essai clinique européen "Discovery" destiné à évaluer des traitements expérimentaux contre le Covid 19. Selon elle, cet essai démarré dimanche dernier est pertinent car il s'effectue en temps réel par rapport à l'évolution du virus.

©CHU Croix-Rousse.
©CHU Croix-Rousse.

Quelle est la genèse de cet essai ?

Florence Ader : En janvier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a formaté un modèle de protocole de façon à ce que certains pays puissent se l’approprier face à l’urgence. Nous nous sommes mobilisés pour randomiser un protocole dans un temps record de façon à ce que la France puisse montrer sa réactivité. L’équipe en place travaille sur ce protocole depuis le 1er mars. C’est un exploit en termes de logistiques et de temps.

Qui sont les acteurs ?

F.A : Cet essai clinique est coordonné par l’Inserm dans le cadre du consortium européen Reacting. Nous allons donc pouvoir aider certains pays comme l’Espagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Allemagne ou le Royaume-Uni et la France à proposer des essais cliniques.

En quoi consiste cet essai clinique ?

F.A : Il s’agit d’un essai randomisé, c’est à dire que chaque patient qui est inclus dans l’essai se verra allouer un bras de traitement avec une randomisation information électronique, c’est à dire que le médecin ne choisit absolument pas le bras dans lequel le patient va recevoir le traitement. Cela permet d’échantillonner l’essai et de garder de la pertinence scientifique. L’essai Discovery démarre avec cinq modalités de traitement (soins standards, soins standards plus remdesivir, soins standards + lopinavir et ritonavir, soins standards + lopinavir, ritonavir et interféron beta, soins standards + hydroxy-chloroquine).

Combien de patients sont concernés par cet essai et où seront-ils traités ?

F.A : On en comptera 3 200 en Europe dont 800 en France. Dans un premier temps et pour ce qui concerne la France, l’hôpital Bichat à Paris et celui de la Croix-Rousse accueilleront les patients, puis nous décloisonnerons ces essais aux unités Covid-19 qui se sont déployées. La sélection des hôpitaux se fait en fonction de la cartographie de l’épidémie et de leurs moyens d’implémentation

Pourquoi est-ce déterminant d’effectuer ces recherches en temps réel ?

F.A : Il faut pouvoir être proactif face à ces bouffées épidémiques. Nous devons être capables de développer des stratégies thérapeutiques pour les mettre à disposition des patients le plus rapidement possible. Cet essai a donc la capacité à s’adapter aux évolutions du virus. Le fait de discriminer certaines molécules permet ainsi de basculer sur d’autres molécules candidates.

Quel est le mécanisme du test ?

F.A : Cet essai va couvrir un modèle de traitement complémentaire. Nous allons faire de l’inclusion très tôt par rapport à la maladie. Dès les premiers jours, le virus est alors plus actif.

Qui sont les patients éligibles ?

F.A : Il s’agit de personnes déjà hospitalisées et atteintes de pneumonie et/ou ayant besoin d’un support respiratoire, car touchées par le Covid-19. Ce sont ces malades qui nécessitent ces soins.

Pourquoi un tel emballement autour de l’hydroxy-chloroquine ?

F.A : Une publication sérieuse chinoise a fait le buzz scientifique récemment autour cette molécule et de sa robustesse. Cette molécule sera évaluée et comparée comme toutes les autres molécules et devra répondre d’argumentations solides pour prouver son efficacité.

 

Interview réalisée par Julien Thibert pour RésoHebdoEco/reso-hebdo-eco.com.