« Avant de communiquer, il faut se poser la question du sens »

Avec 3 000 entreprises et 13 500 emplois directs, la filière communication/marketing des Hauts-de-France se hisse à la seconde place après Paris. Étienne Demouy, dirigeant de JBL Com&Cie et président de Place de la Communication, le réseau qui regroupe l'ensemble des professionnels du secteur, revient sur les évolutions d'un métier en perpétuelle remise en question.

Etienne Demouy a succédé à Vincent Colas à la présidence de Place de la Communication, en janvier 2021. (c)DR
Etienne Demouy a succédé à Vincent Colas à la présidence de Place de la Communication, en janvier 2021. (c)DR

Comment analysez-vous l'évolution du métier, des premiers spots publicitaires à la communication de plus en plus virale ?

Etienne Demouy. Les métiers de la communication semblent devenus accessibles à tous mais à tort. Aujourd'hui, on ne vend plus uniquement des supports mais plutôt des raisons de communiquer parce qu'il faut réfléchir sur l'identité avant de communiquer. L'entreprise qui oublie cette étape risque de devoir revoir sa communication. On n'a jamais autant parlé de donner du sens !

À l'origine de nos métiers, nous étions des acteurs de premier rang sur la consommation er l'hyper consommation des ménages avec l'arrivée des hypermarchés et c'était très positif à cette époque. La communication était un reflet de la société. On considérait qu'il fallait être sur-équipés mais aujourd'hui cela a beaucoup changé.

Est-ce pour cela que vous êtes souvent montrés du doigt, en tant que vecteur de l'hyper consommation ?

On est souvent vus comme des méchants. Mais en réalité, la communication et la publicité font partie de nous. Aujourd'hui, nous avons une autre responsabilité : changer les modes d'usages. Le digital, s'il ne fait pas tout, prend beaucoup de place et complexifie nos métiers.

Dans quel sens ?

La communication est devenue omniprésente. On est submergés de messages. Et en tant qu'agence, on a la responsabilité du contenu que l'on édite. Il nous faut parler de communication responsable : on est clairement en retard mais on essaie d'encourager les gestes de chacun. C'est le cas avec le «Guide de la communication responsable» que nous venons de publier avec l'Ademe. Les critères RSE n'apparaissent pas quand on choisit une agence de communication alors qu'on les demande aux entreprises. Il est tout à fait possible d'avoir une communication citoyenne mais c'est un travail de longue haleine.

Présentez-nous le réseau Place de la Communication.

On compte près de 480 membres de la communication, du marketing et du digital : annonceurs publics et privés, indépendants, agences, écoles, institutionnels, personnes en recherche d'emploi... Il existe d'autres réseaux de ce type en France, chacun avec leur appellation mais nous avons tous des problématiques communes. De notre côté, nous avons des «amabassadeurs» sur les différents secteurs de la région, dans l'Audomarois, le Valenciennois, l'Arrageois, la Picardie... On organise environ 50 événements par an.

Place de la Communication vient de publier son 4ème Observatoire de la communication et du marketing. Quels en sont les premiers enseignements ?

Tous les deux ans, on réalise une photographie de nos métiers. Déjà, il faut savoir que la filière en tant que telle n'existe que depuis cinq ans ; nous dépendions avant du Ministère de la Culture et aujourd'hui, nous sommes passés sous le giron du Ministère de l'Economie et des Finances. Nous avons recensé 3 000 entreprises et 13 500 emplois directs mais ces chiffres sont sous-estimés. En 2023, nous lançons une étude régionale sur les impacts économiques de la filière pour avoir des données plus précises.

Quels sont les projets du réseau ?

Nous venons de déclencher une médiation pour la commande publique : on nous demande, dans le cadre d'appels d'offres, des recommandations, des plaquettes... Mais sans être rémunérés, à la différence des architectes par exemple. Or, à partir du moment où il y a une prestation intellectuelle, il doit y avoir rémunération.

Nous allons également lancer un hub «Emploi et Formation» le 31 mars 2023. Nous n'avons pas de difficultés à recruter mais nos métiers sont méconnus. Les écoles ne doivent pas former que des généralistes. Mais oui, on peut faire carrière dans la com ! Il y autant d'expertises dans la communication que dans la santé ! Et on a une vraie valeur ajoutée dans la région. Regardez Epsilon (le numéro 1 mondial du secteur) qui s'est implanté à Wasquehal, Altavia, DPS-Synédo...

Vous parlez également de lancer un Euracommunication, à l'image d'EuraTechnologies, EuraSanté...

En effet, c'est notre projet d'ici 2025. Il s'agirait du premier site d'excellence des métiers de la communication et du marketing avec la mission de représenter la filière, de faire du développement économique, de la recherche et de l'innovation mais aussi de valoriser les compétences. Ce lieu totem, sur Lille, fonctionnerait comme un tiers lieu avec des espaces restaurations, un espace public mais aussi un plateau TV et un studio d'enregistrement. C'est une filière qu'on ne voit pas et on souhaite qu'elle soit perçue comme une filière d'excellence.

JBL Com et Cie, une agence créée il y a plus de 50 ans

En mai 1968 – le mois de la création du premier spot publicitaire diffusé à la télévision par la marque Boursin –, Jean-Bernard Louis fondait l'agence JBL avec slogan «Sous les pavés, la pub !». L'entreprise a embauché jusqu'à 40 personnes dans les années 90, ils sont aujourd'hui une dizaine de salariés permanents à Mons-en-Barœul.

En 2007, Etienne Demouy reprend l'entreprise à son fondateur. « On aide nos clients à répondre à la question 'Pourquoi on communique et non pas Comment on communique' », explique-t-il. La moitié des clients de l'agence sont des marques et enseignes, un tiers des PME et ETI régionales et le reste, des associations et fondations.