Biodiversité et énergies renouvelables : même combat ?

Biodiversité et énergies renouvelables sont-elles compatibles, quand la première représente des coûts pour les secondes, lesquelles ont un impact pour partie négatif sur l'environnement.. C'est en tout cas le pari nécessaire du SER, Syndicat des énergies renouvelables, qui organisait un forum sur le sujet.

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La salle était comble. Le 5 juillet, à Paris, le SER, Syndicat des énergies renouvelables, qui réunit les professionnels de la filière, organisait le 1er Forum national des énergies renouvelables et de la biodiversité intitulé « Énergies renouvelables et Biodiversité : même combat ». L'enjeu, expose Jules Nyssen, président du SER, en ouverture du colloque, réside dans la conciliation entre deux « luttes » également vitales : celle contre la dégradation de la biodiversité et celle contre le changement climatique, qui passe par la décarbonation des sociétés et donc, notamment, par une évolution du système énergétique marquée par un recours massif aux EnR, énergies renouvelables. Mais celles-ci ne sont pas dépourvues d'impacts sur la biodiversité. Et à l'inverse, cette dernière représente un coût non négligeable pour les projets EnR...

Afin de préciser cet enjeu, une table ronde était consacrée à « En quoi la situation actuelle fait état d'une opposition entre énergies renouvelables et biodiversité ? Quels enjeux pour le développement de ces filières ». En préambule, sur le plan strictement environnemental, il existe bien des « tiraillements » entre objectifs de décarbonation et impact des EnR sur l'environnement, confirme Pierre Cazeneuve, député des Hauts-de-Seine (Renaissance), qui était rapporteur du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, visant à faciliter l'implantation des infrastructures nécessaires. « Ce n’est pas simple, il faut trouver des points d’équilibre. Il ne s’agit pas de nier les impacts des EnR, mais de les mettre en perspective. (...) Il est nécessaire de parvenir à une objectivation du débat », clarifie Jules Nyssen.

Fake news et protection des oiseaux

À ce titre, l'ensemble des intervenants de la table ronde juge positivement la mise en place du nouvel « Observatoire sur la biodiversité », prévu par l'article 20 de la récente loi. « Il s'agit avant tout consolider le diagnostic pour sortir des postures, des dogmes », précise Olivier Thibault, directeur général de l'OFB, Office français de la biodiversité, en charge de la nouvelle instance. « Il existe des études d'impact, mais nous manquons de connaissances globales et de protocoles unifiés. Il est nécessaire de pouvoir concentrer et exploiter les informations », ajoute David Marchal, directeur exécutif adjoint de l’expertise et des programmes de l'ADEME, Agence de la transition écologique. Les études déjà existantes montrent la complexité de la question des impacts – certains positifs, d'autres négatifs- des EnR sur la biodiversité, variables en fonction de nombreux paramètres.

Par exemple, il est avéré que les barrages perturbent la continuité sédimentaire. Les parcs éoliens, eux, retirent plus ou moins d'espace de vie aux animaux, en fonction du lieu où ils sont implantés. Les projets peuvent aussi inclure des mesures bénéfiques pour la biodiversité à l'image de la plantation de haies. Par ailleurs, dans certaines installations photovoltaïques, « nous voyons réapparaître des prédateurs, car l'espace est préservé de la présence humaine et fait l'objet de peu de fauchage », témoigne David Marchal. En outre, des dispositifs peuvent permettre de réduire les impacts des EnR. C'est le cas, par exemple, du bridage des éoliennes qui limite les nuisances sonores et protège les oiseaux. « Il est important de mesurer l'efficacité de ces dispositifs. C'est un enjeu du point de vue du maintien de la biodiversité et de la rentabilité des projets », souligne David Marchal.

Pour les intervenants à la table ronde, le nouvel Observatoire devrait aussi constituer un rempart aux « fake news » sur les EnR qui prolifèrent dans le débat public, entravant le déroulement des projets. Depuis plusieurs années, en effet, ces énergies nouvelles (les éoliennes, en particulier) sont devenues un terrain d'affrontement idéologique d'ampleur nationale. En 2022, Marine Le Pen, candidate du Rassemblement National, était allée jusqu'à faire de leur démontage un argument de sa campagne électorale présidentielle.

Biodiversité et rentabilité nécessaire

Mais la politisation du débat ne constitue pas le seul élément perturbateur. En effet, même en considérant qu' EnR et biodiversité relèvent d'un « même combat », les coûts que représente la seconde pour les premières complexifient l'équation. En particulier, il existe « une vraie difficulté de dialogue » entre l'économie et l'écologie, en matière de politique publique, selon Lucas Robin-Chevallier, responsable relations institutionnelles chez EDF Renouvelables. Illustration avec un projet d'éoliennes en Camargue, situé dans un couloir d'oiseaux migrateurs. Un arrêt de l'activité durant les périodes de migrations (deux fois trois semaines par an) permettrait de résoudre le problème écologique. Mais la remise en cause du modèle économique du projet que constitue cet arrêt de l'activité n'est pas prise en compte...

Autre difficulté pour les entreprises de l'EnR, les recours en justice réalisés pour stopper les projets au nom de la biodiversité. « Un projet crée beaucoup de vocations environnementales locales. Il s'agit souvent de personnes qui ne veulent pas de ces projets et qui utilisent l'argument de l'environnement », estime Lucas Robin-Chevallier. Selon Olivier Thibault, toutefois, ces recours sont également le fruit d'une intégration trop tardive des problématiques de biodiversité dans les projets. « Il faut arriver à les intégrer dès le départ, autrement cela se termine devant les tribunaux. Pour avoir voulu passer en force, on peut se retrouver avec rien, au bout de cinq ans », observe-t-il.

Certains ont déjà fait le calcul. Chez Engie, sur un projet de huit ans, deux sont consacrés aux études préalables. « C'est devenu une dimension opérationnelle de la gestion de projet, nous avons transformé le modèle économique pour l'intégrer », explique Julia Maris, vice-présidente RSE, chez Engie. Entre 2023 et 2025, l'entreprise prévoit d'investir 13 à 14 milliards d'euros dans les EnR. En la matière, poursuit-elle, « les leviers financiers nécessaires sont dans le monde des entreprises ». Lesquelles ont elles-même besoin d'assurer leur rentabilité. Au total, rappelle Lucas Robin-Chevallier, le respect de la biodiversité impacte le modèle économique : « Cela va se répercuter sur le prix du mégawatt ».