2015 : une année difficile pour l’emploi en Picardie

Lors de ses vœux, le chef de l’État, François Hollande, a réaffirmé sa volonté de faire de l’emploi sa priorité. Le Président a annoncé un vaste plan de formation de 500 000 demandeurs d’emploi alors que le taux de chômage atteint des sommets, à 10,5% de la population active en France métropolitaine. Quant à la Picardie, le chômage a progressé de +2,4% en un an et la région compte désormais 116 883 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A, fin novembre 2015

L'immeuble du CFA de l’Aisne à Laon est de moins en moins peuplé.
L'immeuble du CFA de l’Aisne à Laon est de moins en moins peuplé.
La Picardie reste une région sinistrée par le chômage.

La Picardie reste une région sinistrée par le chômage.

La courbe du chômage, malgré les promesses et les emplois aidés, tarde à s’inverser. La crise économique débutée en 2008-2009 a profondément modifié la structure de l’emploi en Picardie avec la chute de l’activité. Depuis, la région s’enfonce dans une situation de chômage de masse autour de 11,5% au second trimestre 2015 d’après les données de l’Insee, touchant en particulier les jeunes, les seniors et les moins diplômés. En 2015, la part des demandeurs d’emploi en recherche d’un poste depuis un an ou plus représente presque la moitié des inscrits auprès de Pôle emploi.

Une forte progression du chômage en 2015

Malgré une légère reprise de l’activité économique en France au cours de l’année, avec une croissance estimée à +1,2% en 2015 selon la Banque de France, la situation de l’emploi ne s’est pas améliorée avec un chômage en hausse de +2,5% sur la Métropole pour la seule catégorie A.

Une évolution qui s’apparente à celle constatée en Picardie où le chômage s’intensifie dans les trois départements. La Somme étant le département le plus durement touché avec une hausse de +5% depuis novembre 2014, suivi de l’Aisne avec +1,9%.

Bien que le chômage varie de seulement +0,9% dans l’Oise, le départe- ment concentre le plus grand nombre de demandeurs d’emploi avec 44 507 inscrits en catégorie A en novembre 2015. De plus, Pôle emploi enregistre une très nette augmentation des demandeurs d’emploi inscrits dans les catégories B et C qui répertorient les personnes en recherche active d’emploi mais ayant exercé une activité réduite. Au final, à fin novembre 2015, la Picardie compte 179 000 chômeurs en A, B et C, un chiffre en progression de +4,5% sur l’année contre +5,1% pour la France métropolitaine.

Une disparité selon les profils des demandeurs d’emploi

Pour trouver un emploi en Picardie, il vaut mieux être un homme de moins de 25 ans. Si le chômage touche autant les femmes que les hommes, il est en plus forte augmentation pour les premières (+5,2% en catégories A B C). De même, les seniors sans activité croissent de 7,5% sur l’année, pour atteindre 40 000 personnes en novembre contre 37 000 l’année précédente. Une situation du marché du travail qui amène à une précarisation de l’emploi inscrivant durablement les salariés dans l’instabilité.

« En 2010, sur les 640 000 salariés picards des secteurs privé et semi-public, 96 000 occupaient un emploi de forme particulière : CDD, intérim, emplois aidés, apprentissage », remarque une étude de l’Insee publiée en décembre 2015.

Des emplois précaires

La baisse de l’activité économique depuis la crise de 2008-2009 a déclenché une modification des comportements des acteurs sur le marché du travail. Face à l’incertitude, les entreprises ont favorisé certains types de contrats aux dépens du CDI et du temps partiel. « En France métropolitaine, la croissance du taux d’entrée en CDD est frappante : en 2014, seules 16% des embauches sont réalisées en CDI contre 29% en 2007, avec une très forte progression des contrats de très courte durée », constate la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares).

En 2010, le CDD représentait 45 000 emplois en Picardie, soit 6,8% du volume de travail salarié et le recours à ce type de contrat restait moins important que dans d’autres régions de France. Avec 28 000 intérimaires représentant 3,5% du volume d’heures salariées en 2010, la Picardie se hissait à la 4e place des régions usant de ce type d’emploi. La flexibilité induite par cette forme de contrat a été forte de conséquences dans la région. En quatre ans, l’intérim a constaté une baisse de 18% du nombre des contrats. « Les destructions ont surtout eu lieu dans l’industrie, avec 60 000 contrats de moins, ainsi que dans le transport et la construction qui perdent respectivement 5 100 et 10 000 contrats », précise l’Insee.

Les jeunes plus touchés par la précarité

Si le taux de chômage des jeunes tend à diminuer légèrement en 2015 (-2,5% en catégorie A), ils ne sortent pas pour autant de la précarité. En revanche, la détention d’un diplôme offre une relative protection face aux emplois les plus précaires. « Près d’un quart des salariés en contrat d’intérim et aidé ne possèdent aucun diplôme, contre moins de 15% pour les emplois stables », remarque l’Insee. Pour accompagner les jeunes sur le marché du travail, des politiques publiques ont été mises en place.

