France : un déficit commercial record en 2022 !

Le déficit commercial de la France a atteint un niveau record de 164 milliards d’euros en 2022, en raison principalement de la flambée des coûts énergétiques. Mais d’autres réalités sa cachent derrière ce chiffre…

(c)Adobestock
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Bien qu’attendue, la dégradation de la balance commerciale reste impressionnante : un déficit en valeur de 163,6 milliards d’euros contre 84,7 milliards en 2021 ! C’est deux fois et demie le solde moyen de la précédente décennie. Gêné aux entournures par ces chiffres, le gouvernement a préféré communiquer ad libitum sur la « résilience de l’économie française», d’autant que la période actuelle de grogne sociale n’est pas propice à trop d’annonces qui fâchent. Pourtant, ce déficit commercial n’a rien de catastrophique, pour peu que l’on se donne la peine d’en analyser la signification, les causes et les moyens à mettre en œuvre pour tenter de le résorber.

Creusement du solde énergétique

En France, la balance commerciale retrace la valeur des exportations et des importations uniquement de biens sur la base des statistiques douanières. Plus précisément, les exportations sont valorisées FAB (franco à bord), i.e. uniquement avec les coûts d’acheminement jusqu’à la frontière française. Les importations, quant à elles, sont souvent valorisées CAF (coût assurance fret), i.e. avec les coûts d’acheminement entre les deux frontières. Les services des douanes appliquent donc une correction pour obtenir la valeur des importations FAB.

Le solde de la balance commerciale est alors calculé comme la différence entre la valeur des biens exportés FAB et celle des biens importés FAB. En 2022, les importations FAB ont augmenté de 29,1%, tandis que les exportations FAB, bien que portées par le dynamisme des produits manufacturés, n’ont progressé que de 18,5%. Les pénuries de composants, les incertitudes géopolitiques et l’inflation n’y sont certainement pas étrangères. D’où un déficit commercial qui porte surtout la marque de l’explosion des coûts de l’énergie : 115 milliards d’euros de solde énergétique en 2022, contre 44,8 milliards en 2021 et 25,2 milliards en 2020 !

Le gouvernement a ainsi affirmé que la dégradation du déficit commercial s’explique d’abord par des facteurs conjoncturels, comme la hausse des coûts du gaz et du pétrole, aggravée par la faiblesse de l’euro face au billet vert et l’arrêt de plusieurs réacteurs nucléaires (d’où des importations d’électricité), le tout sur fond de guerre en Ukraine.

Un déficit commercial structurel

Depuis 2004, le solde commercial est cependant structurellement déficitaire, même une fois retranchées les inévitables importations d’énergie, contrairement à l’Allemagne qui affiche encore, en 2022, un excédent de 76 milliards d’euros, certes en baisse de 56% par rapport à 2021. Cela n’empêche pas la France d’avoir traditionnellement des excédents dans les secteurs de l’aéronautique, de la chimie, des parfums et cosmétiques, de l’agroalimentaire et de la pharmacie. Les principaux déficits se situent dans l’énergie, mais aussi dans les biens d’équipement, le textile et l’automobile.

Bon an mal an, les principaux clients de la France sont l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis et l’Espagne, que l’on retrouve aussi comme fournisseurs, ainsi que la Chine. L’Union européenne représente plus de la moitié des exportations françaises, ce qui pourrait certainement encore être amélioré si l’UE cherchait à être mieux intégrée économiquement. Il faut cependant se garder d’une lecture trop comptable des chiffres intra-européens, sous peine de conclure que le solde commercial avec la Belgique s’est fortement dégradé en 2022, alors qu’il relève avant tout des importations de gaz naturel russe et norvégien, comptabilisées selon le dernier pays de provenance (Belgique).

L’absolue nécessité de réindustrialiser

Qui se souvient encore de ce grand patron qui appelait de ses vœux une économie de la connaissance sans implantation industrielle nationale (fabless) ? C’est pourtant ce genre d’illusion qui a contribué à une désindustrialisation accélérée, une baisse des dépenses de R&D et un déclin tendanciel des gains de productivité. « 25 ans de désindustrialisation se paient très cher !», a déclaré le ministre du Commerce extérieur, Olivier Becht, ce qui laisse à penser que le bon diagnostic est (enfin) en train d’infuser dans les élites.

Hélas, s’il s’agit ensuite de tout miser sur l’augmentation du nombre de PME exportatrices de biens, à grand renfort d’aides publiques, l’essentiel est perdu de vue : la compétitivité d’une nation ne se mesure pas à ses seules exportations de biens. Qu’on en juge à la balance des services, structurellement excédentaire en France : un nouveau record de 50 milliards d’euros atteint en 2022, contre 36,2 milliards en 2021 et 16,4 milliards en 2020 ! La balance courante, qui inclut tous les échanges avec l’étranger (biens, services, revenus, dons, aides…) est bien plus pertinente, car elle nous renseigne sur la capacité de financement de l’économie. Et alors qu’elle était légèrement excédentaire en 2021, elle affiche en 2022 un déficit de 2 % du PIB, en raison principalement du déficit commercial.

Finalement, face au déficit commercial, il n’y a qu’une seule priorité : réindustrialiser !