L'immobilier régional face à une crise inédite

Chaque année, le CECIM – Centre d'études de la conjoncture immobilière – Nord fait le point sur l'état du marché du logement neuf dans les Hauts-de-France. Les professionnels du secteur sont inquiets : l'immobilier connaît une crise sans précédent et ils craignent une pénurie de logements dans les années à venir.

En cinq ans, le logement social a chuté de 16,5%. @Toutenphoton
En cinq ans, le logement social a chuté de 16,5%. @Toutenphoton

Des taux d'intérêt élevés, des coûts de matériaux en baisse et un foncier toujours plus rare : on ne peut pas dire que le marché de l'immobilier ait beaucoup d'atouts en ce moment. «L'an dernier, on prévoyait une année 2023 difficile. Mais on a sous-estimé l'évolution de notre activité» s'alarme Jean-Michel Sède, président du Cecim Nord.

«L'inflation et l'augmentation des coûts impactent les professionnels et on a augmenté les taux comme on ne les avait jamais augmentés en un an et demi» ajoute l'économiste Philippe Dessertine. On parle même de 500% d'augmentation.

Le ras-le-bol des entreprises du bâtiment

Même constat du côté de la FFB Hauts-de-France (Fédération Française du Bâtiment), qui s'inquiète pour la profession : «On commence à voir des défaillances d'entreprises et des liquidations judiciaires. On a enchaîné beaucoup de crises et si on veut se redresser, il faut être solidaires. Le tissu est fragile» complète Benoît Loison, son président.

Il souligne d'ailleurs que sur les 40 000 établissements régionaux du bâtiment, 28 000 sont des artisans qui travaillent seuls ; les 12 000 restants emploient moins de 10 salariés. Soit un total de 96 000 salariés dans le secteur en région employés dans de nombreuses petites structures qui ont souvent de la difficulté à sortir la tête de l'eau.

«Nous ne sommes pas des magiciens»

Autre phénomène inquiétant : le prix moyen au m2 de l'habitat collectif atteint pour la première fois la barre des 4 000€, soit une hausse de 14% depuis 2020. Les trois territoires qui ont connu la plus importante hausse sont l'Armentiérois – Vallée de la Lys (+ 12% à 3 918€ /m2), Tourquennois – Vallée de la Lys (+7%, 3 680€ / m2) et la couronne Nord (+7%, 4 792€ / m2).

Chaque année, le Cecim Nord présente son observatoire à ses adhérents. @Lena Heleta
Chaque année, le Cecim Nord présente son observatoire à ses adhérents. @Lena Heleta

Des chiffres qui font réagir Jean-Louis Cottigny, président de l'URH (Union régionale pour l'habitat Hauts-de-France) : «L'État nous a demandé d'être des magiciens, que nous ne sommes pas. On nous demande de construire vite et bien et d'avoir des niveaux de loyers bas. On nous parle du logement comme une priorité mais aujourd'hui les faits sont là : les gens ne quittent plus leur logement, ils sont frileux et ne peuvent plus acheter». En 5 ans, le logement social a chuté de 16,5%. Et cela a des répercussions sur le logement neuf – qui accuse une baisse de 34% des réservations – comme l'ancien (-23% pour les ventes de maisons anciennes dans le Nord, -24% dans le Pas-de-Calais).

Cette crise touche les particuliers comme les professionnels : la part des investisseurs s'est contractée (35% contre 57% en 2022). Sur le SCOT de Lille, les mises en vente (collectif & individuel groupé) ont reculé de 30%, les réservations nettes de 55% et l'offre disponible est supérieure de 25%. Et sur le SCOT d'Amiens, le recul des réservations nettes est de 68%. «Il faudrait 32 mois pour écouler tout ce stock. On ne va pas mettre sur le marché des opérations sans avoir écoulé les autres» poursuit Jean-Michel Sède.

Seul Dunkerque surfe sur une belle tendance avec une augmentation de 14% et l'on peut aisément croire que le territoire va jouir d'une belle croissance avec l'arrivée des gigafactories.

Une capacité d'emprunt en chute de 25%

Malgré tout, les banques se montrent optimistes : «La Banque Centrale Européenne a demandé aux banques d'être bien capitalisées pour couvrir les incertitudes. Dans notre nouveau plan stratégique, on a intégré l'immobilier dans toute sa chaîne» rassure Benoît Gavory de la Caisse d'Épargne Hauts-de-France, en promettant une «bouffée d'oxygène» sur les taux d'intérêt vers le mois de juin.

2024 semble se poursuivre sur une même tendance, avec peu d'opérations lancées. Les professionnels annoncent le chiffre de 1 500 agences immobilières qui ont mis la clé sous la porte. «Il y a une sinistrose ambiante mais il faut envoyer des signaux positifs. Le rebond sera lent et il faut aussi calmer la réglementation sous laquelle on croule» clame-t-on au Cecim.

Quid du Cecim

Il regroupe les acteurs du marché de l'immobilier : promoteurs, organismes d'habitat social, collectivités, banques, syndicats professionnels... Chaque année, le Cecim publie un observatoire dont les chiffres proviennent directement de l'activité des professionnels.
Le Cecim a été créé en 1970 pour fédérer la profession et l'informer avec des publications périodiques d'analyses et de données statistiques.