Attractivité : la situation des villes moyennes s’aggrave encore

Attractivité : la situation des villes moyennes s’aggrave encore

Une étude publiée en février confirme la crise des villes françaises. Même si les chiffres détaillés ne sont plus publiés, il apparaît que la dévitalisation commerciale s’accélère encore. Les mesures prises par l’État ne portent, pour l’instant, pas leurs fruits.

Lorsque la fièvre monte, il est tentant de casser le thermomètre. Mais passé un certain seuil, la poussée de température est tellement forte que, thermomètre ou pas, il devient impossible de cacher la maladie. Voici un résumé du sort des centres-villes des préfectures et des sous-préfectures.

Jusqu’en 2016, Procos, fédération rassemblant 300 enseignes, d’André à Zara en passant par La Mie Câline ou Pandora, publiait chaque année, en janvier, les chiffres de la « vacance commerciale ». Cet indice, mesurant la proportion de vitrines vides dans 350 villes de France, était en constante augmentation, depuis le milieu des années 2000, ce qui avait contribué à alerter les élus, les médias et le grand public sur le sort des villes moyennes et petites.

En 2017, Procos, las de passer pour un prophète de malheur, avait renoncé à publier des chiffres détaillés, ville par ville. À la place, la fédération propose un « palmarès » flatteur, qui vise à distinguer les centres-villes les plus dynamiques. Mais chassez le fantôme par la porte, et il revient par la fenêtre. Dans l’édition 2019, rendue publique le 21 février, Procos est bien obligé d’admettre que la situation s’aggrave encore. « Le taux moyen de la vacance en centre-ville est passé de 7,2% en 2012 à 9,5% en 2015 et 11,9% en 2018. Seul un tiers des centresvilles demeure sous la barre symbolique des 10%, contre la moitié en 2015 », écrivent ces spécialistes du commerce.

Moins les villes sont grandes, plus elles sont fragiles. Les « petites villes moyennes », dont la zone d’influence compte moins de 200 000 habitants, ce qui correspond à une ville-centre de 50 000 habitants environ, présentent une vacance commerciale moyenne supérieure à 13%. Cela signifie qu’un commerce sur sept est fermé. Dans certaines localités, c’est bien davantage : « Le taux de vacance dépasse 15% pour 33% de ces centres-villes, et 20% pour 14% d’entre elles ».

Procos limite par ailleurs ses comptes aux quelques rues commerçantes susceptibles d’intéresser ses adhérents, autour de la mairie ou de la place du marché. En-dehors de ce périmètre, la vacance commerciale est encore plus forte, accentuant l’impression de désolation. En d’autres termes, même si les représentants des enseignes tentent de se concentrer sur les bonnes nouvelles, la réalité les rattrape froidement : à Lons-le-Saunier, Beauvais, Saint-Brieuc ou Albi, le nombre de vitrines vides continue de progresser. Et ce ne sont que des exemples.

MOINS DE CLIENTS, PLUS DÉPENSIERS

L’enquête de la fédération, fouillée, se concentre sur le commerce, et néglige les autres aspects de la dévitalisation urbaine, comme la proportion importante de logements vides, l’appauvrissement de la population ou la fuite des équipements publics (hôpitaux, piscines) et privés (cinémas, salles de sport). Mais elle n’en est pas moins implacable. « L’évolution des flux en magasin est en baisse constante, depuis au moins cinq années consécutives » et cette baisse atteint « en moyenne 5%, par an », note Procos. Et ceci vaut aussi bien pour les boutiques de centre-ville que pour les zones commerciales de périphérie ou les galeries marchandes. « Heureusement, observe la fédération, les chiffres d’affaires de ces mêmes magasins ne diminuent pas dans les mêmes proportions ». Autrement dit, le commerce accueille moins de clients, mais ceuxci sont plus dépensiers.

Cette morosité s’explique par plusieurs facteurs, estiment les spécialistes. Ils incriminent d’abord la croissance des achats en ligne, « de 10 à 15%, par an ». Procos accuse aussi les gilets jaunes : « Les mouvements sociaux de la fin d’année 2018 ont fortement affecté l’activité des commerces dans de très nombreux territoires, en centre-ville comme en périphérie ». Mais tout ceci ne représente pas grandchose par rapport à un autre constat effectué par la fédération : « une croissance plus rapide des surfaces commerciales que de la population ». Chaque année, la superficie des zones commerciales périphériques progresse de 3 ou 4%, quand la hausse de la consommation ne dépasse pas 1%. En janvier, Procos avait publié des graphiques éloquents présentant l’évolution des opérations d’immobilier commercial. Le stock d’opérations autorisées demeure stable, autour de 3 millions de mètres carrés par an, depuis 2008. La fédération a également publié la liste impressionnante des nouvelles zones de plus de 15 000 m² livrées en 2018, à Évreux, Marseille ou Ajaccio, des villes pas vraiment épargnées par la dévitalisation commerciale. En 2019, les promoteurs s’attaquent à Saint-Étienne, Grenoble ou Lille. « 85% des projets concernent la périphérie », précise Procos.

FOCUS SUR LES BONNES NOUVELLES

La situation s’aggrave, donc. Mais faute de données détaillées, les observateurs de l’urbain se contenteront des bonnes nouvelles. Dans la catégorie des métropoles, sans surprise, Procos sacre Strasbourg, qui connaît « la meilleure évolution » depuis le palmarès précédent. Le taux de vacance y stagne à 4%. Les 1 000 commerces de la ville alsacienne constituent « le principal pôle marchand de l’agglomération », loin devant les zones commerciales périphériques. Les spécialistes observent que le centre-ville abrite également « des administrations, des services de santé, des logements destinés aux familles ». Et l’accessibilité ne se limite pas aux « nombreux parkings », mais repose « surtout sur une politique multimodale qui laisse une large place au vélo, aux piétons, aux transports en commun ».

La plupart des autres villes consacrées par le palmarès sont également attendues : Lyon, métropole peuplée et dense, Annecy, son lac et ses frontaliers, Vichy (Allier) et ses curistes, Compiègne (Oise), sa population aisée et ses étudiants, Gap, son relatif isolement qui favorise le commerce local… Procos mise sur le plan Action cœur de ville, dont les principales mesures figurent dans la loi Elan, consacrée au logement et à l’aménagement du territoire, et promulguée en novembre 2018. Ce texte ne décrète pas de « moratoire » sur la construction des zones commerciales, comme le réclamaient les acteurs du commerce de ville, mais donne aux préfets et aux maires des outils pour limiter les extensions périphériques. Le plan, doté de 5 milliards d’euros répartis en 222 villes, s’appuie aussi sur des « opérations de revitalisation territoriale ». Pour Procos, c’est « une avancée considérable, à la fois dans la prise de conscience, mais également sur la méthode et les moyens à disposition des élus locaux ». Même si, pour l’heure, les résultats se font attendre.