Alerte rouge sur la construction neuve

Chute de la production de logements, des ventes .... Pour la FPI, qui rassemble les promoteurs immobiliers, les très mauvais résultats du marché résultent d’abord d'une crise de la demande, à laquelle les récentes annonces du Premier ministre n'apportent pas une réponse adéquate.

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Encore une marche plus bas. Jusqu'où ? Le 15 février, lors d'une conférence de presse, à Paris, la FPI, Fédération des Promoteurs Immobiliers, présentait le bilan de la profession pour 2023. D'un mot, ils sont mauvais. Et ce, y compris lorsqu'on les replace dans une perspective de long terme. Tout d'abord, les autorisations de logements collectifs ont baissé de 23%, passant de 240 000 en 2022 à 186 200 en 2023. Et cette fois-ci, la réticence des maires à accorder des permis de construire - explication avancée l'an dernier par la FPI- n'est plus la seule en cause. S'y ajoute « la frilosité des promoteurs. Ils essaient de vendre ce qu'ils ont déjà à l'offre, déposent beaucoup moins de demandes de permis, achètent moins de foncier », explique Pascal Boulanger, président de la FPI.

Étape suivante dans la chaîne de l'immobilier neuf, les mises en vente aussi ont drastiquement diminué en 2023 avec 70 374 lancements commerciaux, contre 104 578 en 2022 (-32,7%). En outre, en 2023, la chute s'est accélérée au fil de l'année. Au quatrième trimestre, le nombre de logements neufs mis à la vente (12 102 ) s'est réduit de moitié par rapport à la même période en 2022. Sur l'année, les chiffres des ventes sont également historiquement bas, avec des tendances diverses – mais quasiment toutes négatives- sur chacun des segments du marché. Au global, en 2023, les ventes sont passées sous la barre des 100 000 (94 828), soit 41,4% de moins qu'en 2021. C'est très en dessous du niveau moyen annuel de ventes observé par la FPI entre 2017 et 2023, soit 146 296.

Le seul chiffre en hausse est celui des ventes en bloc – auprès des institutionnels et des bailleurs sociaux. Elles ont augmenté de 11,5%, passant de 29 614 en 2022 à 33 028 unités en 2023. Les programmes de rachats en bloc de CDC Habitat et d'Action Logement devraient faire sentir leurs effets essentiellement au premier trimestre 2024, selon la FPI.

Les ventes aux particuliers s’effondrent

En revanche, « nous assistons à une forte chute de la vente au détail », pointe Didier Bellier-Ganière, délégué général de la FPI. En 2023, ces ventes aux particuliers ont chuté de plus du tiers (-38,4%) par rapport à l'année d’avant, (56 900 vs 92 380). En moyenne, le chiffre observé annuellement par la FPI entre 2017 et 2023 s'élève à 104 094. L'an dernier, le premier des deux segments du marché des particuliers, les ventes aux investisseurs ont carrément diminué de moitié (-50,9%) passant de 41 014 à 20 140.

Pour la FPI, ce phénomène est lié à plusieurs phénomènes : la nouvelle formule du Pinel moins convaincante, l'annonce de son extinction, la hausse des taux d' intérêt. Le second segment, celui des ventes en accession à la propriété, s'est réduit de 28,4% (36 760 vs 51 366). Résultat, le marché des particuliers, habituellement équilibré entre les deux segments est à présent très majoritairement constitué de ventes en accession à la propriété.

Une crise et des réponses mal calibrées

Pour la Fédération, les tendances observées en 2023 ont des répercutions déjà tangibles pour la profession et elles promettent une crise d'ampleur. Manifestation d'une baisse de la demande, « les promoteurs vendent de plus en plus difficilement, les délais de vente s'allongent », constate Didier Bellier-Ganière. Ces délais sont désormais de l'ordre de 21,5 mois, soit environ le double de celui considéré comme viable pour la profession. Certaines métropoles atteignent des pics, comme Lille (40,3 mois), Nantes (37,1) et Bordeaux (35,3). Pour l'instant, la PFI n'observe pas, ou en tout cas ne communique pas, sur les défaillances du secteur. Toutefois, « nous savons que cela ne va pas. Aucun promoteur n'est en mode embauche (… ) On est en train de réduire la voilure », explique Pascal Boulanger. Et il pointe un phénomène inquiétant : « les promoteurs ne remplacent pas les départs à la retraite. Or, former un monteur d'opération, cela prend du temps ; c'est un métier qui s'apprend sur le terrain. Le jour où il faudra redémarrer, non seulement les permis de construire n'auront pas été déposés, mais en plus il y aura eu une perte de savoir-faire ».

C'est en effet l'une des autres conséquences du ralentissement du marché. « Nous sommes en train de construire la pénurie de demain. Lorsque les ménages seront à nouveau solvables, les logements ne seront pas disponibles », met en garde Didier Bellier-Ganière. Sept mois plus tôt, déjà, lors d'une conférence de presse, il avertissait : « si rien n'est fait nous allons vers une crise majeure du logement ». Le nouveau gouvernement sera-t-il à la hauteur des attentes des promoteurs ? Le CNR, Conseil national de la Refondation consacré au logement, sous le gouvernement d’Élisabeth Borne, avait été « de la poudre au yeux », selon Pascal Boulanger.

Ce 15 février, la FPI reste prudente vis-à-vis du nouveau gouvernement de Gabriel Attal. Au début du mois, celui-ci a assuré qu'il irait chercher du logement pour les Français « avec les dents », fixé un objectif de produire 30 000 logements d’ici à la fin du quinquennat et promis « un choc d'offre » . « Ma réponse est très mitigée », commente Pascal Boulanger. « Merci le gouvernement de prendre le sujet à bras le corps. Cela fait longtemps que nous disons que le logement est le grand oublié. Mais aujourd'hui, le problème n'est pas l'offre, c'est la demande. Cela fait un an et demi que nous le disons, et aujourd'hui, on entend qu'on va faciliter l'offre », précise-t-il. Une stratégie qui mise sur une baisse des prix de l'immobilier est « totalement erronée », complète Didier Bellier-Ganière.

Selon la FPI, les prix du neuf ne peuvent baisser, car ils sont « techniques », contraints par des normes, et que la marge des promoteurs est limitée (autour de 5%). A contrario, la Fédération préconise des mesures qui favorisent la demande, à commencer par une mesure temporaire « électrochoc », indolore sur le court terme pour les finances publiques : l'exonération de droits de succession pour l'achat d'un logement neuf destiné à devenir un logement principal. A défaut d'une telle politique, la FPI s'attend à ce que l'activité descende une marche supplémentaire en 2024.