Congrès de la 8e région À Amiens

La première table ronde était consacrée à la procédure collective.
La première table ronde était consacrée à la procédure collective.

Le congrès des tribunaux de commerce de la 8e région – qui regroupe les onze TC des Hauts-de-France – s’est tenu le 19 septembre à l’hôtel Bouctot-Vagniez d’Amiens. Temps fort de cette matinée : le débat “Une histoire de procédure collective”, avec le témoignage de deux chefs d’entreprise. L’objet de cette table ronde : inciter les dirigeants à anticiper et à pousser la porte du tribunal de commerce avant qu’il ne soit trop tard.

Quelque 150 personnes étaient réunies dans l’amphithéâtre de
l’hôtel Bouctot-Vagniez pour participer à cette matinée d’échanges. La ligne
directrice de ce congrès : rappeler aux chefs d’entreprise que les juges sont à
leurs côtés pour les aider, et que des solutions existent avant d’en arriver
aux extrémités de la liquidation judiciaire, à condition d’anticiper. Le
congrès a également été l’occasion de mettre en lumière l’Apesa, association
qui aide les dirigeants en détresse psychologique, 60 000 rebonds Hauts-de-France,
qui accompagne des chefs d’entreprise “post faillite”, Initiative
Somme France Active Picardie et d’assister à la présentation des Modes
alternatifs de règlement des conflits (Mard) par Claude Sidobre –  délégué national aux Mard.

Rôle majeur

La maire d’Amiens Brigitte Fouré a tenu à rappeler
l’importance du rôle des tribunaux de commerce : « Il est primordial que les
tribunaux de commerce continuent à œuvrer sur le territoire. Cette implication
bénévole des juges au service de l’intérêt général est nécessaire. La
connaissance que vous avez du monde économique est précieuse, leur a-t-elle
assuré. Nous élus ne créons pas d’emplois, nous sommes des facilitateurs. Le
monde politique et le monde économique doivent travailler ensemble pour l’attractivité
du territoire. » Alain Leroux, qui représentait la procureure générale de la
Cour d’appel d’Amiens, lui a succédé au pupitre pour rappeler l’importance
d’une justice humanisée, afin d’éviter des drames :

« Les forces vives des tribunaux de commerce agissent comme
des régulateurs, je salue votre engagement de chefs d’entreprise au service des
autres. Notre devoir est de donner du sens à nos actions. C’est l’ambition de
la Cour d’appel d’Amiens : le Parquet n’est pas seulement un empêcheur de tourner
en rond, mais peut aider en humanité. » Le président de Région Xavier Bertrand
a lui aussi rejoint Brigitte Fouré dans ses propos : « Le monde politique et la
justice entretiennent des relations de partenaires, parce que nous avons la
même ambition : l’emploi et son maintien. Nous sommes dans une région où
l’emploi a été sinistré mais nous sommes toujours debout. Et ce parce que le
juge du tribunal de commerce connaît, aime et se bat pour les entreprises. » Et
pour maintenir l’emploi, la Région a notamment mis sur pied avec le concours
des TC le Fonds de premier secours, qui agit « comme un service d’urgence, et a
aidé des centaines d’entreprises avec 88% de réussite », a rappelé Xavier
Bertrand. Même constat du côté de la présidente de la CCI Amiens-Picardie Fany
Ruin : « La chambre de commerce a comme ambition de créer et pérenniser les
emplois, en renforçant entre autres les dispositifs d’accompagnement pour les
créateurs et dirigeants et en multipliant les portes d’entrée. Notre objectif,
c’est la proximité, et le suivi des entreprises », a expliqué Fany Ruin.

Procédure collective

La première table ronde de la matinée était consacrée à la
procédure collective, avec un mot d’ordre : l’anticipation. « L’entreprise est
au cœur de l’activité économique d’un pays, la plupart connaissent des
difficultés au cours de leur existence, il y a un risque pour la santé de
l’entreprise dès lors que ces difficultés deviennent chroniques et imposent au
chef d’entreprise des choix douloureux et souvent tardifs… », a tenu à rappeler
en préambule Jean-Jacques Leroux, président de chambre au tribunal de commerce
d’Amiens. Et c’est lorsque ses difficultés apparaissent qu’il est important
pour le chef d’entreprise de s’entourer des bons conseillers, pour faire face.
Les juges tiennent ce rôle : « Pour bien juger, il faut bien comprendre, et
pour bien comprendre il faut bien écouter, chacun doit pouvoir s’exprimer
librement », a poursuivi Jean-Jaques Leroux. Une bienveillance et une écoute
auxquelles ne s’attendent pas forcément les chefs d’entreprise, mais les deux
dirigeants – Olivier Leclercq pour la société Crealife et Jean-Claude Parain, à
la tête de l’entreprise Parin Claidière – qui ont tous deux connu la procédure
collective et ont raconté leur parcours, l’ont appréciée. « La vision que
j’avais au départ du tribunal de commerce ? Une sanction… Vision qui a ensuite
changé », a témoigné Olivier Leclercq. Même ressenti pour Jean-Claude Parin : «
Les juges ne sont pas là pour juger mais rassurer, expliquer. » Éric Feldmann,
président du tribunal de commerce de Lille-Métropole et membre de la conférence
générale des tribunaux de commerce, a rebondi : « Ce qui frappe, c’est l’image
que l’on a du tribunal de commerce, un rebutoir, et qui fait que l’on pousse
nos portes trop tard lorsque l’entreprise est en mort clinique. Il y a un
problème de communication de notre action, c’est un vrai drame, alors que le
tribunal est là pour sauver des emplois ! La prévention – 75% de réussite – est
primordiale. » Il a également déploré la méconnaissance du mandat ad hoc et de
la conciliation : « Notre job, c’est d’ouvrir la caisse à outils du législateur
pour que l’entreprise retrouve de l’oxygène et du souffle. » Un souffle qu’ont
retrouvé les dirigeants présents : « Le tribunal de commerce a vraiment eu la
volonté de me donner la possibilité de continuer, sans cet outil, je ne serai
plus là », a raconté Olivier Leclerc qui a salué la bienveillance des juges. Et
pour mettre toutes les chances de son côté, le chef d’entreprise a tout intérêt
à s’entourer de plusieurs professionnels – avocat, expert-comptable, banquier.
« Il faut aussi analyser les causes de la situation, pour repartir d’un bon
pied, dans un dialogue de confiance, et ne pas vivre la procédure collective
comme un échec », a conseillé Éric Feldmann. Un message que les juges espèrent
faire passer à toutes les entreprises