Droit

Entreprises en difficulté : mieux prévenir, les recommandations de la mission Justice économique

Améliorer l’information sur les dispositifs de prévention des difficultés des entreprises et la détection des « signaux faibles », développer l’accompagnement psychologique des chefs d’entreprise et l’offre de procédures de prévention judiciaire pour les agriculteurs, les associations et les professions libérales. Telles sont les principales propositions émises par le rapport Richelme sur la justice économique remis récemment au Gouvernement.


(c)Adobestock
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Installé début octobre 2020, le groupe de travail piloté Georges Richelme, alors président de la Conférence générale des juges consulaires de France, a rendu son rapport au gouvernement, le 19 février dernier. Objectif de la mission qui lui avait été confiée : établir un état des lieux des pratiques mises en œuvre pour mieux détecter et prévenir les difficultés rencontrées par les entreprises, et formuler des recommandations pour mieux accueillir et accompagner les dirigeants devant les tribunaux de commerce et les chambres commerciales des tribunaux judiciaires (pour les professions libérales, les agriculteurs et les associations).

Déni de la situation et peur du tribunal

La feuille de route de la mission visait donc les procédures amiables que sont le mandat ad hoc et la conciliation, lesquelles enregistrent d’excellents résultats lorsqu’elles sont mises en œuvre. Mais elles le sont trop rarement, aujourd’hui. Dans son rapport la mission identifie plusieurs freins au développement de ces dispositifs : le défaut de compréhension de la situation réelle de l’entreprise par le ou les dirigeants, leur déni de la situation, lié à la crainte de l’échec et ses éventuelles conséquences, la difficulté à trouver les dispositifs d’aides adaptés, le coût - réel ou supposé - des mesures existantes, mais aussi et surtout, la peur d’aller vers le tribunal pour bénéficier des dispositifs judiciaires de prévention, parce que c’est aussi un lieu de sanctions et de procédures collectives.

Un accès inégal à l’information et aux conseils

Autre constat dressé par la mission : toutes les entreprises n’appréhendent pas te traitement de leurs difficultés de la même façon. Parce qu’elles bénéficient des conseils de professionnels du chiffre et du droit, les grandes et moyennes entreprises disposent de l’information adéquate pour anticiper et gérer les démarches auprès des tribunaux. En revanche, les petits entrepreneurs, ainsi que les agriculteurs, les professionnels libéraux et les responsables d’association, sont moins entourés et équipés pour analyser leur situation économique et financière, et ne bénéficient pas de l’information et des conseils adéquats sur les dispositifs de prévention et de traitement des difficultés.

Enfin, seuls les tribunaux de commerce sont aujourd’hui en mesure de détecter les « signaux faibles », car leurs greffes disposent d’informations et d’outils d’analyse de ces informations qui leur permettent d’être alertés. Certains indicateurs, tels que le non dépôt des comptes annuels, les injonctions de payer et les référés-provision, sont souvent révélateurs de difficultés. Or, les chambres commerciales des tribunaux judiciaires n’ont pas accès à ce type d’informations et d’outils qui leur permettraient d’assurer une veille similaire à celle assurée par les tribunaux de commerce.

Améliorer l’information et la détection précoce

La mission émet plusieurs préconisations pour améliorer l’information des entrepreneurs - et en particulier des petites entreprises, des exploitants agricoles et des responsables d’association - sur les dispositifs de prévention des difficultés. Elle propose, notamment, de s’appuyer sur les « Points Justice » en créant un portail Internet dédié. Elle suggère également d’inciter les créanciers, et en particulier les créanciers institutionnels et les banques, à adresser de l’information sur les procédures judiciaires de prévention à leurs clients, dès le premier impayé.

Pour améliorer la détection précoce des difficultés des entreprises, le rapport préconise d’intégrer les informations détenues par les greffes des tribunaux de commerce dans la base de données de l’outil « signaux faibles », géré par le ministère de l’Économie et qui réunit déjà les informations concernant les entreprises, détenues par différentes administrations.

Renforcer l’accompagnement des chefs d’entreprise

La mission met également l’accent sur la nécessité d’améliorer l’accompagnement des entrepreneurs qui rencontrent des difficultés, en leur proposant une aide psychologique. L’idée consiste à sensibiliser et mobiliser les acteurs de la justice économique (greffiers, juges, mandataires, experts-comptables…) pour qu’ils restent vigilants, afin de détecter les chefs d’entreprise en détresse et les diriger vers une association spécialisée (tel que le dispositif APESA).

Le rapport émet enfin plusieurs propositions qui nécessiteraient des réformes législatives et réglementaires, telles que le développement de l’offre de procédures de prévention judiciaire pour les agriculteurs, les associations et les professions libérales, ou la pérennisation des dispositions de l’ordonnance du 20 mai 2020 relatives à la suspension de l’exécution des poursuites par le créancier pendant le temps de la conciliation et au doublement de la durée de la période de conciliation.