Artisanat

Guy Jaillard, sauveur d’instruments anciens et oubliés dans l'Oise

Guy Jaillard est facteur et restaurateur d’instruments depuis plus de 40 ans. Visite de son atelier, à Saint-Leu d’Esserent.

« Il faut avoir une forme d’affinité avec l’instrument pour comprendre comment travailler. Cela m’est devenu naturel avec les années… » (© Aletheia Press  / L. Brémont)
« Il faut avoir une forme d’affinité avec l’instrument pour comprendre comment travailler. Cela m’est devenu naturel avec les années… » (© Aletheia Press / L. Brémont)

Depuis son enfance, Guy Jaillard est animé par la passion de la musique et des instruments. Il y a une quarantaine d’années, il est devenu facteur et restaurateur d’instruments. Son atelier, installé au cœur de Saint-Leu d’Esserent, recèle des trésors…

L’histoire commence alors que Guy Jaillard a 7 ans, il entre alors dans l’association musicale locale. Il y développera, avec les années, une prédilection pour les cors. « Il y avait un atelier pour réparer les instruments fréquentés par les musiciens, les parents, les amis. J’ai suivi le mouvement. » En parallèle de ses études – il décroche un BTS physique/ chimie -, le jeune homme approfondit ses connaissances musicales. Il fréquente notamment, grâce à un camarade, les ateliers de la famille Dammon, facteur d'instruments depuis Louis XIV.

Une trompette d’harmonie

« À 17 ans, j’ai fabriqué ma première trompette d’harmonie à partir de feuilles de métal », poursuit-il. Pendant plusieurs années, il mène de front une carrière de consultant dans le domaine de la résistance des matériaux pour un cabinet et un travail dans l’atelier de l’association. « Je faisais les brocantes, on y trouvait de tout. Je restaurais ensuite les instruments pour mes élèves », se souvient Guy Jaillard. Emporté par sa passion, il décide de reprendre l’atelier et de s’y consacrer à plein temps.

Bombardes, hautbois, Pibgorn, Treujenn… peuplent les étagères de l’atelier. (© Aletheia Press / L. Brémont)

Dans les années 2000, c’est l’arrivée d’Internet et de la concurrence chinoise. « Nous avons dû restructurer l’atelier. Nous avons fait une étude de marché et nous nous sommes ainsi réorientés vers la restauration et réparation des bois traditionnels, du baroque à la renaissance ». Depuis, bombardes, hautbois, cornemuses, pipasso (la cornemuse picarde) et autres instruments anciens, parfois oubliés, peuplent les étagères de l’atelier. Mais derrière cette spécialisation, se cache un savoir-faire unique et des connaissances encyclopédiques tant le domaine reste vaste et les particularités multiples...

Fausses notes

« Dans le domaine de la musique ancienne, les orchestres s’accordent sur des notes différentes. Il peut même arriver qu’ils jouent une note fausse mais dans leur répertoire, cela semble juste », remarque Guy Jaillard. Autre anecdote, au 19e siècle, une population auvergnate s’établit à Paris. Elle emmène avec elle la cornemuse très prisée dans la région. « Dans la capitale, chaque fabricant accordait ses instruments en se référant aux cloches de l’église la plus proche. Les Bretons, qui jouaient souvent en couple, devaient donc acheter leur instrument chez le même luthier et au même moment pour qu’ils soient accordés ensemble ».

Selon le pays, le doigté de certains instruments varie également. Autant d’informations indispensables pour intervenir sur un instrument. Plusieurs fois déjà, l’artisan a même collaboré avec des archéologues. « J’ai reconstitué une flûte retrouvée incomplète dans des fouilles datant du 15e siècle. Des radiographies ont repéré si les trous étaient droits ou inclinés, s’il existait des déformations… » Ensuite, il lui a fallu extrapoler en s’appuyant sur son savoir et ses recherches.

L’artisan souligne tout le plaisir qu’il prend à travailler la matière, notamment « le laiton et l’argent ». « Je sonde le bois, selon qu’il provient du tronc ou d’une branche, on n’obtiendra pas les mêmes résultats ». Il y a également les parfums, « on y devient accro », plaisante Guy Jaillard. « Le buis dégage une odeur de pain chaud, l'ébène de Tanzanie sent le miel et le pain d'épice. » Une façon de voyager pour l’artisan qui intervient également sur des instruments en provenance du monde entier.