ACCIDENT DE TRAVAIL D’UN SALARIÉ TEMPORAIRE : PRÉSOMPTION DE FAUTE INEXCUSABLE EN L’ABSENCE DE FORMATION RENFORCÉE À LA…

ACCIDENT DE TRAVAIL D’UN SALARIÉ TEMPORAIRE : PRÉSOMPTION DE FAUTE INEXCUSABLE EN L’ABSENCE DE FORMATION RENFORCÉE À LA…

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, tout employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat. Tout manquement à cette obligation révélé à l’occasion d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail a le caractère d’une faute inexcusable si l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il a exposé le salarié et n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour l’en préserver.

S’il appartient, en principe, à la victime d’apporter la preuve de la conscience du danger ou du défaut des mesures appropriées, la faute inexcusable est toutefois présumée établie à la suite d’un accident du travail d’un travailleur temporaire n’ayant reçu aucune formation renforcée à la sécurité. Cette exception légale a récemment été illustrée par l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 octobre 2018 (Cass. 2ème civ., 11 octobre 2018, n°17-23.694 F-PB). Cette actualité est l’occasion d’effectuer un rappel de la réglementation applicable et notamment sur les risques encourus par les entreprises en la matière.

1) La formation renforcée à la sécurité lorsque le poste de nécessite

D’une manière générale, il appartient à l’employeur d’informer les travailleurs sur les risques pour leur santé et sur les mesures prises pour y remédier. En cas d’affectation d’un salarié à un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, une formation renforcée à la sécurité et un accueil et une information adaptée doivent être organisés dans l’entreprise. Cette formation renforcée s’applique pour l’ensemble du personnel (CDI, CDD), mais aussi aux salariés temporaires. La liste des postes de travail présentant des risques particuliers pour la santé et la sécu rité est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et soit du CHSCT ou, à défaut, des DP, soit du CSE, s’il en existe un.

Doivent notamment figurer sur cette liste (Circ. DRT 18 du 30-10-1990) :

– les travaux habituellement reconnus dangereux et nécessitant une certaine qualification (conduite d’engins, travaux sur machines dangereuses) ou ceux exposant à certains risques (travaux en hauteur, manipulation de produits chimiques, nuisances sonores) ;

– les travaux pour lesquels une formation particulière est prévue par la réglementation (ex. : poste de cariste) ;

– les postes de travail à l’origine d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou d’incidents répétés.

Cette liste doit être tenue à disposition de l’Inspection du travail. S’agissant de la formation renforcée, celleci doit comprendre des informations sur les risques du poste notamment lorsque ces risques sont liés à la circulation dans les zones où le salarié est appelé à évoluer (zones dangereuses, circulations d’engins…) et sur les risques à long terme des produits utilisés.

2) Les risques encourus en cas de défaut de formation

En cas de non-respect de son obligation de formation, le Code du travail prévoit que l’employeur est passible d’une amende de 10 000 euros, étant précisé que cette amende est appliquée autant de fois qu’il y a de salariés de l’entreprise concernés par l’infraction.

Sur le plan pénal et en cas d’accident, le manque de formation sera souvent relevé par les juges de la chambre criminelle pour condamner l’employeur dans le cadre de la répression des délits non intentionnels.

Sur le plan civil, si le manque de formation est avéré, la responsabilité de l’employeur peut être engagée pour faute inexcusable définie par l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale.

En outre, en vertu de l’article L. 4154-3 du Code du travail, cette faute inexcusable est présumée établie lorsqu’un travailleur intérimaire ou sous contrat à durée déterminée ou un stagiaire est victime d’un accident du travail alors qu’il n’a pas bénéficié de la formation renforcée prévue à l’article L. 4154-2 du Code du travail. L’arrêt du 11 octobre 2018 est la parfaite illustration de cette règle légale.

En l’espèce, une intérimaire a été victime d’un accident de travail en taillant une pièce de viande. Or, l’entreprise utilisatrice n’avait pas indiqué à l’entreprise de travail temporaire que le poste présentait des risques particuliers pour la santé et la sécurité des salariés de sorte que cette dernière n’avait pas dispensé la formation renforcée.

En dépit de cette absence de formation, la société utilisatrice arguait avoir mis en place les mesures nécessaires afin de préserver la salariée du danger auquel elle pouvait être exposée (mise à disposition de gants anti-coupure, remplacement immédiat des ustensiles défectueux). Pour la Cour de Cassation, qu’importent les mesures de protection mises en place : en l’absence de formation renforcée à la sécurité, la faute inexcusable est caractérisée. Ainsi, la présomption de faute inexcusable ne peut être uniquement renversée que par la preuve que l’employeur a dispensée au salarié la formation renforcée à la sécurité. Il convient donc de veiller tout particulièrement au respect de ces dispositions légales.