Immobilier ancien : entre 8 à 20% de baisse du marché en 2020

Marqué localement par des achats de maisons par les Franciliens dans les départements limitrophes, le marché de l’immobilier ancien a relativement bien résisté en 2020, d’après les notaires. Mais, ceux-ci demeurent très prudents sur son évolution à venir. Les prix ont progressé dans toutes les grandes villes.

(c)Adobestock
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« Le marché de l’immobilier a bien résisté en 2020 », annonce Peggy Montesinos, membre du bureau du Conseil supérieur du notariat (CSN), en charge des affaires immobilières. Le 10 décembre, les notaires de France présentaient le bilan et les perspectives du marché. Fin septembre, ils enregistraient 990 000 transactions au cours des 12 derniers mois, soit une baisse de 5% en un an. C’est peu dire que la chronologie de 2020 a été heurtée. L’année avait bien démarré, avec une progression à deux chiffres. Mais le confinement, qui a débuté le 17 mars, a entraîné un fort ralentissement. À cette période, a succédé un rebond important, suivi par un mois de septembre caractérisé par une stabilité du volume des transactions. Puis, après le 30 octobre, avec le deuxième confinement, « l’activité s’est poursuivie, même si de manière dégradée », précise Peggy Montesinos. Plusieurs facteurs y ont contribué, comme la possibilité de déménager, et les actes notariés à distance. Au global, si le marché a résisté, c’est parce que « les Français manifestent toujours un fort attrait pour immobilier », analyse Peggy Montesinos. À cela s’ajoutent deux facteurs circonstanciels : le contexte de crise a renforcé le caractère rassurant de cet investissement. De plus, « la consommation, mise en pause, a permis la constitution d’une épargne », estime la notaire.

Toutefois, le nombre de transactions atteint ne doit pas masquer la décélération du marché, qui, pour les notaires, n’est pas exclusivement imputable à la crise sanitaire. En particulier, après une année 2019 record, le marché atteint un plateau dans la Capitale. Et au total, pour l’ensemble de l’année, le nombre de transactions devrait plafonner entre 960 000 à 990 000, soit une baisse de 8 à 20%.

Pouvoir d’achat immobilier en baisse

Au niveau des prix, d’après les notaires, la tendance est à « l’atterrissage », qu’il s’agisse des maisons ou des appartements. Pour des derniers, l’augmentation est de 0,7% au troisième trimestre 2020, par rapport au trimestre précédent. Sur une année, la hausse est de 6,5%, contre + 4,2 % pour les maisons.

Conséquence directe de l’augmentation des prix, le pouvoir d’achat immobilier des Français a baissé, par rapport à l’an dernier. Il demeure cependant supérieur à celui de 2010. En moyenne, cette année, la surface finançable pour un appartement ancien sur l’ensemble de la France s’établit à 55 m² dans le cadre d’un achat, avec une mensualité de 800 euros par mois, pendant 20 ans et sans apport. C’est un mètre carré de moins qu’en 2019. Concernant les maisons anciennes, les Français peuvent acheter 148 m², avec une mensualité de 1 300 euros /mois pendant 20 ans et sans apport. Là aussi le chiffre est en baisse (-6%) par rapport à l’an dernier.

Mais ces évolutions diffèrent selon les villes. À Strasbourg, dans l’hypothèse des conditions de prêt posée par les notaires, il est possible d’acheter un appartement de 55 m², soit quatre de moins que l’année précédente. À Lille, c’est 46 m² (cinq de moins), et à Paris, 15 (un de moins). À Saint-Étienne, on peut acquérir 159 m² (13 de moins que l’année précédente).

Sous-jacent à cette évolution, celle des prix dans les différentes agglomérations et villes. Différenciée, elle est toutefois partout à la hausse. Le palmarès des villes les plus coûteuses, Paris, Lyon, et Bordeaux, demeure assez stable. Mais dans cette dernière, dont les prix se sont envolés durant la décennie passée, la tendance de l’an dernier à la stabilisation, s’est confirmée. En 2020, les prix y ont augmenté de 2,2% pour atteindre 4 410 euros le m². Plusieurs villes ont connu une croissance à deux chiffres de leurs prix : c’est notamment le cas de Rennes (+14,4%), Nantes, (+ 13,2%) et Lyon (+10%) ; Lille suit juste derrière, avec un taux de croissance de 9,8%. Résultat, on peut acheter un deux pièces dans cette ville pour 150 000 euros, quand, pour la même somme, on obtient un six pièces à Cholet.

L’exode urbain a-t-il eu lieu ?

C’est la grande question : les confinements ont-ils engendré de vastes mouvements de population ? « Il n’y a pas d’exode urbain » au niveau national, répond Frédéric Violeau, président de l’Institut notarial de droit Immobilier du CSN. Au troisième trimestre 2020, sur la France entière, « 84% des acquéreurs d’une maison ancienne étaient déjà dans la même région. En 2019, le chiffre était le même. On ne peut pas dire qu’il y ait de bouleversement à l’échelle du territoire français », constate-t-il.

Toutefois, au niveau local, des mouvements ont bien eu lieu, signalés par l’augmentation significative de la proportion d’acheteurs provenant d’ailleurs dans certaines zones géographiques précises, pour l’essentiel à proximité de Paris. En Normandie, par exemple, la proportion d’acheteurs locaux est tombée à 79%, en baisse de trois points, principalement au profit de Franciliens. « Ce phénomène impacte surtout le département de l’Eure, le plus proche du grand Paris », commente Élodie Frémont, membre de la Commission des statistiques immobilières des notaires du Grand Paris. Au troisième trimestre 2020, 22% des acquéreurs de maisons anciennes y étaient des Franciliens, soit 6% de plus qu’à la même période de 2019. Les chiffres sont quasiment identiques dans l’Orne. Et en Bourgogne-Franche-Comté, dans le département de l’Yonne, les acheteurs franciliens ont constitué 27% des transactions (+ 9%). « Nous avons vu des clients vouloir acquérir une résidence secondaire ou un deuxième lieu de vie, proche du bassin parisien », note Élodie Frémont. À contrario, certains Franciliens ont vendu leur bien dans des destinations comme le Var, difficile d’accès depuis la Capitale. Par ailleurs, certaines zones ont vu augmenter la part d’acheteurs locaux, comme la Corse, et la Provence-Alpes-Côte d’Azur (principalement, dans les Alpes- de-Haute-Provence).

Reste à voir si cette tendance deviendra une « orientation structurante du marché », une fois la situation sanitaire rentrée dans l’ordre, pointe Frédéric Violeau. Toujours délicat, l’exercice de la prévision s’avère particulièrement périlleux, tant la situation est complexe. Pour l’instant, le marché a plutôt résisté, et les avant-contrats dessinent un premier trimestre 2021 relativement solide, dans un contexte où les amortisseurs sociaux ont joué un grand rôle. « Le deuxième trimestre 2021 sera plus révélateur (…). Le marché ne pourra pas rester décorrélé d’une situation économique de crise », prévient Frédéric Violeau.