La Banque de France Hauts-de-France dresse le bilan de l'économie régionale

La Banque de France Hauts-de-France a présenté courant septembre les résultats de l'étude portant sur plus de 17 000 bilans d’entreprises régionales en 2021, ainsi que les résultats de l'enquête de mi-année 2022, "Quelles perspectives pour fin 2022 ?".

Sur les premiers mois de l’année, l'industrie régionale a plutôt bien résisté mais l’activité est depuis août à la baisse. (c)AdobeStock
Sur les premiers mois de l’année, l'industrie régionale a plutôt bien résisté mais l’activité est depuis août à la baisse. (c)AdobeStock

C’est le tableau d’une économie mondiale en dents de scie qu’a présenté Carine Jupin, directrice régionale Hauts-de-France de la Banque de France : après la baisse liée au Covid-19 et un rebond en 2021, la guerre russo-ukrainienne l’a faite replonger, avec comme conséquences dans la zone euro de gros problèmes d’approvisionnement, et la question brûlante de l’énergie.

« Depuis l’été, on sent un ralentissement de l’activité, plus particulièrement marqué au Japon, au Royaume-Uni et en Chine », note Carine Jupin qui a évoqué le prix du baril passé de 25 dollars en 2020 à quasiment 120 dollars suite à la surchauffe de l’économie, pour redescendre, depuis cet été à 90/ 95 dollars. « Une stabilisation du prix lié à la récession économique et à l’annonce des pays de l’Opep de réduire de 100 000 barils leur production journalière », observe la directrice régionale Hauts-de-France de la Banque de France.

Rebond d’incertitude des entreprises

Un yo-yo économique qui a engendré l’inflation que l’on connaît : en août dernier, elle a augmenté de 6,5% en France, selon l’indice Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), un niveau certes trop élevé mais néanmoins le plus bas de la zone euro (dont la moyenne est de +9,1%) grâce notamment au fameux bouclier fiscal.

« Cette inflation initialement liée au prix de l’énergie s’est élargie depuis la fin du deuxième trimestre à l’ensemble des secteurs, l’inflation sous-jacente [ndlr, hors énergie et alimentation] a augmenté de 4,1% dans notre pays, d’où la décision forte de politique monétaire prise en septembre par les gouverneurs des banques centrales, qui s’est traduite par une hausse de l’ensemble des taux directeurs de 0,75 point de base, faisant suite à celle de juin, de 25 points de base », commente Carine Jupin. Si la prévision de croissance du PIB de la zone euro pour 2022 (3,1%) a été revue à la hausse (de +0,3%), celles de 2023 et 2024 ont elles été revues à la baisse (de -1,2% et de -0,2%, avec des prévisions initiales de 0,9% et 1,9 %).

La prévision de croissance du PIB de la zone euro a été revue à la baisse pour 2023 et 2024. (c)AdobeStock

« Nous avons constaté chez les 8 000 dirigeants interrogés tous les mois par la Banque de France un rebond d’incertitude depuis l’été, notamment pour ceux qui évoluent dans l’industrie », poursuit Carine Jupin. Une incertitude liée au prix de l’énergie, à la demande et aux difficultés d’approvisionnement.

Si la résilience de l’économie française est meilleure que prévu pour une grande partie de cette année (avec un PIB réel de 2,6%), un ralentissement est attendu en 2023 (de -0,5% à +0,8% en fonction des prix de l’énergie) avant le rebond en 2024 (1,8% et une inflation de 2,7%, contre 5,8% cette année et de 4,2 à 6,9% en 2023) selon le scénario principal de la Banque de France. « Le taux de marge pour les entreprises qui s’établit en France à 34%, sera de 32% selon les prévisions en 2024 », relève la directrice régionale de la Banque de France.

Grâce aux mesures prises par le Gouvernement, la baisse du pouvoir d’achat des ménages dans l’Hexagone est plus faible que dans les autres pays de la zone euro, avec comme conséquence un taux d’endettement de la France plus élevé (un peu plus de 110%, contre 90% en moyenne dans la zone euro, et "seulement" 69% en Allemagne).