Elles passent notamment par les emplois d’avenir qui ont aidé plus de 4 000 jeunes en 2014, en hausse de plus de 10% par rapport à l’année précédente. En 2010, la Picardie était la 3e région à recourir le plus aux dispositifs d’emplois aidés, juste après le Nord-Pas-de-Calais et la Lorraine. Enfin, l’apprentissage est plus présent en Picardie qu’en moyenne métropolitaine. Pourtant, depuis plusieurs années, les entrées en apprentissage diminuent et les femmes ne représentent que 29% des apprentis dans la région.

À la fin 2014, près de 12 000 jeunes, soit 2,1% du volume de travail salarié, avaient opté pour ce type de formation, avec un taux d’insertion sur le marché du travail de l’ordre de 74%.

Les associations Initiative présentes en Picardie accompagnent chaque année 650 nouvelles entreprises.

Les associations Initiative présentes en Picardie accompagnent chaque année 650 nouvelles entreprises.

Quel est le dynamisme entrepreneurial en Picardie ?

Selon un sondage de l’Ifop, près d’un tiers des Français déclarent avoir envie de créer une entreprise, en reprendre une ou bien de se mettre à leur compte. Malgré ces bonnes intentions, les créations d’entreprises en France ont chuté de 5% en 2015, selon les données de l’Agence pour la création d’entreprises (APCE). «  Toutes les régions en France constatent une chute des créations, à l’exception de l’Île-deFrance. En Picardie, la baisse s’établit à -3,6% et pour le département de la Somme à -2,8% », explique Claudine Jacob-Pernisien, directrice de l’association Initiative Somme. L’association apporte un soutien aux porteurs de projet. Elle conseille les entrepreneurs dans la définition de leur business plan. Chaque année, les équipes d’Initiative Somme rencontrent 2 000 candidats à l’entrepreneuriat. « Parmi eux, on comptabilise 50% de demandeurs d’emploi. Contrairement aux idées reçues, ce ratio ne varie pas significativement d’une année à l’autre. Il s’agit surtout de personnes qui veulent prendre leur projet professionnel en main  », remarque la directrice de l’association. Les porteurs de projet s’inscrivent tous dans une vraie dynamique, mais seul un tiers vont jusqu’à la création, faute d’avoir une idée viable ou assez mûre. «  Les entreprises suivies par  l’association ont un taux de pérennité de 75% à cinq ans, soit 20 points au-dessus de la moyenne nationale. » Le profil des entrepreneurs se rajeunit. Diplômés, un quart des créateurs ont moins de 30 ans en France et seulement 30% sont des femmes. Des données similaires à celles constatées en Picardie. « Un peu moins de la moitié des entreprises créées sont sous le statut de l’auto-entrepreneur. Il a un effet tremplin et permet aux entrepreneurs de mettre un premier pied dans le monde de la création d’entreprise », explique Claudine Jacob-Pernisien.

L'immeuble du CFA de l’Aisne à Laon est de moins en moins peuplé.

L'immeuble du CFA de l’Aisne à Laon est de moins en moins peuplé.

L’apprentissage, porte d’entrée sur le marché du travail ?

Depuis quatre ans, le nombre d’entrées en contrat d’apprentissage ne cesse de baisser. Pourtant, ce type de formation offre de bonnes garanties d’accès au marché du travail. « Huit apprentis sur dix de niveau BTS trouvent un emploi dans les six mois suivant la fin de la formation et le taux d’insertion est de 60% pour les titulaires d’un CAP  », explique Lucie Richard, responsable du CFA Laon. Les entreprises apprécient en effet ces jeunes salariés ayant de l’expérience, qui connaissent le fonctionnement d’une entreprise et donc la rigueur exigée. Le pouvoir public d’ailleurs est favorable à l’apprentissage et incite les jeunes à opter pour cette voie d’étude grâce à des subventions ou encore à des diminutions de charges sur les salaires. Toutefois, la réforme du bac professionnel a cassé cette dynamique. « Les rythmes d’alternance sont beaucoup plus longs avec 675 heures par an. Les jeunes sont moins souvent en entreprise. Ces dernières sont plus réticentes à embaucher  », regrette Lucie Richard. Enfin, certains métiers, notamment dans la restauration et l’hôtellerie, sont totalement délaissés par les jeunes car souffrant d’une image de métier pénible. « On constate un taux de rupture de 20% dans ces filières qui n’attirent pas les apprentis. Il existe pourtant de belles opportunités de carrière  », remarque Lucie Richard.

 

Alban LE MEUR