Enchères : toujours plus !

Après avoir encaissé les conséquences de la pandémie, le secteur des ventes aux enchères enregistre un nouveau record en 2021. Pour la première fois, les adjudications électroniques sont majoritaires.

(c)Adobestock
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Aux dernières nouvelles, celles d’avant la pandémie, le secteur des ventes aux enchères était en plein essor. C’était en 2019, et le marché enregistrait alors un nouveau record, en progressant de 12% par rapport à l’année précédente, à presque 3,4 milliards d’euros. Le secteur était tiré à la fois par un marché de l’art florissant et par le succès des ventes d’automobiles d’occasion.

Deux ans plus tard, après une baisse majeure en 2020 liée aux confinements, annulations et restrictions, le marché a retrouvé une vigueur étonnante. « La reprise d’activité en 2021 compense largement la baisse de 2020 », écrit le Conseil des ventes volontaires (CVV), l’autorité de régulation du secteur, dans son bilan pour 2021, publié fin mars. Le produit des ventes aux enchères atteint 4,05 milliards d’euros, en hausse de 40% par rapport à 2020 et de 20% par rapport à 2019. Ce nouveau record fracassant fait suite à une hausse moyenne annuelle de 3,1% entre 2011 et 2020.

Le secteur des ventes aux enchères se répartit traditionnellement en trois segments hétérogènes, aux frontières étanches : le marché de l’art et des objets de collection, les ventes de véhicules d’occasion et de matériel industriel, et les ventes de chevaux de course. Tous enregistrent de fortes hausses par rapport à 2020 : +54% pour le marché de l’art, +42% pour le marché équin et + 28% pour les véhicules. « La hausse est moins élevée pour ce dernier secteur, qui avait observé une baisse contenue en 2020 », commente le CVV. A l’intérieur du marché de l’art au sens large, plusieurs sous-secteurs progressent davantage que les autres en particulier les « arts et antiquités » (+71%) et les « vins et alcools » (+62%).

Le marché de l’art reste parisien

Parallèlement à ces records, la concentration des affaires se poursuit. Désormais les cinq plus grosses sociétés de ventes opérant en France totalisent près de 50% des adjudications. Et les vingt premières maisons représentent 75% du total. Le montant adjugé par ces leaders a même progressé davantage que l’ensemble du secteur : +43%.

Pour autant, la concentration ne se traduit pas par la disparition des petits opérateurs, au contraire. Le CVV répertorie 427 maisons en 2021, onze de plus qu’en 2020. C’est une tendance de long terme : on comptait 403 sociétés en 2016. La plupart de ces « petites maisons », qui pour certaines ne réalisent que quelques centaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires, se spécialisent dans le secteur de l’art et des objets de collection, tandis que certaines se revendiquent comme « généralistes ».

C’est grâce à ces sociétés de vente établies dans des villes moyennes et petites que la répartition territoriale demeure relativement homogène : 278 sociétés (65%) sont établies en-dehors de l’Ile-de-France, 102 à Paris (24%) et 47 (11%) en région parisienne. L’observation des chiffres d’affaires montre toutefois que le marché de l’art demeure éminemment parisien. L’Ile-de-France concentre 64% des ventes en 2021, et les montants adjugés y ont progressé, de 51%, davantage que la moyenne.

Les autres régions qui aspirent une part du marché le doivent en général à la présence d’une ou de plusieurs sociétés spécialisées. La Bretagne affiche 341 millions d’euros grâce à la société VP Auto qui a adjugé 315 millions d’euros en 2021, à Lorient (Morbihan). De même, le chiffre d’affaires réalisé en Occitanie se nourrit de celui de la société toulousaine Enchères VO, également spécialisée en automobile, qui réalise près de 90% du montant adjugé dans la région. Enfin, la Normandie bénéficie de l’implantation d’Arqana qui, à Deauville (Calvados), organise les prestigieuses vente de pur-sang. La puissance démographique et économique des régions Auvergne-Rhône-Alpes ou Provence-Alpes-Côte-d’Azur ne se reflète pas dans le marché des enchères, puisqu’elles ne concentrent que 2 à 3% des montants adjugés chacune. Pour le dire autrement, si le marché de l’art est parisien, les ventes de véhicules d’occasion et de matériel industriel bénéficient principalement à des sociétés installées « en province », comme continue de l’écrire le CVV.

S’il doit y avoir une rivalité entre les deux principaux segments, l’avantage serait plutôt aux achats matériels qu’aux investissements esthétiques. En effet, cela fait plusieurs années que le marché de l’art n’est plus majoritaire, en valeur, dans les ventes aux enchères. En 2021, il représente 46% du total, contre 49% aux ventes automobiles et industrielles et 5% aux chevaux. Les deux plus grandes sociétés, Alcopa Auction et BC Auto, spécialisées dans l’automobile, devancent les filiales françaises des deux incontournables acteurs anglosaxons, Sotheby’s et Christie’s. En revanche, plusieurs grands noms parisiens, Artcurial, Pierre Bergé, Tajan ou De Baecque peinent à retrouver leur vitesse de croisière après la pandémie.

Électronique et internationalisation

Le marché a par ailleurs connu, avec la pandémie, un bouleversement historique. Désormais, les trois quarts des ventes se concluent de manière électronique, alors que cela ne concernait que 36% des adjudications en 2019. Le CVV distingue les enchères « live », adossées à des ventes physiques opérées par un commissaire-priseur, des enchères « en ligne », totalement dématérialisées, étalées sur plusieurs jours.

Cette conversion massive à l’électronique explique que l’internationalisation du secteur s’est poursuivie malgré les restrictions de circulation liées au Covid. Ainsi, en 2021, les acheteurs étrangers ont acquis 1,3 milliard d’euros de biens adjugés en France, soit 32% du montant total, contre seulement 806 millions (28%) en 2020.