Restauration

Oise : les grandes surfaces à la rescousse des restaurants

Les grandes surfaces alimentaires riment rarement avec le concept de gastronomie dans l’esprit des consommateurs. Mais cette période tourmentée pourrait bousculer les préjugés. Alors que leurs établissements restent fermés, certains chefs ont réussi à proposer leurs plats dans quelques hyper et supermarchés. Une expérience gagnant-gagnant.

Les plats du Castle, vendu au sein de Carrefour Venette, près de Compiègne.(c)DR
Les plats du Castle, vendu au sein de Carrefour Venette, près de Compiègne.(c)DR

Comment survivre lorsque son personnel est à l’arrêt, que les aides ne couvrent pas les frais et qu’on ne touche pas de salaire en tant que gérant de l’entreprise ? Le click and collect apporte, certes, un peu d’activité pour les restaurateurs localisés en ville et bien desservis par les grandes plates-formes comme Deliveroo ou Uber. Par contre, en zone rurale, pour les petites agglomérations, les clients locaux ne suffisent pas. Trouver d’autres débouchés est une question de survie.

Un parcours difficile

Aymeric Fezelot, propriétaire du Castle à Pierrefonds, a ainsi sollicité plusieurs enseignes, magasins et centrales. « Je les ai tous contactés, mais seul l’hypermarché Carrefour de Venette près de Compiègne a donné suite ». Depuis un mois, le restaurateur propose chaque fin de semaine, un menu différent avec une entrée, deux plats - viande ou poisson - au choix et un dessert, conditionnés individuellement. « Je travaille avec la boucherie du coin et des produits locaux. On a même conçu une étiquette et un logo particuliers avec une entreprise locale. La marge reste faible mais cette activité apporte un peu d’oxygène et booste le moral ». L’ouverture prévue d’un second établissement Le Castello, un restaurant italien à la place de l’Auberge des blés d’or, a donc été encore différée.

À Senlis, c’est l’Intermarché lui-même qui a sollicité le chef Jean Bataille qui dirige en centre-ville deux restaurants réputés, le Bellon et le Scaramouche, une hôtellerie et un magasin-traiteur. Depuis le confinement, l’activité traiteur a d’ailleurs augmenté ses ventes. « Les propriétaires de l’Intermarché m’ont contacté un peu avant la Saint-Valentin et mis à disposition un espace pour proposer des plats tous les jours sauf le lundi. Il faut préciser que le supermarché ne prend aucune commission ».


Senlis, une clientèle variée

Tout le monde y gagne. D’un côté le restaurateur se fait connaître, de l’autre le magasin attire une clientèle supplémentaire de centre-ville. Certains clients des restaurants viendraient même exprès au supermarché. « On a, en plus, touché une clientèle nouvelle qui s’est aperçue qu’elle pouvait s’offrir des plats de qualité, note Jean Bataille. Par exemple la clientèle des commerciaux qui viennent pour prendre des plats pour le déjeuner ou encore celle des hôtels qui veulent manger quelque chose de bon le soir ». Un des cuisiniers est présent sur place chaque jour, de 10 h à 12 h, pour faire la promotion des plats et expliquer comment les réchauffer ou les présenter.

En attendant la réouverture de ses établissements, Jean Bataille propose ses plats à l’Intermarché. (@DR)

« Humainement, c’est très important de continuer à avoir une activité et des contacts. Certes, le rendu n’est pas le même qu’en salle, il n’y a pas le service, mais on a la qualité d’une cuisine traditionnelle réalisée avec des produits ultra-frais » souligne Jean Bataille. D’un point de vue économique, le résultat pèse environ 15% du chiffre d’affaires, ce qui est significatif car sur les 34 employés du groupe, seuls cinq sont encore en activité.

Résultat ? Le succès est tel qu’au lendemain du week-end pascal, le magasin était en rupture et des clients téléphonaient aux premières heures de la matinée pour connaître l’heure de livraison. Quant à l’avenir de ces dispositifs, les restaurateurs estiment déjà que la clientèle ne sera pas aussi nombreuse qu’avant la crise. L’été dernier, une baisse de 20% avait été constatée. Des discussions sont déjà en cours pour poursuivre ces collaborations, peut-être de façon plus formelle et plus simple.