Mauvaise récolte pour la filière sucre des Hauts-de-France

La jaunisse décime la récolte de betteraves sucrières

Victime notamment d’attaques d’une maladie véhiculée par des pucerons, la filière sucre des Hauts-de-France doit faire face à une récolte 2020 catastrophique.

Rendements 2020 décevants pour les 11 556 planteurs des Hauts de France.(c)Aletheia Press /Benoît Delabre
Rendements 2020 décevants pour les 11 556 planteurs des Hauts de France.(c)Aletheia Press /Benoît Delabre

Les temps sont durs pour les betteraviers des Hauts-de-France, région qui concentre 45% de la production française. Ces dernières années, la filière française a dû s’adapter à la fin des systèmes de quotas et à l’effondrement des cours, entrainant la fermeture de plusieurs sucreries sur le territoire en 2020. Dans un contexte compliqué par le Brexit, la récolte 2020 a été catastrophique pour les 11 556 planteurs de la région, touchés par la jaunisse.

« L’impact de la jaunisse s’est intensifié selon un gradient allant du nord vers le sud, note Guillaume Gandon, agriculteur dans l’Aisne et vice-président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB). Ainsi, le Nord-Pas-de-Calais a été relativement épargné avec un rendement de 81 tonnes à l’hectare alors que la moyenne sur cinq ans est de 92 t/ ha. Dans l’Oise, le rendement est descendu à 52 t/ ha contre une moyenne sur cinq ans à 84 t/ ha. » À l’intérieur d’un département, la même disparité nord/ sud s’observe. « Au niveau français, la production a perdu un million de tonnes de sucre en 2020 », constate l’agriculteur.

Le retour des néonicotinoïdes sous conditions

Pour lutter contre les pucerons vecteurs de la jaunisse, il existait les néonicotinoïdes, interdits depuis 2018. Un projet d’arrêté pour l’utilisation dérogatoire de semences de betteraves traitées aux néonicotinoïdes est en cours, pour soutenir une production très fragilisée. Accordé du bout des lèvres par un gouvernement très critiqué, il interroge également les agriculteurs. À la date du 26 janvier, « nous attendons toujours la validation de cette dérogation pour les prochains semis… Et le temps presse. Les industriels doivent avoir le temps de préparer les semences [ndlr, pour les semis de mars] », soulève Guillaume Gandon. Quant à la betterave bio, « cela reste encore très compliqué aujourd’hui ».

Le projet d’arrêté, tel qu’il est aujourd’hui, vient bousculer fortement les rotations des cultures. « Dans mon cas, les restrictions sont telles que je dois soit diminuer mes surfaces de betteraves de moitié ou renoncer à la culture de pois protéagineux. » D’autres cultures seront potentiellement impactées, un non-sens agronomique et environnemental pour l’agriculteur désabusé : « Nous avons voulu être proactifs et proposer de diminuer de 25% les doses de produits pour le traitement des semences. Mais l’Anses, pour ses évaluations se base sur des références bien plus élevées. »

L’ombre du Brexit plane sur la filière betterave

Dernier point d’inquiétude, pour la filière régionale : le Brexit. La France est grande exportatrice de sucre en direction de la Grande-Bretagne. Les betteraviers des Hauts-de-France, première région productrice et exportatrice, ont « été soulagés de voir que la possibilité d’un Brexit dur s’éloignait. Mais nous demandons à Bruxelles d’être vigilent et de s’assurer que la Grande-Bretagne n’importe pas du sucre brut pour l’exporter, une fois raffiné, dans l’Union européenne. »
Guillaume Gandon sait que la filière régionale devra faire face à de nombreux défis dans les années avenir : environnement, évolution de la consommation… « Nous sommes une région qui a déjà connu une restructuration. Nous pouvons nous adapter et être compétitifs, à la condition que les règles soient les mêmes pour tous. » Avec une certitude, des sites de transformation qui disparaissent sur un territoire, c’est une production et des emplois dans l’agroalimentaire qui se délocalisent avec peu d’espoir de les retrouver un jour.