Restauration : l'inquiétude grandit dans la région

Fermés depuis le 29 octobre à cause de la situation sanitaire, les restaurateurs dénoncent une situation « catastrophique » et « injuste ». Déjà très impactée par le premier confinement, la profession tire la sonnette d'alarme et réclame des mesures supplémentaires.

Les bars et restaurants ont été contraints de baisser le rideau le 29 octobre. Ils attendent une date de réouverture. Comme ici, au Quai Belu, à Amiens.
Les bars et restaurants ont été contraints de baisser le rideau le 29 octobre. Ils attendent une date de réouverture. Comme ici, au Quai Belu, à Amiens.

« Combien ne vont pas rouvrir ? », se désolent Sara Canet et Thomas Vrel, à la tête de la Peña, restaurant amiénois en activité depuis trois ans au pied de la cathédrale. Dans leur grande salle désespérément vide depuis le 29 octobre, les deux jeunes dirigeants pointent la décision du Gouvernement : « Nous nous attendions à un deuxième confinement mais avons trouvé ça vraiment injuste après tous les efforts fournis ces dernières semaines pour respecter au mieux le protocole sanitaire », confient-ils. Le couple aurait souhaité pouvoir rouvrir en même temps que les commerces jugés non essentiels, « avec, pourquoi pas, une brigade qui tourne et verbalise très fortement les restaurateurs qui ne respectent pas les règles. Cela permettrait aussi aux clients d’avoir un gage de sécurité ».

Thomas Vrel et Sara Canet, du restaurant La Peña, jugent la fermeture des restaurants “injuste” après “tant d’efforts” pour s’adapter.

En attendant le 20 janvier, potentielle date de réouverture, Sara Canet et Thomas Vrel profitent de leur petit garçon et de leur temps libre pour se mettre à jour sur le plan administratif. « Nous n’avons pas souhaité reprendre la vente à emporter et en livraison que nous proposions durant le premier confinement. Car même si nos plats avaient été très bien accueillis par la clientèle, avec environ 150 repas vendus sur deux jours par semaine, l’opération n’était pas rentable. Cela prend du temps de mettre en boîte, de livrer etc. Sans compter le coût supplémentaire de l’emballage… ». Les deux jeunes restaurateurs proposent donc uniquement une formule traiteur pour le fêtes de fin d’année cette fois.

« Nous voulons travailler »

« Nous sommes encore moins essentiels que les non essentiels », fustige Christophe Duprez, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) 80. « C’est très difficile à encaisser quand on sait que le secteur représente 1 million d’emplois en France et 250 000 salariés ! » Le patron du restaurant Le Quai et du bar Le Nelson, situés quartier Saint-Leu à Amiens, ne nie pas la gravité de la situation sanitaire mais ne s’attendait pas à une décision aussi radicale de la part du Gouvernement : « C’est une claque ! Il n’y a pas de clusters dans nos établissements. Nous ne sommes pas plus dangereux que des cinémas ou des théâtres par exemple. Les patrons de restaurants sont des chefs d’entreprises et des citoyens responsables, qui ont toujours joué le jeu en se pliant aux règles. Je pense qu’on peut leur faire confiance. Or actuellement, on les traite un peu comme des voyous… » Pour le président de l’Umih 80, les aides actuelles sont « conséquentes » mais pas suffisantes. « Nous ne voulons pas vivre des aides, nous voulons vivre de notre travail. C’est pourquoi nous demandons la réouverture de nos établissements », insiste Christophe Duprez qui souhaite également une « feuille de route claire pour la suite, une baisse de la TVA pour les deux ou trois prochaines années afin de refaire les trésoreries et une solution pour le paiement des congés payés du personnel. »

Toute la filière impactée

Jean-Marie Serre, président de l’Umih 02, qui juge lui aussi la situation « catastrophique », estime qu’il faudrait aller encore plus loin avec l’annulation complète des charges. « Un report, ça ne suffit pas. Les trésoreries se sont beaucoup trop dégradées ». « Quand on a zéro de chiffre d’affaires il faudrait avoir zéro dépense aussi », le rejoint Christophe Duprez. Les syndicats de la professions étaient dans les rues de Laon et de Lille début décembre pour faire part de leur mécontentent et faire entendre leur réclamations.

L’Umih dénonce par ailleurs des inégalités avec la restauration collective, qui elle continue de fonctionner normalement. Elle souligne également le fait que les patrons ne sont pas les seuls à souffrir de la situation. « C’est toute une filière qui se retrouve en difficulté. Nos partenaires, maraîchers, boulangers, débits de boissons, viticulteurs etc. sont eux aussi très impactés », poursuit Jean-Marie Serre, à la tête d’une entreprise familiale (restauration et traiteur) qui existe depuis 1961. « Des moments difficiles j’en ai connu en 40 ans de métier, mais des comme ça jamais ! »

Bien que très impatients de rouvrir leur établissement, Sara Canet et Thomas Vrel appréhendent un peu ce moment. « Il va falloir se remettre dedans physiquement, ce n’est pas évident après une si longue période d’inactivité. Nous craignons aussi une flambée des prix vu que la demande va soudainement exploser… ». Apolline Richer, gérante des Petits délices entre amis (voir encadré) redoute quant à elle la mise en place de nouvelles règles encore plus strictes. « Si c’est trop compliqué ou qu’on nous demande de supprimer de nouvelles tables, on fermera tout simplement la salle pour ne proposer que de la vente à emporter. » Verdict le 20 janvier… au mieux !


La vente à emporter se maintient

Apolline Richer, gérante des Petits délices entre amis à Amiens, s’estime chanceuse. Grâce à la vente à emporter, la jeune femme parvient à « limiter la casse » malgré la fermeture de son établissement. « On ne fait pas notre chiffre habituel, mais globalement on s’en sort plutôt bien. Je travaille avec mon conjoint uniquement donc nous avons peu de charges. Par ailleurs, nous sommes habitués et déjà équipés pour la vente à emporter puisque nous la pratiquons toute l’année. Le prix des contenants est déjà compris dans nos coûts », explique la jeune femme, installée depuis un peu plus de deux ans dans le centre ville, profitant ainsi d’une clientèle principalement composée d’actifs le midi. « Depuis le début du confinement, nous voyons arriver de nouvelles têtes car de nombreux clients, habitués à aller déjeuner ailleurs, ont dû trouver un nouvel établissement pour se restaurer. Et s’ils sont satisfaits, ce sont leurs collègues qu’on voit ensuite débarquer le lendemain. Le bouche à oreille n’a jamais aussi bien fonctionné qu’en ce moment », se félicite la jeune restauratrice, qui propose une carte à base de produits frais, locaux et de saison qu’elle met à jour quotidiennement.