Des services marchands qui dopent l’économie régionale

Après ce tour d’horizon global, Carine Jupin s’est attachée à décrypter la situation des entreprises des Hauts-de-France. « Nous interrogeons chaque mois environ 800 d’entre elles, relevant des secteurs de l’industrie, des services marchands et du bâtiment. Pour l’industrie, l’activité était à la baisse en août, sur les premiers mois de l’année, le secteur a plutôt bien résisté mais l’activité est également à la baisse en ce mois de septembre. Les services marchands dopent eux notre économie régionale, avec une progression de l’activité, y compris cet été, et des prévisions positives. Le bâtiment a lui aussi connu un ralentissement cet été, qui se prolonge à cette rentrée, notamment dans le second œuvre », analyse-t-elle.

Carine Jupin a ensuite dévoilé les résultats de l'étude pourtant sur 17 394 bilans (de 2021) d’entreprises régionales réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 euros. « Leur chiffre d’affaires a progressé en 2021 de 9%, contre une baisse de 4,3% en 2020, l’export a de son côté connu une hausse de 11% (-8,4% en 2020) », détaille la directrice régionale. C’est dans l’industrie que le CA a le plus progressé (+15%), vient ensuite le BTP (+12,7%), les services (+9,1%), et le commerce (+6,1%).

Les marges ont elles aussi suivi cette courbe ascendante, avec un taux de marge brute d’exploitation de 6,5% toutes entreprises confondues (contre 5,8% en 2020), de 7,4% pour les PME (6,5% l’année précédente et 6,4% en 2019). Le taux de marge brute est le plus conséquent dans les services : 15%, contre 14% les deux années précédentes.

Recul de la part d’endettement

La part de l’endettement est elle en nette diminution, elle est passée pour l’ensemble des entreprises de 80,3% en 2020 à 74,4% l’an passé, de 62,9% à 57,5% pour les PME et de 85,7% à 79,7% pour les Entreprises de taille intermédiaire (ETI)-grandes entreprises. « Ce sont plutôt les fonds propres qui progressent, ce qui est lié aux bons résultats financiers des entreprises des précédentes années », précise Carine Jupin. Même orientation positive pour l’apurement de la dette des entreprises : en 2020, 59% d’entre elles étaient en capacité de rembourser en trois ans et demi ou moins, contre 64% à pouvoir le faire en 2021.

« La part d’entreprises en capacité de rembourser en plus de sept ans a diminué de 5%, passant de 28% à 23% entre 2020 et 2021, ce qui montre qu’elles sont aujourd’hui plus solides et plus rentables », continue Carine Jupin. Corollaire de la croissance d’activité : la hausse générale des effectifs (+3,2%), particulièrement marquée dans les grandes entreprises (+3,9%) et le commerce (+5%).

La filière bois/ papier/ imprimerie des Hauts-de-France prévoit une croissance de son chiffre d'affaires de 18,4% pour fin 2022. (c)AdobeStock

Les prévisions sont elles aussi favorables : +5,6% de chiffre d’affaires à fin 2022 prévus pour l’industrie régionale (+18,4% pour le secteur bois/ papier/ imprimerie), avec une hausse des effectifs estimée à 1% (+4,4% dans le textile/ habillement/ chaussures et +3,8% dans la métallurgie). Côté rentabilité, 18% des entreprises s’orientent vers une amélioration, 26% vers une dégradation et 54% vers la stabilité pour fin 2022. Un peu plus d’une entreprise sur deux (53%) estiment que leurs investissements seront stables cette année, 19% les orientent à la baisse et 26% à la hausse.

Les services marchands (hors hébergement et restauration) tablent eux sur une progression de l’activité de 6,7% (+13,9% pour l’information/ communication), et de 3,5% pour les effectifs, 60% des entreprises du secteur tablant sur une stabilité de leur rentabilité et de leurs investissements. Dans la construction, l’évolution du chiffre d’affaires est de 4,4% (avec un grand écart entre le bâtiment, +2%, et les Travaux publics, 12,5%), celle des effectifs est en baisse (-1,5%, avec -2,1% pour le bâtiment) et 65% des entreprises du secteur estiment que leur rentabilité sera stable. Un tableau régional plutôt rassurant, malgré un contexte économique qui l’est un peu moins…