Europe

Les banques européennes dans la tourmente

Après les États-Unis, c’est désormais le secteur bancaire européen qui se trouve dans la tourmente avec la chute de Credit Suisse et les ennuis de Deutsche Bank… Décryptage.

(© Adobe Stock)
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Faillite de SVB, faillite de Silvergate Bank qui fournissait des services aux utilisateurs de cryptoactifs, faillite de Signature Bank trop exposée aux cryptoactifs, chute du Credit Suisse, déboires de Deutsche Bank, perquisition dans cinq banques françaises dans le cadre d’une enquête pour fraude fiscale… Le mois de mars aura été éprouvant pour le secteur bancaire !

Acte 1 : du ralentissement de la Tech aux faillites bancaires

Acte 1, scène 1. Avec la fin de la pandémie de Covid-19, le chiffre d’affaires des géants de la Tech est revenu à un rythme de progression moins effréné, d’où des désillusions nombreuses sur le Nasdaq pour Amazon, Microsoft, Apple, Meta… Puis ce fut au tour des autres entreprises du secteur, cotées ou non, de réduire la voilure. Les start-up, en particulier, ont eu plus de mal à lever des fonds — avec désormais une exigence de rentabilité forte et rapide —, les obligeant à tirer plus souvent sur leur compte en banque pour rembourser, entre autres, des crédits devenus plus chers avec la hausse des taux d’intérêt.

Chemin faisant, commence l’acte1 , scène 2. Une banque comme SVB, qui gérait notamment les énormes montants de trésorerie des jeunes pousses de la Silicon Valley, ne pouvait que se retrouver en difficulté, d’autant plus qu’elle plaçait ces fonds pour l’essentiel en titres obligataires à long terme, comme les bons du Trésor américain. Elle a dû, en effet, se résoudre à vendre des actifs mis en réserve afin de trouver des liquidités. Et ce, au plus mauvais moment, puisque ses portefeuilles de titres obligataires ont subi des moins-values liées au resserrement de la politique monétaire aux États-Unis.

D’où des pertes colossales, qui ont sérieusement entamé la confiance des clients et des investisseurs, et débouché sur une ruée bancaire. Résultat : le 10 mars dernier, les autorités californiennes ont décidé de fermer la banque. Et pour tenter d’éviter une panique, la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation) a alors annoncé garantir les dépôts à hauteur de 250 000 dollars par déposant, d’autant que deux autres banques venaient également de faire défaut. Mais ce fut peine perdue. Encore une fois, l’État américain dut se résoudre à garantir la totalité des dépôts d’une banque en faillite (SVB), car de nombreuses start-up étaient sur le point d’y laisser leur chemise ! La mauvaise gestion du risque par les institutions bancaires, conjuguée à un allègement de la réglementation bancaire sous Trump, aura eu raison des grands principes de non-renflouement.

Acte 2 : tempête sur les banques européennes

L’onde de choc aux États-Unis a fait ressurgir les pires souvenirs de la crise des subprimes, même s’il ne s’agit absolument pas d’une crise systémique pour l’heure. Du côté européen, c’est le début de l’acte 2. Des doutes ont commencé à émerger sur la solidité du système bancaire du vieux continent, alors même qu’il n’y avait, a priori, aucune raison que les problèmes localisés de quelques banques régionales américaines se répercutent sur les banques européennes. Et si le Credit Suisse et la Deutsche Bank reviennent incessamment sur les radars, c’est avant tout en raison des coûteux scandales que ces deux banques traînent derrière elles, telles des casseroles faisant du bruit sur les marchés financiers à chaque ondée.

Dans le cas de Credit Suisse, il aura ainsi suffi d’une vague déclaration du président de la banque saoudienne Saudi National Bank, premier actionnaire (et sauveur) de Credit Suisse, pour que les investisseurs, déjà fébriles avec la faillite de SVB aux États-Unis, paniquent. Le cours de l’action Credit Suisse a dès lors dévissé, entraînant dans son sillage tout le secteur bancaire européen !

Le problème est que Credit Suisse — à l’instar de Deutsche Bank — est qualifié de banque systémique, dans la mesure où sa faillite aurait des répercussions en cascade sur tout le système bancaire. De telles banques sont donc «too big to fail » (trop grosses pour faire faillite), ce qui a amené la Banque centrale suisse à accepter une ligne de crédit à hauteur de 50 milliards de francs suisses pour renforcer les liquidités de Credit Suisse. Et comme cela n’a pas suffi à faire retomber la fièvre, les autorités suisses ont organisé son rachat par UBS dans des conditions extrêmement favorables, au risque de créer un autre mastodonte menaçant à la fois la concurrence sur le marché des activités bancaires et l’ensemble du système européen…

Face à cette situation tendue dans le secteur bancaire européen, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, s’est voulue rassurante : « en ce qui concerne la stabilité financière, la BCE dispose de tous les outils nécessaires pour fournir des liquidités au système financier de la zone euro, si nécessaire ». Dont acte ! Mais SVB aux États-Unis vient de prouver que les règles prudentielles de Bâle III — plus ou moins mal appliquées des deux côtés de l’Atlantique — ne peuvent empêcher les ruées bancaires. L’acte final de cette pièce reste donc encore à écrire…