À quoi ressemblera l'économie de la mode en 2022 ?

Durement touché par la crise, le secteur de la mode ne retrouve pas son niveau d'activité d'avant crise, cette année. Et son écosystème a été profondément transformé par la pandémie.

À quoi ressemblera l'économie de la mode en 2022 ?

« Cela pourrait aller mieux ». Gildas Minvielle, directeur de l'Observatoire économique de l’Institut Français de la Mode (IFM), est resté très prudent sur les perspectives du secteur, lors d'une web conférence consacrée à « Quel écosystème de la mode en 2022 ? », le 23 septembre dernier, dans le cadre du salon professionnel Première Vision. « Nous avons vécu une année 2020 difficile, et le démarrage de l'année 2021 a été compliqué aussi », rappelle d'abord l'expert. En 2020, en effet, les ventes de vêtements chez les distributeurs ont connu un « recul prononcé », de l'ordre de 15%. Et le retour à la croissance attendu en 2021 a été amoindri par le couvre-feu, le passe sanitaire et la quasi-disparition de la clientèle internationale... Résultat : le premier semestre 2021 affiche une croissance de 10,5% des ventes seulement, par rapport à l'année précédente. « Ce n'est pas suffisant pour compenser la baisse de 2020 », précise Gildas Minvielle. Même dans un scénario optimiste, qui prévoit une croissance de 10% sur l'ensemble de l'année 2021, le niveau resterait encore inférieur de 7% à celui de 2019. Et l'hypothèse pessimiste évoquée (fermetures de boutiques, variant …) prévoit une croissance de 3%, pour un niveau inférieur de 12% par rapport à celui de 2019. Aujourd'hui encore, « nous n'avons pas retrouvé la fluidité du commerce », ajoute Gildas Minvielle.

Toutefois, la situation est contrastée selon les circuits de distribution. « Certains circuits avaient résisté mieux que d'autres, et on retrouve les mêmes phénomènes en 2021 (…). Il y a une continuité », note-t-il. Ainsi, les chaînes de grande diffusion, qui proposent des produits premier prix pour tous les publics, bénéficient d'une croissance (+20%) supérieure à la moyenne du secteur au premier semestre 2021, après avoir plutôt mieux résisté que les autres circuits durant la crise. Quant à la vente à distance, déjà dynamique l'an dernier, elle affiche + 24%, en 2021. À l'inverse, les grands magasins, frappés de plein fouet pendant la pandémie, avec une chute de leur chiffre d'affaires de 32%, n'ont pas retrouvé la croissance.

Le e-commerce va représenter le quart du marché

Pour l'avenir, ce circuit de distribution, basé sur le tourisme et sur l'expérience physique du client, va devoir repenser son modèle. Et il n'est pas le seul… Plus largement, en effet, « la crise constitue un accélérateur de tendances qui préexistaient, mais elle aboutit aussi à une refondation de l'écosystème », explique Gildas Minvielle. En cause, notamment, l'évolution liée au digital, qui a profondément bousculé la composition du marché. Durant la crise, « le digital a connu un boom spectaculaire avec une croissance de plus de 20% de ses ventes », rappelle l’expert. Résultat, déjà, sa part de marché est passée de 15 à 21%. Et, en 2021, ce canal de distribution continue de croître. Le phénomène concerne des acteurs différents : les « cataloguistes », les « pure playeurs » qui vendent exclusivement via Internet, mais aussi, les distributeurs qui cumulent points de vente physiques et vente en ligne. Pour certains d'entre eux, cette dernière peut représenter jusqu'à 15% du chiffre d'affaires. « L'équilibre entre le ‘on line’ et le ‘off line’ a été modifié très rapidement. Internet va approcher du quart du marché », commente Gildas Minvielle.

Autre changement lié à la crise, une évolution du sourcing. Durant la crise, en effet, conséquence logique d'un marché atone, les distributeurs ont restreint leurs approvisionnements. Pour l'ensemble de l'Europe, les importations de vêtements ont baissé de 13% environ, en 2020. Et, suivant toujours la dynamique du marché, les importations ont repris au premier semestre 2021 (+2,9%), pour plafonner à un niveau inférieur de 16% à celui de 2019. Mais la situation n'est pas la même, selon les différents pays de provenance. En particulier, les importations de produits venant du Maroc ou de la Tunisie ont diminué plus fortement que celles provenant de Turquie, et leur reprise a été plus modérée. « La Turquie un grand pays fournisseur. Au premier semestre 2021, les importations en provenance de ce pays ont augmenté de 23%, pour retrouver un niveau juste en dessous de celui de 2019 », note Gildas Minvielle. Proposant l'ensemble de chaîne de valeur, des matières premières aux tissus et jusqu'à la confection, ce pays fournisseur a eu les faveurs des distributeurs.