Indicateurs et performance à la loupe

L’économiste française Florence Jany-Catrice, spécialisée dans l’étude de l’emploi dans les services et dans celle des indicateurs économiques, tenait une conférence à la Maison du théâtre d’Amiens sur le thème de son livre : La performance totale. Nouvel esprit du capitalisme ?

Pour Florence Jany-Catrice les indicateurs sont partout et destructeurs.
Pour Florence Jany-Catrice les indicateurs sont partout et destructeurs.

 

Pour Florence Jany-Catrice les indicateurs sont partout et destructeurs.

Pour Florence Jany-Catrice les indicateurs sont partout et destructeurs.

La Maison du théâtre d’Amiens avait des allures de caféphilo en recevant Florence Jany-Catrice, professeur d’économie à l’université Lille1 et chercheur au Centre lillois d’études et de recherches économiques et sociologiques. Une rencontre entre l’universitaire et des acteurs de terrains issue d’un partenariat entre la Conférence permanente des coordinations associatives de Picardie (CPCA) et l’institut Jean-Baptiste- Godin (centre de transfert économie solidaire). Dans une période marquée par le développement de la logique marchande et la recherche de performance, les indicateurs sont partout. Pour Florence Jany- Catrice, la recherche de performance finit par « dicter les actes des individus et leurs finalités », une logique qui conduit à l’absurde. Dans son dernier ouvrage, La performance totale. Nouvel esprit du capitalisme ? (coll. Capitalismes- éthique-institutions, Presses universitaires du Septentrion, 2012), l’économiste développe la quantification comme un acte non seulement « réducteur », mais également « destructeur » de confiance, d’autonomie, d’épanouissement et, plus généralement, de sens.
Lors de cette conférence, Florence Jany-Catrice a donné à entendre une analyse des institutions en termes d’efficacité et de justice, qui s’appuie sur les autres sciences sociales. Autant de pistes de réflexion pour sortir, transitoirement et définitivement, de la performance totale et d’une société envahie par l’idée que l’argument du chiffre est l’argument suprême.

Comment résister à l’illusoire neutralité du chiffre ?
Evaluer c’est porter un jugement. La mesure est toujours le fruit d’un choix. Notre capitalisme est caractérisé par des démesures de différents types. « Un certain nombre d’indicateurs sont devenus une fin en soi. Comment penser un projet de société sans une analyse critique sur les contraintes que la société fait peser sur ellemême. Les nouveaux indicateurs de richesse ont émergé dans un contexte de critique forte à l’encontre de ces indicateurs prééminents que sont le PIB et la croissance économique. Les statistiques sont devenues des ressources et des contraintes. Le PIB et la croissance économique sont les exemples phares. Une des critiques par exemple est celle de dire que le PIB est un indicateur qui indique que toujours plus c’est toujours mieux pour le progrès », déclare l’économiste qui relève une autre controverse autour du constat que nos sociétés sont caractérisées par une activité économique composée à plus des deux tiers par une activité de services.
Aujourd’hui on ne produit pas de voitures, mais on conseille, on assiste, on soigne, on éduque. Or la croissance économique est un indicateur économique en volume. Alors qu’estce qu’un volume de santé, de recherche ou d’éducation dans ce cas ? Ainsi, la performance s’impose pour tous dans le monde du travail et même dans celui de l’éducation, première sphère du social. « Cette obsession pour une croissance à plus de volume et moins d’effort et d’impact est réelle. C’est le gain de productivité. Pourtant les services ne sont pas un bien comme un autre. En économie sociale et solidaire, l’éloge d’un schéma productiviste est disqualifié de façon systématique. Pourtant il participe d’une dynamique de construction sociale et économique », souligne Florence Jany- Catrice qui n’a pas fini d’analyser nos institutions en termes d’efficacité et de justice.