L'industrie, moteur de l'emploi dans la filière forêt-bois des Hauts-de-France

L'Insee a publié une étude sur la filière forêt-bois dans les Hauts-de-France. Bien que peu boisée, la région compte plus de 16 000 salariés dans cette filière, principalement dans l'industrie de première et surtout de deuxième transformation.

La filière bois est peu intégrée dans les Hauts-de-France. Le bois qui y est produit est exporté. ©Aletheia Press/ B.Delabre
La filière bois est peu intégrée dans les Hauts-de-France. Le bois qui y est produit est exporté. ©Aletheia Press/ B.Delabre

16 300 salariés en 2018. La filière forêt-bois emploie près de 1% des salariés des Hauts-de-France. Dans une région qui est relativement peu boisée comparativement à d'autres, ces chiffres auraient presque de quoi surprendre. Mais l'étude conduite par l'Insee, et publiée au premier trimestre 2022, l'explique facilement : ces emplois se concentrent principalement à l'échelon industriel.

Papier et carton

C'est en effet l'industrie du papier et du carton qui est la plus grosse contributrice à l'emploi. « En 2018, 7 500 salariés des Hauts-de-France travaillent dans les 250 établissements de l’industrie du papier et du carton, soit 46% des effectifs de la filière régionale », insistent les auteurs.

Certains secteurs géographiques en sont le reflet. Ainsi, dans la zone d’emploi de Saint-Omer, ce secteur emploie à lui seul 1 700 salariés, soit 3,3% des salariés du territoire. L’activité est également bien implantée dans les zones de Roubaix-Tourcoing, la Vallée de la Bresle-Vimeu ou encore Creil. Des régions particulièrement industrialisées, où, et cela peut paraître paradoxal, on compte peu de forêts.

En effet, dans les Hauts-de-France, la filière forêt-bois n’est que très peu intégrée. Principalement issu de feuillus, le bois produit dans la région, brut ou primo-transformé, est en très grande majorité exporté vers d'autres régions de France ou à l'international. À l’inverse, les entreprises régionales de transformation et de fabrication importent leur matière première, plutôt issue de résineux.

Il peut s'agir de bois de construction, ou de pâte à papier. L'industrie du papier a donc préférentiellement choisi de s'implanter en fonction de « la proximité avec d’autres industries utilisatrices d’emballages, mais aussi de celle des réseaux de transports et de marchés étrangers », précise l'étude.

Scieries et bâtiment

Les établissements industriels sont souvent de grande taille. 16% emploient plus de 50 salariés, soit dix fois plus que dans l’ensemble de la filière. Trois salariés sur quatre travaillent dans ces grands établissements. Cinq établissements emploient 250 salariés ou plus, tels que les Cartonneries de Gondardennes et Wepa France. Des établissements artisanaux côtoient toutefois ces grosses unités industrielles.

Derrière l'industrie du papier, les autres activités de deuxième transformation pèsent aussi lourd. Elles regroupent près de 4 000 salariés, principalement dans les métiers du bâtiments (charpenterie, menuiserie...) et dans la fabrication de meubles. L'amont de la filière est moins créateur d'emploi.

Notamment, si la sylviculture et l'exploitation forestière concentrent la moitié des établissements, elles n'emploient que 6% des salariés recensés par l'Insee, soit moins de 1 000 pour toute la région. « La part d'établissements sans salariés y est particulièrement élevée (90 % des établissements) », notent les auteurs. Les activités de première transformation sont pourtant le deuxième segment de la filière, avec environ 20% des établissements et des salariés.

Beaucoup d'ouvriers

Sans grande surprise, la filière régionale est marquée par une forte représentation ouvrière, notamment dans la construction et le sciage. En effet, « en 2018, sept salariés de la filière forêt-bois sur dix sont des ouvriers, contre trois sur dix pour l’ensemble des salariés de la région », souligne l'Insee. Cette forte proportion d'ouvriers rend la filière forêt-bois très masculine. En effet, 83% des salariés de la filière sont des hommes, contre 52% des salariés au niveau régional.

Mais si les ouvriers sont surreprésentés, ils sont aussi, en moyenne, mieux payés que dans d'autres secteurs. Le salaire net horaire de la filière s’établit à 13,5 euros, au même niveau que la moyenne régionale. L’industrie du papier et du carton affiche des salaires plus élevés (15,1 euros), en lien avec une proportion de cadres plus importante et un personnel plus âgé.

À l’inverse, les salaires sont plus faibles dans la fabrication d’objets divers en bois (11,5 euros), le sciage et travail du bois (11,6 euros) et la construction en bois (11,7 euros), ce qui s’explique en partie par le fait que les salariés y sont plus jeunes et plus souvent ouvriers.

DS Smith à Trois-Rivières, acteur majeur de la filière papier/ carton

Le site samarien de l’entreprise britannique est à la fois fabriquant de papiers et de cartons. Touché par la crise Covid, il doit maintenant faire face à la hausse du coût de l’énergie et des matières premières.

L’onduleuse, longue de 100 mètres, permet de fabriquer le carton. (c)Aletheia Press/ E. Castel)

Le site de papeterie-cartonnerie DS Smith de Trois-Rivières, 240 salariés, s’étale sur 30 000 mètres carrés de superficie et fabrique 136 millions de mètres carrés d’emballage carton chaque année. L’usine se divise en plusieurs parties. La papeterie d’abord, où sont broyés les cartons et papiers à recycler provenant des sites des Hauts-de-France, Véolia, Paprec notamment, et des collectivités locales. Première difficulté pour l’usine : l’approvisionnement de ce carton dit brun.

« Il y a une pénurie, chez les sites de triage notamment, indique Vincent Desormeaux, responsable de production papeterie, à la fin du printemps. J’ai dû aller en chercher hors de ma zone. Le prix a forcément augmenté, et on doit faire face à la concurrence notamment de l’Indonésie qui en rachète de plus en plus. »

Le prix du gaz naturel s'est envolé dans l'usine depuis le début de la guerre en Ukraine. (c)Aletheia Press/ E. Castel

La moitié du papier produit à Trois-Rivières est ensuite envoyé à quelques mètres de là, dans la cartonnerie, où une onduleuse de 100 mètres de long, fabrique le carton. Celui-ci est ensuite découpé, collé, imprimé, et les emballages sont destinés à 65% pour l’agro-alimentaire, dont le client principal est le fournisseur en boulangerie industrielle Menissez et à 35% pour l’industrie.

Deuxième difficulté : l’augmentation du prix de l’énergie. L’usine est très gourmande en vapeur, produite par des chaudières au gaz naturel dont le prix a explosé. « On est obligé de le répercuter sur nos clients », avoue Vincent Desormeaux. Enfin, la hausse du prix des matières premières est également problématique, « comme l’additif qui est l’amidon, en rupture, ou les produits chimiques qui flambent, si bien qu’il y a une réflexion menée dans le secteur pour faire du papier sans additif. »

Emma Castel