Dans l'Oise, le chimiste américain Chemours investit 186 millions d'euros dans l'hydrogène bas carbone

Le leader mondial dans le domaine des technologies du titane va investir 200 millions de dollars, soit environ 186 millions d'euros, pour renforcer les initiatives mondiales de décarbonisation et accélérer l'économie de l'hydrogène, sur l'un de ses sites de production à Villers-Saint-Paul. D'ici 2025, le groupe va construire deux nouveaux bâtiments et produire des membranes essentielles pour les applications de l’hydrogène bas carbone. Cette future usine de l'Oise sera unique en Europe et l'investissement rentre dans la stratégie de France 2030.

(de g. à dr.) Marc Chefson, directeur de l'usine, Marc Newman, PDG de Chemours, Jean-Claude Villemain, président de l'ACSO et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie. (c)VK
(de g. à dr.) Marc Chefson, directeur de l'usine, Marc Newman, PDG de Chemours, Jean-Claude Villemain, président de l'ACSO et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie. (c)VK

La réindustrialisation de la France est l'une des stratégies du gouvernement. Avec son plan France 2030, l’État mise sur l'industrie du futur, c'est-à-dire celle qui crée de l'emploi, qui fabrique les technologies de pointe et celle qui agit en faveur de la transition écologique. Et depuis plus d'un an, les investissements industriels, notamment dans le département de l'Oise, ne cessent de voir le jour.

Le 12 janvier 2023, le chimiste Chemours, bi-centenaire, a annoncé officiellement un projet d'investissement de 200 millions de dollars, devant Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France et les acteurs publics locaux. Défini par Marc Newman, PDG de Chemours, « comme l'un des plus importants investissements du groupe depuis sa création », ce projet a pour ambition de faire « avancer l'économie de l'hydrogène » pour « créer un monde meilleur » dont le secteur de la chimie doit y prendre part. Le démarrage de ces nouvelles activités va plus que doubler les effectifs, passant de 60 collaborateurs à 140. Si l'investissement est conséquent, le site utilise déjà la « technologie de pointe », explique Marc Chefson, directeur de l'usine.

Pour la construction de cet avenir, deux bâtiments seront érigés, d'ici 2025, sur le site de 40 hectares de Villers-Saint-Paul, le seul de l'entreprise en France : l'un pour pour la production de polymères, l'autre pour la fabrication de membranes échangeuses de protons. Ces dernières représentent, pour Marc Newman, « l'avenir de l'hydrogène » car essentielles pour la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau et le stockage d’énergie dans les batteries à écoulement. C'est aussi une révolution pour le secteur de l'automobile : ces membranes peuvent aussi être utilisées dans la conversion d’hydrogène en électricité au sein des piles à combustible. Avec ces nouvelles installations, le chimiste américain entend devenir leader sur ce marché et devenir une gigafactory.

Une site unique en Europe

Pour l'heure, Chemours, qui partage une plateforme avec les autres chimistes Arkema et Dow Chemical, est spécialisée dans les produits chimiques entrant dans la lutte contre les incendies et les produits hydrophobes dans le textile ou le bâtiment.. ce nouvel investissement va transformer en profondeur le site de production de Villers-Saint-Paul. Ce dernier deviendra le premier site en Europe pour les productions des produits de la technologie de membranes échangeuses de proton, commercialisées sous la gamme NafionTM . Et un site majeur pour l'avenir vert. « Nous allons renforcer l'impact de cette technologie pour contribuer à la décarbonisation à l’échelle mondiale », a affirmé le PDG de Chemours.

Le site de Chemours à Villers-Saint-Paul va devenir une usine de demain. (c)VK

C'est aussi le dessin de l'avenir de l'hydrogène. « La technologie de membranes échangeuses de protons NafionTM est l'une des solutions les prometteuses en matière de production d'hydrogène vert », a noté-t-il encore. Ses principaux avantages ? Un démarrage plus rapide, moins de composants, une empreinte plus faible, un entretien plus simple et zéro émission lorsqu’elle est couplée à une énergie renouvelable.

Ces nouvelles productions vont surtout permettre, pour le groupe, de répondre aux demandes européennes, en très forte hausse. « Le marché de l’hydrogène croît à une vitesse incroyable, de l’ordre de 30% à 40%, a remarqué le PDG de Chemours. L’objectif est de pouvoir très vite construire ici pour être présent rapidement sur le marché européen. »

Réindustrialisation de la France, et du sud de l'Oise

Cette nouvelle grande feuille de route de Chemours est une nouvelle étape dans l'objectif majeur du gouvernement, qui est de réindustrialiser la France. Et aussi une nouvelle étape pour le sud de l'Oise, engagé dans cette démarche avec le dispositif "Territoires d’industrie". « Nous avons fait un choix industriel, a précisé Jean-Claude Villemain, président de l'Agglomération Creil Sud Oise. Nous voulons faire rebattre le cœur industriel de l'agglomération. Et dans ce vieux bassin industriel et chimique, nous avons anticipé l’artificialisation des sols car tous nos nouveaux projets se font sur des friches industrielles. »

Et le choix de Chemours d'investir en France est aussi stratégique. « La décision d'implantation a été prise en moins de six mois », a noté Denise Dignam, présidente de la division APM (Advances performance materials) de Chemours. Et un choix sur le long terme. » Alors que les dirigeants américains ont rencontré Emmanuel Macron et entamé leurs discussions avec le gouvernement français lors du sommet Choose France de juillet 2022, c'est bien « l’alignement idéal entre notre vision de croissance durable et la volonté du gouvernement française de bâtir une économie forte autour de l’hydrogène », pour Marc Newman, qui a accéléré ce choix.

Depuis, après des discussions avec la Région et les collectivités locales, ce projet fait partie du dispositif France Relance et obtiendra une aide publique « de l'ordre de quelques dizaines de millions d'euros », a affirmé Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie. Lequel précise que « l'industrie française doit recréer de l'espoir dans les territoires ». « Nous sommes entrain de vivre un emblème de ce que nous voulons faire », a-t-il affirmé. La Région apportera, quant à elle, 800 000 euros et l'Ademe participera également.

Cette nouvelle usine du futur est aussi le symbole et la volonté, pour la France et Chemours, de créer un écosystème de l'hydrogène en France et en Europe tout en dépolluant l'industrie traditionnelle... et, comme l'a scandé le PDG de Chemours : « to clean the future ! ».