Commerce de vrac : l'amorce d'un changement structurant ?

Le commerce de vrac, émergent, propose un modèle qui bouleverse les pratiques liées à la production, la logistique et la vente de produits préemballés, selon une récente étude.

Au salon du vrac le 16 mai.
Au salon du vrac le 16 mai.

En chiffre d'affaires, il s'agit d'une goutte d'eau : 1,3 milliard d'euros en 2021. Mais le commerce de vrac – qui se passe d'emballages – aspire à changer la donne. Le 12 mai, lors d'une conférence de presse, Réseau vrac, association de promotion de la démarche (1900 membres), présentait, à l’occasion du salon dédié qui s’est tenu à Paris les 16 et 17 mai, les résultats d'une étude sur les effets masqués de cette pratique. Plusieurs tendances se dégagent de l'enquête menée auprès de 119 adhérents de l'association, en 2021. Tout d'abord, certaines conclusions esquissent un portrait de ce tout petit secteur, en pleine évolution. « Nous assistons à une diversification des canaux de distribution de vrac.(...) Certains acteurs constatent la digitalisation du commerce, et ils souhaitent s'ancrer dans cette démarche, en y proposant du vrac et du réemploi », constate Chloé Liard, chargée de développement chez Réseau Vrac. Ainsi, si les boutiques physiques représentent l'essentiel du marché, les sites de e-commerce et de drive se développent. Ils représentent 7% des entreprises, soit cinq points de plus qu'en 2016.

Autre évolution, alors qu'à l'origine, l'alimentaire prédominait, aujourd'hui, les fournisseurs sont de plus en plus nombreux à venir dans d'autres secteurs. 80% de ceux présents dans les services sont apparus après 2016, 78% pour la cosmétique et les détergents, et 83% pour les accessoires, contre 41% seulement pour l'alimentaire. Autre particularité du marché, « le métier de commerçants du vrac attire de nouveaux profils. 92% d'entre eux sont issus d'une reconversion », note Chloé Liard. Auparavant, ils étaient cadres, employés... et 73% d'entre eux sont des femmes.

Mariage avec le bio

Autre constat, pour les entrepreneurs qui s'y adonnent, le vrac appelle d'autres dimensions : le local, le Made in France, le bio, le commerce équitable... En particulier, « les commerçants ont à cœur d'avoir des produits locaux, et pas seulement du vrac », pointe Chloé Liard. Ainsi, un tiers des produits commercialisés dans les magasin de vrac proviennent d'une localité située à moins de 200 km du point de vente. Pour un quart des commerçants, les références locales représentent plus de 50% du chiffre d'affaires.

Logiquement, c'est également le cas du Made in France. En amont, « les fournisseurs de vrac travaillent majoritairement avec des fournisseurs de matières premières basés en France », révèle Chloé Liard. Pour près d'un tiers de ces professionnels, il s'agit même d'une exclusivité. Et 3,1% d'entre eux seulement travaillent avec l'étranger. Les proportions de produits Made in France varient selon les secteurs : de 63% pour les fournisseurs de biens alimentaires la part grimpe à 81% pour des cosmétiques. Par ailleurs, le bio constitue également une dimension prégnante dans le commerce de vrac : 38% de ses acteurs considèrent qu'elle fait partie aussi de leur démarche, d'après Réseau Vrac. Par exemple, 47% des fournisseurs proposent une gamme de produits vrac labellisés (bio, équitable...). Et 69% des références dans les commerces vrac sont labellisées.

Un changement structurel

Mais pratiquer ce type de commerce très particulier enclenche également d'autres effets structurants plus étonnants, d'après l'étude. « Le vrac entraîne souvent l'adoption de pratiques vertueuses dans l'entreprise même », constate Chloé Liard. Plus de huit fournisseurs sur dix ont indiqué que ce choix avait engendré des évolutions dans l'entreprise, dans trois domaines principaux. C'est notamment le cas de l'éco-conception des emballages, pour les entreprises qui ne passent qu'une partie de leur production en vrac. Par ailleurs, la vigilance sur la provenance des matières premières s'accroît. « Certains fournisseurs ont repensé leur approvisionnement pour proposer du plus local ou plus durable, en accord avec les valeurs du vrac », illustre Chloé Liard. Autre évolution, souligne-t-elle, « 68% des fournisseurs estiment que le passage au vrac a entraîné un changement de relation avec leurs clients ». Des liens se tissent, notamment lorsqu'il s'agit d'inventer des dispositifs de consigne pour les emballages... « Les échanges se font plus conviviaux », explique Chloé Liard. C'est le cas aussi entre clients et commerçants, entre lesquels se développe une relation de proximité, nourrie par la découverte de pratiques nouvelles.

Au total, pour Célia Rennesson, directrice de Réseau Vrac, le vrac constitue une « petite graine » qui peut faire évoluer mentalités et pratiques dans l'entreprise, jusqu'à éventuellement, l'entraîner dans une démarche globale...Une aventure pour une petite structure qui doit tout inventer, un véritable casse-tête et un investissement considérable pour une grande entreprise dont les lignes de production et la logistique sont organisées pour produire des biens emballés.