Consommation

Alimentation : le repas sans viande au menu des Français ?

Steak de soja dans les supermarchés, multiplication des débats sur le bien-être animal et des reportages sur les Français ayant renoncé à la viande... Le pays du steak-frites est-il en train de virer végétarien ? Une étude de FranceAgriMer remet les pendules à l'heure.

Alimentation : le repas sans viande au menu des Français ?

L'enjeu est sociétal, et aussi économique : les Français sont-ils en train de se détourner de la viande ? Pour l'instant, 2,2% seulement de la population y a totalement renoncé, dévoile une étude « végétariens et fléxitariens en France en 2020 », menée par l'institut IFOP. Elle a été présentée par FranceAgriMer, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, lors d'un webinaire tenu dans le cadre de la semaine de l'agriculture française.

« Ce phénomène est déjà ancien, mais il gagne en visibilité et en complexité », a commenté Patrick Aigrain, chef des études et analyses à FranceAgriMer. Petit panorama : à côté des omnivores (qui mangent de la viande), coexistent des flexitariens (qui en consomment, mais peu), les pescetariens (qui s'autorisent uniquement le poisson), les végétariens (qui ne mangent ni viande ni poisson), et les végan ou végétaliens, qui excluent aussi les dérivés de l'animal (miel, fromage...).

Toile de fond de ces pratiques éclectiques, « le rapport des Français à l'alimentation est en train d'évoluer », rappelle Grazyna Marcinkowska, chargée d'études de consommation à FranceAgriMer. Aujourd'hui, 82% des consommateurs essaient de manger moins, mais mieux, et 84% d'entre eux sont attentifs à l'impact de ce qu'ils mangent sur leur santé. Dans ce contexte, « le rapport à la viande évolue aussi », constate Grazyna Marcinkowska. Alors, si les Français restent encore très attachés à la viande, des remises en cause se font sentir : 68% estiment que l'on consomme trop de viande, et 56%, que sa production a un impact négatif sur l'environnement.

Dans la pratique, toutefois, l'immense majorité (74%) continue d'en manger. Ils ne sont que 2,2% seulement à l'exclure totalement de leur alimentation. Entre les deux, 24% des Français se déclarent flexitariens. Mais les frontières sont parfois floues entre les catégories. Par exemple, 8% des omnivores pourraient être considérés comme flexitariens, car ils mangent très peu de viande. Et 45% de ceux qui ont adopté un régime sans viande déclarent faire un écart, de temps en temps.

Les végans, majoritairement célibataires

Autre constat de l'étude, à ces trois grandes familles, correspondent des profils très divers. Ainsi, les végans sont souvent des femmes, urbaines, diplômées et aisées. A contrario, les omnivores sont le plus souvent issus de catégories sociales plus populaires. Parmi les critères déterminants, figure aussi la composition du foyer, et en particulier la présence d'enfants, qui pousse plutôt à la consommation de viande : 55% des végans sont célibataires. À ces trois familles, correspondent également des attentes de consommation et des hiérarchies de valeurs différentes. « Les omnivores ont un profil de bon vivant, qui recherche le plaisir dans l’alimentation, vue comme un signe de convivialité », décrit Grazyna Marcinkowska. Les flexitariens, eux, ont adopté une démarche de « dé-consommation ». Ils sont attentifs à l'impact de leur alimentation sur leur santé (62%), mais aussi au bien-être animal (56%) . Les priorités s'inversent chez les végans, qui à 63% considèrent cruel le fait d'élever des animaux pour les tuer. Ils sont volontiers dans une « posture plus militante », note l’experte. Défenseurs de la cause animale, ils militent dans des associations et essaient d'inciter leur entourage à modifier leurs habitudes alimentaires. « Cela va de pair avec un certain dégoût de la viande », ajoute Grazyna Marcinkowska.

Mais ces grandes familles de consommateurs sont-elles figées ? Faut-il s'attendre à un glissement progressif de la société vers une alimentation massivement sans viande ? Dans l'ensemble de l'échantillon, 15% seulement des personnes déclarent vouloir faire évoluer leur régime, un score qui descend à 12% chez les omnivores. Il grimpe en revanche dans les autres catégories. En particulier, 18% des flexitariens voudraient faire évoluer leur consommation, le plus souvent, vers un régime encore plus strict. Les motivations de ceux qui entendent conserver leurs habitudes sont diverses. La principale, est tout simplement , « j'aime trop la viande », invoquée par 61% des omnivores, et 40% des flexitariens. Mais les considérations éthiques entrent aussi en ligne de compte : 36% des omnivores et 24% des flexitariens déclarent ne pas partager les convictions de ceux qui ont banni la viande de leur table. Pour Grazyna Marcinkowska, « vu la variété des parcours et des motivations, il est très difficile de projeter une évolution du végétarisme ». Mais il reste un constat : le végétarisme reste pour l'instant un phénomène beaucoup plus restreint que ne le laisse penser sa grande visibilité.