Covid-19 : la seconde vague des plans de licenciements en France

Malgré les plans d’aide du Gouvernement aux secteurs les plus touchés par le confinement, les annonces de suppressions d’emplois se multiplient…

(c)Adobestock
(c)Adobestock

En attendant un plan de relance global de l’économie à la fin de l’été, le Gouvernement français a annoncé des mesures d’urgence en faveur des entreprises : délais pour les échéances sociales et fiscales, reports du paiement des loyers et factures, fonds de solidarité, prêts garantis par l’État, rééchelonnements des crédits bancaires, prise en charge du chômage partiel, etc…Mais face au danger d’un effondrement économique, le Gouvernement élabora, en outre, des plans d’aide spécifiques aux secteurs du tourisme, de l’automobile, des entreprises technologiques, de l’aéronautique, du BTP, du livre, du commerce de proximité… Malgré cela, plans sociaux, licenciements et suppressions d’emplois se multiplient.

Des coupes claires dans les effectifs

Le champ médiatique est saturé des annonces de suppressions d’emplois par les très grands groupes. Il est vrai que lorsqu’Airbus annonce près de 5 000 suppressions d’emplois en France, dont 3 500 à Toulouse, c’est toute une filière qui est touchée, avec des conséquences importantes dans le bassin de vie toulousain. Ce coup de massue se conjugue du reste à l’annonce d’Air France-KLM de supprimer 7 500 postes d’ici à fin 2022, soit 17% des effectifs du groupe. À croire que la fenêtre médiatique était idéale, puisqu’au même moment Nokia annonce 400 suppressions de postes à Lannion, en Bretagne, HSBC France la suppression d’un tiers des postes dans la banque d’investissement, etc.

Selon la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), 24 plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) — dénomination officielle et politiquement correcte des plans de suppression d’emplois pour les entreprises de plus de 50 salariés au-delà de 10 licenciements — ont été annoncés la première semaine de juillet, contre seulement 11 la première semaine du mois de mars, soit au total 195 en quatre mois ! Selon cette étude, «le nombre de suppressions de postes envisagées continue d’augmenter : en cumul depuis le 1er mars, 27 000 suppressions de postes ont été envisagées dans le cadre de PSE, soit plus de deux fois plus que sur la même période en 2019» Et à cela il faut ajouter ce que la Dares appelle pudiquement de «petits licenciements collectifs», tout de même 1 600 en quatre mois, dans la construction, le commerce, la réparation automobile, l’industrie manufacturière, l’hébergement et la restauration.

Les chiffres de l’emploi et du chômage en trompe-l’œil

Certes, au premier trimestre 2020, le taux de chômage au sens du BIT s’élevait à 7,8% de la population active en France (hors Mayotte), en baisse de 0,9 point par rapport au premier trimestre 2019. Mais l’Insee fait remarquer que cette baisse du taux de chômage résulte « d’un fort recul du nombre de personnes sans emploi se déclarant disponibles ou en recherche active d’emploi, pendant la période de confinement». D’où, une baisse du taux de chômage qui ne traduit en rien une amélioration du marché du travail. Pis, comme les emplois recréés ne le seront pas forcément dans les mêmes secteurs que ceux où ils ont été détruits, il y a fort à craindre que le marché du travail se précarise, que la productivité du travail baisse et que le taux de chômage structurel augmente…

Crise sociale et emplois zombies

En tout état de cause, on parle moins des artisans, indépendants et petites entreprises qui subissent de plein fouet la crise. Or, dans des bassins de vie qui ne comptent parfois plus que quelques enseignes, une dizaine d’emplois en moins peut facilement conduire à une crise sociale.

Cependant, nombre d’entreprises, comme dans le secteur automobile, étaient déjà en grande difficulté avant le confinement, ce qui laisse redouter que certaines d’entre elles ne se servent de la crise de la Covid-19 comme d’un alibi pour restructurer et licencier plus facilement. Par ailleurs, bien que les coûteux dispositifs de chômage partiel et de prêts garantis par l’État (PGE) aient limité efficacement l’envolée du chômage et les faillites en France, ils ne servent à rien s’ils profitent à des entreprises qui n’étaient déjà plus viables avant la crise. En effet, ces entreprises dites “zombies” — souvent surendettées — conserveront juste quelques mois de plus leurs effectifs, avant l’inévitable liquidation d’où découlera une vague de licenciements…

En tout état de cause, dans une étude récente, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) tire la sonnette d’alarme : si la crise de l’emploi est mal gérée par les gouvernements, elle pourrait se muer en crise sociale, d’autant que, selon ses prévisions, le taux de chômage en France passerait de 8,1% en 2019 à 12,3% en 2020.