Écologie : un nouveau décret actualise le droit de l’urbanisme commercial

La loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 consacrait deux chapitres entiers à la problématique de l’artificialisation des sols. En matière de surfaces commerciales, sauf exceptions, le principe est désormais qu’une autorisation d’exploitation commerciale (AEC) ne peut être délivrée si le projet engendre une artificialisation des sols. Un décret du 13 octobre 2022 (n° 2022-1312) apporte des précisions.

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La procédure et les critères de délivrance d’une AEC 

En plus du permis de construire relatif au projet, la création ou l’extension d’une surface de vente supérieure à 1000 m², nécessite l’obtention préalable d’une Autorisation d’exploitation commerciale (AEC), délivré par la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC). Depuis 2015, une procédure de « guichet unique » permet au porteur de projet de déposer un seul dossier, portant à la fois sur la demande de permis de construire et la demande d’autorisation d’exploitation commerciale. Le permis de construire délivré par le maire tient lieu d’AEC, dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la CDAC, au regard des conditions fixées par l’article L. 752-6 du Code de commerce. En outre, le porteur du projet doit démontrer, dans son étude d’impact, « qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé ».

L’interdiction d’implantation des projets entraînant artificialisation des sols

L’article L. 752-6 du Code de commerce modifié par la loi « Climat et Résilience » ajoutait un critère supplémentaire à la délivrance de l’avis favorable de la CDAC, prenant la forme d’une interdiction de principe : « l’autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols ». En clair, le pétitionnaire doit désormais démontrer, dans son étude d’impact, que son projet n’entraîne aucune artificialisation du terrain d’assiette du projet. Ce principe est réaffirmé avec force à l’article 1 du décret du 13 octobre 2022.

La notion « d’artificialisation d’un sol » avait, quant à elle, reçu une définition légale : il s’agit de « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ». La définition adoptée est large et permet facilement de regarder la totalité des implantations des surfaces commerciales, comme emportant une artificialisation des sols.

Toutefois, le décret du 13 octobre 2022 vient de préciser la manière dont les autorités doivent appréhender ce nouveau critère : « est considéré comme engendrant une artificialisation des sols un projet d'équipement commercial dont la réalisation engendre, sur la ou les parcelles cadastrales sur lesquelles il prend place, une augmentation des superficies des terrains artificialisés, au sens du neuvième alinéa de l'article L. 101-2-1 du Code de l'urbanisme, par rapport à l'état de ces mêmes parcelles à la date du 23 août 2021 » (lendemain de la promulgation de la loi Climat et Résilience).

Une large dérogation

Une dérogation à ce principe d’interdiction a toutefois été prévue. Seuls sont concernés par cette dérogation, les projets ayant pour objet :

- La création d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial d’une surface de vente inférieure à 10 000 m².

- L'extension de la surface de vente d’un commerce ou d’un ensemble commercial, dès lors que la surface de vente totale reste inférieure à 10 000 m².

- L’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 10 000 m² ou devant le dépasser par la réalisation du projet, dans la limite d’une seule extension par magasin ou ensemble commercial, et sous réserve que l’extension de la surface de vente soit inférieure à 1 000 m².

Le texte précise, enfin, que « pour tout projet d’une surface de vente supérieure à 3 000 m² et inférieure à 10 000 m², la dérogation n’est accordée qu’après avis conforme du représentant de l’État ».

Lorsque le porteur de projet est « éligible » à la dérogation, il devra, dans l’étude d’impact :

- Justifier que le projet s’insère dans l'urbanisation environnante, notamment par l'amélioration de la mixité fonctionnelle du secteur, et de sa conformité avec les règles d'urbanisme en vigueur, ainsi que par la justification de l'absence d'alternative à la consommation d'espaces naturel, agricole ou forestier. Une carte du projet ou un plan est fourni à l'appui de cette justification.

- Fournir une description de la contribution du projet aux besoins du territoire, en s'appuyant, notamment, sur l'évolution démographique de ce dernier, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise du projet.

- Justifier soit de l'insertion du projet « dans un secteur d'intervention d'une opération de revitalisation de territoire » (ORT) ou dans « un quartier prioritaire de la politique de la ville » (QPV), soit « dans une opération d'aménagement au sein d'un espace déjà urbanisé », soit que « les mesures présentées permettent de compenser les atteintes prévues ou prévisibles, directes ou indirectes, occasionnées par la réalisation du projet, en transformant un sol artificialisé en sol non artificialisé, au sens de l'article L. 101-2-1 du Code de l'urbanisme, afin de restaurer de manière équivalente ou d'améliorer les fonctions écologiques et agronomiques altérées par le projet ».

Sur ce dernier point, le décret indique la manière dont les mesures de compensation doivent être appréciées lors de l’examen de la demande de dérogation. On notera, toutefois, que la rédaction du décret accorde au service préfectoral instructeur une large marge d’appréciation, puisqu’il est par exemple indiqué que l’équivalence doit être appréciée « en termes qualitatifs et quantitatifs ». En tout état de cause, elle doit nécessairement se traduire par la désartificialisation d’un foncier équivalent situé à proximité immédiate du projet, et en priorité au sein d’une zone de renaturation préférentielle identifiée dans le PLU ou le SCoT.