Alerte sur les destructions d'emplois

La crise est loin d’être finie, à en suivre l’indicateur des destructions d’emplois. En 2013, 68 458 emplois ont été détruits en France, et la tendance pour 2014 ne devrait pas s’améliorer, prévoient des professionnels de la restructuration d’entreprises.

Alerte sur les destructions d'emplois

En 2013, 68 458 emplois ont été détruits en France, d’après la cinquième édition de l’étude « Créations et destructions d’emplois en France en 2013 ». L’étude, réalisée par le cabinet FIE, France Industrie et Emploi, spécialisé dans l’accompagnement de projets de restructurations d’entreprises et par Kurt Salmon, cabinet de conseil en transformation des entreprises, a été présentée, le 20 mai à Paris. En fait, les grands plans sociaux fortement médiatisés ne représentent que 5 à 7% de ces destructions d’emplois. « On ne parle pas assez des petites et moyennes entreprises. (…) Il y a moins de destructions d’emplois dans le cadre de PSE1, mais un niveau record de défaillances d’entreprises qui impacte très fortement l’activité et la vie économique », met en garde Michel Ghetti, président de FIE. Le nombre de liquidations judiciaires a fortement augmenté, pour retrouver le niveau de 2009. Pour lui, la France connaît « la fin d’un cycle de grandes restructurations industrielles ». En terme de secteurs, « l’industrie est fortement destructrice d’emplois malgré la politique volontariste française », note Michel Ghetti, qui juge la tendance « irréversible ». 32 384 destructions d’emplois sont enregistrées dans ce secteur. Suivant la tendance de l’industrie, « désormais les services sont également extrêmement destructeurs d’emplois ». Même mouvement dans le secteur de la construction. Pire, quel que soit le secteur, les projets d’entreprise destructeurs d’emplois sont souvent multisites. Aujourd’hui, 87% des opérations consistent à réduire l’emploi sur un site, et 13% à le fermer totalement. Mais ces dernières opérations représentent plus de la moitié des emplois détruits.

Au niveau régional, les disparités sont fortes. Parmi les plus concernées par les projets destructeurs d’emplois, figure notamment le Centre, victime des difficultés de la sous-traitance industrielle, de la restructuration de l’armée, et de l’impact de la RGPP (Révision générale des politiques publiques) sur des sites administratifs. À l’autre extrême, l’Alsace représente l’une des régions les moins impactées par la crise. « C’est une des plus riches, mais qui commence à perdre très significativement de l’emploi, au profit de l’Allemagne », prévient Michel Ghetti. Autre situation inquiétante, la part de destructions d’emplois dans les entreprises à capitaux étrangers a très significativement augmenté entre 2012 et 2013 (29% contre 16%). Et des groupes présents en France envisageraient de réduire les effectifs de leur siège social ou d’autres types d’installations, met en garde Michel Ghetti.

Création d’emplois en chute libre
Sur l’autre versant, « le nombre de projets créateurs d’emplois diminue, tout comme le nombre d’emplois créés », démarre Michel Ghetti. Pour 2013, l’étude décompte 1 096 projets créateurs de 53 614 emplois. Une baisse de 18%, en termes d’emplois créés, par rapport à l’an dernier. Tous les secteurs sont touchés, mais de manière plus ou moins forte. Les services ont créé 3% d’emplois en moins par rapport à l’an dernier. Mais c’est surtout l’industrie qui trinque : « le nombre d’emplois créés a chuté très fortement, de 40%. C’est un point d’alerte », avance Michel Ghetti, pour qui la situation est comparable aux années 2008-2009, au plus fort de la crise. Le type de projets qui contribuent à créer des emplois demeure le même qu’en 2012 : il s’agit de petits et moyens projets, qui se déploient en particulier dans le domaine des services et des emplois commerciaux. Au total, « Nous avons la confirmation d’une forte diminution de la création d’emplois industriels », poursuit Michel Guetti. Quant à la part du bâtiment, mineure, elle continue de diminuer. Certains de ces projets sont portés par des entreprises à capitaux étrangers. Parmi eux, les plus fructueux en termes de créations d’emplois sont les Américains, suivis par les Allemands ( à 27%). « L’Allemagne reste notre partenaire historique. Or, nous enregistrons que ces implantations allemandes en France développent des projets qui consistent à rapatrier des activités vers l’Allemagne », avertit encore Michel Ghetti, qui avance des raisons fiscales à ce mouvement.

Concernant la répartition sur le territoire, « les régions les plus créatrices d’emplois sont aussi les plus destructrices. Il y a une correspondance évidente », synthétise l’expert. Au palmarès des régions les plus « actives » – dans les deux sens- , figurent ainsi l’Ile-de- France, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire (avec en particulier le développement de l’industrie aéronautique ), Rhône- Alpes et la Bretagne. « Ce classement 2013 est quasiment identique à celui de 2012 », commente Michel Ghetti. Derrière ces palmarès, plusieurs paramètres expliquent les évolutions des différents territoires. Certaines activités sont plus porteuses de créations d’emplois, comme l’informatique et les Tic (technologies de l’information et de la communication). Et la politique territoriale constitue également un paramètre important. Au total, « compte tenu de ce que nous avons constaté début 2014, nous serons sûrement sur une année, où nous serons toujours au coeur de la crise. Même si le gouvernement a pris des mesures, leur effet sera différé dans le temps », estime Michel Ghetti. Quant à la loi dite Florange (en discussion), qui, initialement, imposait aux dirigeants d’entreprise appartenant à un groupe de plus de 1 000 salariés souhaitant fermer l’un de ses établissements, de rechercher un repreneur, elle « n’ a aucun effet dissuasif sur les entreprises qui ont décidé de quitter le territoire lorsqu’elles sont étrangères, ni sur celles qui sont en difficulté », ajoute l’expert.