Envolée des matières premières : des conséquences en cascade

La hausse des cours des matières premières (céréales, énergie, métaux…) pèse lourdement sur l’économie et risque d’avoir des répercussions durables sur les coûts de production des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages… Éclairage.

(c)Pixabay
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Il suffit de jeter un œil sur les cours des matières premières (céréales, énergie, métaux…) pour constater à quel point l’augmentation est forte depuis un an : +60% pour le nickel, +72% pour le baril de Brent, +74% pour le blé, + 95% pour le café !

Ces hausses, longtemps perçues comme temporaires, semblent désormais parties pour durer, tant et si bien que les entreprises commencent à les intégrer dans leur coût de production et de vente. Le résultat est que l’on assiste à une réaction en chaîne dans l’économie réelle, qui va avoir de lourdes conséquences pour tous les acteurs économiques.

Tensions sur les chaînes d’approvisionnement

Après des mois de pandémie, qui ont contraint les gouvernements à limiter de manière plus ou moins forte les déplacements de personnes et la production, les goulets d’étranglement devenaient inévitables lors de la reprise concomitante de l’activité partout dans le monde. Partant, si une hausse temporaire des cours des matières premières était anticipée, personne ne semblait s’attendre à ce qu’elle dure. C’est que la pandémie a également conduit à un bouleversement des chaînes d’approvisionnement, lié à de nombreux facteurs : faillite de nombreuses entreprises durant les confinements, choix d’une production locale pour servir le marché domestique, réorganisations internes et internationales des chaînes de valeurs, etc.

Bref, le monde d’après ne ressemble en rien au monde d’avant. L’erreur fut de croire qu’il serait possible de repartir sur les mêmes bases productives pour renouer avec la croissance. Progressivement se met en place une nouvelle géographie des flux de matières premières, dont il reste difficile, à ce stade, de prévoir les conséquences à moyen terme. Mais à court terme, la tempête guette…

Incertitudes, retards et souveraineté économique en Chine

Tout d’abord, les autorités politiques chinoises poursuivent, envers et contre tous, leur stratégie « zéro covid-19 ». Elles n’ont ainsi pas hésité à confiner strictement pendant près de deux mois la ville de Shanghai, qui est pourtant un centre industriel très important, ainsi que de nombreuses autres régions. Et ce, au prix d’un fort ralentissement économique, d’un cauchemar logistique et de retards en cascade dans la production. Incertitudes, retards et pénuries : il n’en fallait pas plus pour que les prix à la production augmentent. Et comme la Chine est une plateforme industrielle mondiale, ses problèmes deviennent ceux du monde entier par le jeu des importations/exportations.

Ces derniers mois, les entreprises européennes faisaient déjà face à des difficultés récurrentes d’approvisionnement en semi-conducteurs. Maintenant, elles devront également compter avec des tensions sur les cours des métaux, qui ne manqueront pas de resurgir lorsque les confinements seront levés en Chine. Ce, d’autant plus que Xi Jinping ne cache plus son intention de privilégier son marché domestique.

Exportations ukrainiennes et russes de céréales à la peine

Au même moment, l’invasion de l’Ukraine par la Russie ajoute tensions et incertitudes. En effet, l’Ukraine et la Biélorussie sont toujours des points de passage importants du gaz russe vers l’UE et le conflit actuel ne peut qu’en désorganiser l’acheminement. Les récentes annonces des 27 sur leur volonté de se passer du pétrole russe, puis du gaz, pourraient rendre la facture énergétique très salée, tant pour les entreprises que les ménages. Pour éviter l’explosion sociale qui pourrait en résulter, les États seront contraints de poursuivre leurs très onéreuses politiques de compensation partielle, menées au moyen notamment de chèques énergie et de subventions à la pompe. Toute la question sera alors de savoir dans quelle mesure l’augmentation des coûts (énergétiques) de production des entreprises sera passée dans les prix de vente.

Quant aux céréales (blé, maïs, tournesol…), l’Ukraine et la Russie assurent environ un tiers des exportations mondiales. Or, avec les sanctions à l’exportation prises contre la Russie et le blocage des ports ukrainiens, la pénurie guette. Cette situation pourrait alors se traduire par un renchérissement des produits alimentaires de base (en France, +12% sur un an pour les pâtes), mais aussi par des famines, principalement au Maghreb, en Afrique subsaharienne et au Proche-Orient. L’Inde s’était engagée à exporter exceptionnellement une partie de sa production, mais la grande sécheresse qui touche le pays (et quelques considérations politiques) l’a contrainte à revenir sur sa promesse. Le maître du Kremlin en a profité pour faire du chantage : reprises des exportations de céréales et d’engrais contre levée partielle des sanctions visant la Russie. Il n’est donc pas certain que la mise en place de subventions alimentaires serait de nature à venir à bout de tels problèmes.

En définitive, l’envolée des matières premières pèsera sur les coûts de production des entreprises. Quant au pouvoir d’achat des ménages, il dépendra en grande partie de leur capacité à obtenir des compensations, sous forme de hausses de salaire…