L’innovation ne connaît pas de frontières

Capitalisant sur l’apport des nouvelles technologies, les banques multiplient les innovations dans le domaine du financement du commerce international, dit "trade finance". Destinées aux entreprises, ces nouveautés contribuent notamment à simplifier la souscription et le suivi de produits financiers nécessaires à la réalisation de transactions commerciales transfrontalières.


Anne-Cécile Delas, responsable monde Global Trade chez Natixis CIB.
Anne-Cécile Delas, responsable monde Global Trade chez Natixis CIB.

Dans le sillage d’un second semestre 2022 marqué par une décélération des volumes d’échanges commerciaux, la croissance du commerce international devrait s’inscrire en « net ralentissement en 2023 dans une économie mondiale soumise à de fortes turbulences », a récemment prévenu l’Organisation mondiale du commerce. Malgré ces perspectives moins porteuses, la dynamique d’innovations qui déferlent sur l’industrie du financement du commerce international (trade finance) ne devrait pas connaître de répit. Fin janvier, la Banque mondiale a en effet rappelé « travailler avec les États à l’intégration de solutions innovantes destinées à améliorer le fonctionnement du commerce international ». Quant aux institutions financières, elles confirment également continuer de réfléchir à de nombreux projets de cette nature.

L’impact de la crise sanitaire

Cherchant à simplifier les démarches des entreprises en quête d’instruments financiers pour boucler leurs transactions commerciales transfrontalières, les banques ont déjà multiplié, au cours des dernières années, les initiatives : lancement par BNP Paribas, HSBC et d’autres partenaires d’une plateforme permettant de suivre et d’animer en quasi instantané les différentes étapes d’un crédit documentaire ; déploiement par Société Générale, le Crédit agricole et d’autres établissements bancaires d’une autre plateforme dédiée à la vérification de l’identité clients et à la mise en place de lettres de crédit digitales, etc. « Sous l’effet de la crise sanitaire, qui avait mis en exergue la nécessité de pouvoir réaliser des opérations à distance, l’accent a été renforcé sur la digitalisation », souligne Anne-Cécile Delas, responsable monde Global Trade chez Natixis CIB.

Accélération de la digitalisation

Les développements technologiques en cours et à venir visent, avant tout, à accélérer le traitement des demandes des clients, renforcer la sécurité afférente à ces opérations et améliorer leur suivi. « Ils concernent particulièrement le négoce de matières premières et la gestion des garanties internationales et des lettres de crédit », précise Karine Audoux, Head of Digital Customer Solutions chez Natixis CIB. Déterminantes en matière de trade finance, les garanties internationales correspondent à l’engagement par lequel une banque garantit l'indemnisation d'un bénéficiaire en cas de non-respect des obligations de son partenaire, tandis que les lettres de crédit (aussi dénommées crédits documentaires, ou Credocs) constituent une garantie de règlement d’un vendeur. Elles sont souscrites par l’entreprise acheteuse de marchandises auprès de sa banque. En dépit de ces nouveautés, les transactions sur papier restent la norme dans le commerce international, ce qui, comme l’a rappelé le G7 récemment, est « source de coûts, de retards, d’inefficacités, de fraudes, d’erreurs et d’impacts sur l’environnement ». C’est pourquoi les efforts devraient être intensifiés dans les prochains mois, notamment de la part des acteurs français. « Depuis novembre 2022, Bercy a confié à un groupe de travail une mission d’études visant à transposer en droit français la Model Law on Electronic Transferable Records, [ndlr, en français la loi type sur les documents transférables électroniques], afin de substituer progressivement les documents papier qui sclérosent les flux du commerce international, par des équivalents digitaux, ayant même force et valeur juridique. Ceci, afin d’accélérer les échanges commerciaux », constate Karine Audoux. Pour les entreprises, les économies à la clé seraient substantielles. Le cabinet de conseil McKinsey a par exemple évalué le gain relatif à la dématérialisation des "connaissements" (bon de chargement remis par un transporteur maritime à l'expéditeur de marchandise) à près de 6,5 milliards de dollars dans le monde.

En parallèle des évolutions digitales, les autres innovations du moment ont trait à la RSE et reposent sur l’intégration, au sein des contrats de crédits mis en place, de critères de nature sociale et environnementale. Sous réserve du respect d’engagements pré-déterminés, l’entreprise peut voir son coût de financement évoluer marginalement à la baisse.

Le bilan contrasté de la blockchain

Développée depuis 2008, la blockchain constitue, d’après le ministre de l’Économie, « une technologie qui permet de garder la trace d'un ensemble de transactions, de manière décentralisée, sécurisée et transparente, sous forme d'une chaîne de blocs ». Autrement dit, il s’agit d’une grande base de données, aussi appelée registre, qui est partagée simultanément avec tous ses utilisateurs dont chacun a la capacité d’y inscrire des données. Ces dernières sont réputées traçables et inaltérables. Convaincues que cette technologie est de nature à simplifier et sécuriser le traitement d’opérations financières, les banques internationales s’y intéressent depuis plusieurs années. « Au cours des sept dernières années, de nombreuses expérimentations ont été menées dans le domaine de la trade finance, rappelle Anne-Cécile Delas. Beaucoup de ces tests ont débouché sur des résultats prometteurs », poursuit la banquière. Pour autant, le déploiement de ces solutions à grande échelle s’est souvent révélé difficile, ce qui a amené de nombreux établissements financiers à élargir leurs réflexions stratégiques vers d’autres technologies.