À Gouvieux, une unité de méthanisation traitant du fumier de cheval devrait voir le jour

32 000 tonnes de fumier équin et de déchets verts seront traités annuellement. Des techniques novatrices rendront l’épandage des digestats et le prélèvement d’eau dans la nappe phréatique inutiles. Une initiative unique en Europe.

Un cheval produit environ une tonne de fumier par mois. (©Pixabay)
Un cheval produit environ une tonne de fumier par mois. (©Pixabay)

Ça y est presque ! À Gouvieux, le projet d’une unité de méthanisation traitant le fumier de cheval est sur le point d’aboutir. Pour cela, il aura fallu une dizaine d’années, notamment en raison de difficultés à trouver un lieu d’implantation. Pas de quoi décourager la SAS Équi-Énergies, porteuse de cette initiative unique en Europe. « Le cheval est un acteur déterminant au sud de l’Oise et plus particulièrement dans les trois communes de Chantilly, Gouvieux et Lamorlaye qui ont des centres d’entrainement de chevaux de course au galop. C’est une des plus fortes concentrations de chevaux en Europe », explique Bruno Battisti porte-parole de la SAS Équi-Énergies. Une filière confrontée à des difficultés récurrentes quant au devenir du fumier et pour qui le projet de méthanisation était vital (voir encadré).

Après avoir revu légèrement à la baisse les capacités de production de biogaz, l’unité de méthanisation devrait finalement prendre place sur une partie du site de l’ancienne carrière de Véolia, en bordure de la RD 44. « Le permis de construire a été obtenu en novembre 2022, nous sommes en phase d’obtention du permis d’exploiter. L’enquête publique simplifiée d’un mois s’est achevée en mars, se réjouit Bruno Battisti. Nous aimerions débuter la production en 2024 ». Un investissement de 24 millions d’euros, « avec un retour sur investissement en dix ans », estime-t-il. Capacité du site : 35 GWh, soit la moitié de la consommation de Gouvieux, avec la création de dix emplois.

44 000 tonnes de fumier de cheval est produit annuellement dans l’Oise. (©Pixabay)

32 000 tonnes traitées annuellement

Un peu moins de 100 tonnes de déchets locaux devraient être traitées quotidiennement par deux digesteurs fonctionnant par voie sèche continue. Ce sont 25 00 tonnes de fumier sur paille équin, 5 000 tonnes de biodéchets alimentaires, issus de la grande distribution, déconditionnés par Véolia et 2 000 tonnes de déchets verts non ligneux qui passeront sur le site annuellement. « Après des études complètes faites par l’Inra Narbonne, dans le cadre d’un projet piloté par le ministère de l’Agriculture, il est apparu que le fumier équin sur paille de blé était méthanisable à la condition d’être accompagné par d’autres sources de biomasse », souligne Bruno Battisti,

Pas d’épandage

57 700 tonnes de digestats seront produites en parallèle. Mais pas d’épandage prévu ! Pour cela, des techniques novatrices utilisées avec succès à l’étranger dans des secteurs proches de la méthanisation ont ainsi été mises à l’œuvre à Gouvieux. Les digestats liquides subissent un traitement par microalgues. Ce qui diminue le taux d’azote et permet une réinjection dans les digesteurs.

La phase solide subit, de son côté, un séchage haute température et une granulation pour être conditionné en sacs. Ces 11 000 tonnes d’amendements organiques devraient être livrées par voie fluviale à des coopératives agricoles (viticulture, maraîchage et arboriculture). « À l’étape de séchage, nous récupérons 22 000 m3 d’eau à 95°C. Elle est également épurée avec les microalgues et repart dans les digesteurs ». Un système qui présente un avantage de taille : « De cette façon, nous n’avons pas besoin de prélever de l’eau dans la nappe phréatique pour alimenter le digesteur, nous sommes autonomes », souligne Bruno Battisti.

Le site pourra se développer dans les années à venir grâce à la possibilité d’un troisième digesteur et la création d’une blanchisserie réutilisant la chaleur fatale du site. « Une quinzaine d’emplois supplémentaires sont attendus », précise le représentant. Un projet résolument utile à la filière équine et au territoire. « Aujourd’hui, les structures équines paient 15 euros par tonne pour évacuer leurs fumières. Demain, cette tonne produira une recette brute de 150 euros, ce qui nous permet de prendre en charge ce transport, se réjouit-il. Ce déchet devient un produit. Notre but est de créer une véritable chaine de valeur sur le territoire. »

Schéma de fonctionnement de l’unité de méthanisation de Gouvieux. (©Anviga)


Un enjeu pour la filière équine

« Un cheval produit une tonne de fumier par mois », souligne Bruno Battisti. Avec environ 3500 chevaux dans un département qui comprend des zones fortement urbanisées, les problèmes pour gérer ce fumier sont récurrents. « Une plateforme de transit existe. Ensuite des convois prennent deux directions : Saumur ou de la Belgique. À Saumur, Bonduelle a des sites de compostage pour sa filière champignon. La Belgique compte plusieurs composteurs professionnels. » Mais selon les besoins, il arrive régulièrement que des volumes de fumier trouvent difficilement preneur, provoquant des problèmes de stockage. Auquel s’ajoute l’impact environnemental négatif lié au transport routier sur de grandes distances

« Il fallait trouver une organisation plus rationnelle tout en prenant en compte l’intérêt de la filière et celui des territoires ». La production de biogaz apparait comme la solution idéale. Elle résout le problème du stockage, diminue la longueur des transports, produit une énergie renouvelable utilisable localement. « Aujourd’hui, le fumier produit dans l’Oise fait plus d’un million de kilomètres par an. Demain, ils feront moins de 90 000 kilomètres », précise encore Bruno Battisti.