Consommation

2020, une année exceptionnelle pour l’Autorité de la concurrence

Crise sanitaire, montant record des sanctions, recours aux nouveaux outils mis à sa disposition par la loi DDADUE… 2020 a été une année très particulière pour l’Autorité de la concurrence.

(c)Adobestock
(c)Adobestock

C’est le bilan « d’une année exceptionnelle » que la présidente de l’Autorité de la concurrence, Isabelle de Silva, a dressé lors de la présentation du rapport d’activité 2020 de l’institution à la presse. En matière de contrôle des concentrations, « la crise sanitaire a entraîné un effondrement du nombre des notifications entre mars et août 2020 ». L’Autorité, qui a procédé à « une mise à jour de ses lignes directrices en tenant compte des réalités économiques », a prononcé l’an passé deux décisions d’interdiction à l’encontre de Soditroy (grande distribution) et d’Ardian (oléoducs) et des décisions importantes pour le secteur des biens de consommation et, en particulier, de l’habillement (Camaïeu, Cyrillus, La Halle…), « un secteur qui connaît des difficultés persistantes ».

À noter également, le changement d’approche de la Commission européenne en ce qui concerne les opérations en-dessous des seuils de notification obligatoire, « notamment, dans le domaine du numérique et des entreprises innovantes où des opérations peuvent avoir des effets stratégiques sur les marchés ». Désormais, la Commission pourra étudier ces acquisitions à la demande des autorités des États membres.

Pratiques anticoncurrentielles : un montant record de sanctions

En matière de pratiques anticoncurrentielles, l’année a été exceptionnelle au regard du montant des sanctions : l’Autorité a prononcé un total de 1,8 milliard d’euros de sanctions, soit un record historique. Mais c’est aussi « une année exceptionnelle parce que nous avons pris un certain nombre de décisions qui ont permis des avancées majeures dans certains secteurs », a souligné Isabelle de Silva. L’Autorité a ainsi pris deux décisions importantes dans le domaine de la santé en sanctionnant, d’une part, les groupes Novartis et Roche pour des pratiques abusives en matière de traitement de la DMLA (dégénérescence maculaire), et, d’autre part, plusieurs instances professionnelles de chirurgiens-dentistes pour des pratiques de boycott des réseaux de soins.

Sur le secteur de la grande distribution, elle a pris plusieurs décisions visant notamment les rapprochements entre centrales d’achats ou les ententes sur les produits de grande consommation (jambon et charcuterie, vins d’Alsace, thés Dammann, sandwiches). Dans le domaine du numérique, « des décisions d’une importance assez exceptionnelle » ont été prises à l’égard d’Apple (conditions de distribution, protection des données personnelles) et de Google (droits voisins, publicité en ligne). Enfin, l’Autorité a émis deux avis dans le domaine de la culture, l’un sur la concertation entre distributeurs sur le calendrier de sortie des films en 2021, et l’autre sur la transformation de la filière musicale en raison de la crise sanitaire.

Les organismes professionnels dans l’œil de la concurrence

En 2020, l’Autorité a publié une étude et un vade-mecum destinés aux organismes et syndicats professionnels explicitant « ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire », sous peine d’être sanctionnés pour pratiques anticoncurrentielles. Une publication qui vise à éclairer et accompagner ces acteurs qui encourent des sanctions beaucoup plus élevées qu’auparavant : autrefois plafonnées à 3 millions d’euros, elles peuvent aujourd’hui atteindre jusqu’à 10% de la somme des chiffres d’affaires des entreprises, membres de l’organisme ou du syndicat. Outre la sanction prononcée à l’encontre du Conseil national et de cinq conseils départementaux de l’ordre des chirurgiens-dentistes ainsi que de deux fédérations syndicales de la profession pour des pratiques de boycott, l’Autorité a également sanctionné trois organisations professionnelles des vins d’Alsace pour entente sur les prix.

Des outils de régulation rénovés et simplifiés

2020 a aussi été l’année de la mise en œuvre de toute la palette des nouveaux outils prévus par la loi DDADUE pour renforcer et moderniser l’action de l’Autorité, qui a désormais la possibilité d’écarter certaines saisines (opportunité des poursuites) et de s’auto-saisir pour prononcer des mesures conservatoires d’urgence et des injonctions structurelles dans le cadre de procédures contentieuses, de prononcer des sanctions plus lourdes et d’accorder l’immunité pénale aux demandeurs de clémence. Différentes mesures de modernisation du cadre des enquêtes et de simplification de la procédure contentieuse ont également été mises en œuvre.

Plusieurs avis sur la régulation des professions réglementées

Dans le cadre de sa mission de régulation des professions réglementées, l’Autorité de la concurrence a proposé en 2020 de nouvelles cartes d’installation des notaires, des huissiers et des commissaires-priseurs judiciaires pour la période 2021-2023. Du fait des conséquences économiques de la crise sanitaire pour ces professionnels, elle a tout d’abord révisé la carte proposée l’année précédente pour les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires en recommandant l’installation de seulement 50 nouveaux huissiers de justice et d’aucun commissaire-priseur judiciaire sur cette période. Elle a ensuite retenu une « approche prudente » en préconisant l’installation de 250 nouveaux notaires.

L’Autorité a également rendu un avis sur le projet de plafonnement tarifaire des états datés établis par les syndics de propriété. Elle a proposé une autre méthode de fixation du plafond que celle retenue par le gouvernement, qui n’a toutefois pas tenu compte de sa recommandation dans le décret définitif. Elle a aussi rendu un avis sur le projet de décret visant l’encadrement des tarifs réglementés des commissaires-priseurs judiciaires, des greffes de tribunal de commerce, des huissiers de justice, des administrateurs et des mandataires judiciaires, des notaires, ainsi que des avocats pour leurs activités de saisie immobilière, partage, licitation et sûretés judiciaires. Le gouvernement a retenu ses recommandations concernant les indices permettant de définir la « rémunération raisonnable », mais pas celles relatives aux régimes de calcul des remises.