Doctolib, l’aventure ne fait que commencer

En dix ans, Doctolib est devenue l’une des start-up françaises les plus performantes. Mais pour Stanislas Niox-Chateau, l’un de ses fondateurs, tout reste à faire. Avec toujours, le souci de l’intérêt général.

© Adobe stock
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C’est l’une de ces trajectoires qui fascinent. Dix ans après avoir été initié par quatre personnes avec un apport de 2 000 euros, Doctolib est valorisé 5,8 milliards d’euros, utilisé par 50 millions de patients et 340 000 professionnels de la santé en France, présent en Allemagne et en Italie… Le 24 mai dernier, l’un de ses fondateurs et également Directeur général, Stanislas Niox-Chateau, venait présenter les clés de cette aventure hors du commun, lors de la rencontre « La parole aux entrepreneurs », organisée par la Délégation aux entreprises du Sénat, à Paris. Une des clés qui semble résider dans l’imbrication entre un désir de se « rendre utile », l’intelligence de poser le bon diagnostic -par l’échange et l’écoute- et un usage adéquat des technologiques. Sans compter, sans nul doute, une dose considérable d’obstination…

À l’origine de tout, « je voulais faire quelque chose qui ait du sens dans la vie des gens », explique Stanislas Niox-Chateau. À 26 ans, après avoir exploré le champ de l’éducation, le jeune homme est parti passer six mois dans des cabinets médicaux et des hôpitaux. « J’ai simplement demandé aux soignants ce qu’ils avaient besoin », poursuit-il. Pour lui, le constat est limpide. « Ces 50 dernières années, la demande de soins a explosé en raison de multiples facteurs, comme le vieillissement, les maladies chroniques... Face à cela, la ressource médicale est constante, voire déclinante et ses moyens de s’organiser ont peu évolué depuis 20 ans ». Résultat ? Un immense problème d’accès aux soins pour les citoyens et une pression à la mesure chez les soignants. De fait, sous la face émergée et gratuite de l’iceberg, Doctolib qui s’adresse aux patients, 90% de son activité réside dans l’offre de services numériques payants - et toujours plus larges - aux soignants, qui leur permettent de dégager jusqu’à 20 à 30% de temps. « C’est notre modèle économique. Nous n’en avons pas d’autres », précise Stanislas Niox-Chateau, interrogé par des sénateurs sur le sujet sensible de la gestion des données personnelles des patients.

Un ovni dans la planète santé

La confidentialité des données personnelles et leur sécurisation, deux sujets distincts, insiste Stanislas Niox-Chateau- font partie des enjeux majeurs auxquels fait face Doctolib. À ce titre, « les datas sont la propriété du patient. C’est un principe fondateur de Doctolib », affirme-t-il. Quant à leur protection, « la sécurité 100% n’existe pas, mais nous investissons beaucoup », ajoute Stanislas Niox-Chateau. En 2022, par exemple, l’entreprise a racheté Tanker, start-up à l’origine d’une technologie de chiffrement particulièrement élaborée. Mais plus largement, ce sont les règles mêmes de fonctionnement, le rôle de Doctolib, acteur nouveau dans le monde de la santé, qu’il a fallu inventer au fur et à mesure. Ainsi, en 2022, Doctolib a renoncé à l’inscription de 5 700 praticiens bien-être (sophrologues, naturopathes… ) sur la plateforme, perdant au passage 7 millions d’euros, après avoir largement consulté dans le monde de la santé (conseils nationaux des ordres, syndicats de professionnels de santé….). À présent, seuls peuvent s’inscrire sur la plateforme les professionnels officiellement reconnus par les autorités de santé. Avant qu’ils ne soient référencés, leur candidature subit une double vérification (identité et droit à exercer). « Nous avons compris que nous étions devenu un tiers de confiance », explique Stanislas Niox-Chateau.

Le modèle économique de la plateforme, lui, est déjà bien défini. « Il est basé sur un service rendu. 340 000 professionnels de santé paient, chaque mois. Cependant, au bout de dix ans, nous ne gagnons pas encore de l’argent, tant le niveau d’investissement est colossal pour disposer d’un système technologique qui fonctionne », précise Stanislas Niox-Chateau. Le cap de la rentabilité devrait être atteint en 2025. « Nous avons décalé la rentabilité de deux ans avec le Covid, car nous avons travaillé bénévolement, mais nous sommes fiers de l’avoir fait. On peut être une entreprise privée et contribuer à l’intérêt général », explique l’entrepreneur qui revendique une démarche « éthique » et « humaniste ». Et le reste de l’histoire est à écrire. « Nous sommes tout au début de ce que nous pouvons faire pour les soignants et patients », estime Stanislas Niox-Chateau, aujourd'hui 36 ans.