Financement des collectivités : les pistes de la Cour de comptes pour une réforme

Éclairage sur les propositions de réforme du financement des collectivités territoriales suggérées par la Cour des comptes, à la demande de la commission des Finances du Sénat.

(c) Adobe Stock
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Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a présenté, le 12 octobre dernier, devant la commission des Finances du Sénat les résultats de l’enquête sur le financement des collectivités territoriales que les sénateurs avaient commandée aux magistrats financiers pour éclairer les débats dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027.

Alors que la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et la baisse des impôts de production ont « profondément modifié le panier des recettes de toutes les catégories de collectivités », le retour de l’inflation, qui pèse sur leurs achats, et la hausse du point d’indice des fonctionnaires créent « une tension et, disons-le, une inquiétude nouvelle, sur le budget des collectivités », a-t-il souligné, avant de présenter les grandes lignes du rapport de la Cour.

Définir une trajectoire soutenable des finances publiques

Afin de définir « une trajectoire soutenable » des finances publiques, les magistrats financiers ont étudié plusieurs évolutions possibles des modalités de financement des collectivités territoriales, et ainsi réformer un système devenu « peu compréhensible », source « d’inégalités entre collectivités », et « assez unanimement critiqué ». Les trois critères retenus pour élaborer ce nouveau scénario de financement sont « l’équilibre, pour garantir la soutenabilité des finances locales, la territorialisation des ressources, pour renforcer le lien avec les contribuables et la capacité d’action des collectivités, et la solidarité, pour réduire les inégalités entre territoires ».

De façon globale, le schéma proposé par la Cour des comptes conduit « à recentrer la fiscalité locale sur le bloc communal, pour plus d’autonomie et de responsabilité, à mettre en place un système plus solidaire de financement des départements, pour leur permettre de faire face à leurs dépenses sociales, et à renforcer le financement des régions par la fiscalité économique nationale ».

DMTO délocalisés, dotation d’action sociale…

Ainsi, les communes continueraient de bénéficier de la taxe foncière, de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseau (IFER). Quant aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), ils seraient transformés en un impôt national affecté au bloc communal, selon des critères de répartition basés sur des caractéristiques socio-économiques, et non plus sur le lieu des transactions immobilières.

Au niveau des départements, le scénario suggère de leur affecter un panier d’impôts nationaux – la taxe spéciale sur les conventions d’assurance et une fraction de la TVA et de l’impôt sur le revenu – et de créer une dotation d’action sociale pour sécuriser le financement de ces dépenses. Enfin, les régions seraient financées par deux impôts économiques partagés : la TVA et l’impôt sur les sociétés. Dans ce schéma, la part de la TVA affectée aux collectivités territoriales passerait de 20% à 24%, les départements se partageraient 10% de l’impôt sur le revenu et les régions 12% de l’impôt sur les sociétés.

Renouveler la gouvernance des finances publiques locales

« Ce scénario a été présenté aux associations d’élus » et « nous avons senti un point de sensibilité particulier concernant la proposition de transformer les DMTO en impôt national partagé », a précisé le président de la Cour des comptes. Les DMTO sont une ressource « très instable », car très liée au contexte économique, et « c’est un impôt qui crée de fortes inégalités car l’assiette territoriale est très inégalement répartie, malgré les dispositifs de péréquation horizontale », a-t-il ajouté pour justifier cette proposition de réforme.

De façon plus générale, ce scénario doit être vu comme « un cadre de référence en vue d’un ajustement progressif des règles de financement » et la conduite d’un tel projet impliquerait de « renouveler la gouvernance des finances publiques locales », en mettant en place des instances de dialogue et de concertation et en favorisant le partage de données. La réforme du financement des collectivités territoriales est « un sujet complexe, qui divise », et c’est pourquoi les propositions sur l’évolution de la gouvernance « sont essentielles ».

« Nous aurons un débat avec les associations d’élus avant de rendre un rapport sur ce sujet », a conclu le président de la commission des Finances du Sénat, Claude Raynal (Haute-Garonne, PS), à l’issue de l’audition. « C’est un sujet impossible, nous le savons tous », a-t-il ajouté. « On rafistole le système depuis des années pour sauver des collectivités en difficulté » mais « dès que l’on touche à quelque chose, c’est non ». Il est « très difficile d’ouvrir ce débat » et c’est pourquoi « il est important de remettre le parlement dans la boucle des négociations ».