La crise va-t-elle bouleverser les habitudes de consommation ?

Après la pandémie qui a ancré le numérique dans les habitudes de consommation des Français, l’inflation devrait favoriser économie circulaire et utilisation de facilités de paiement, une tendance encore renforcée par l’effet générationnel, d’après l’Échangeur BNP Paribas.


(c) Adobe Stock
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Crise après crise, les habitudes de consommation se transforment. Fin septembre, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), l’Échangeur BNP Paribas présentait l’édition 2022 de son étude Kantar, consacrée au sujet, et menée en janvier dernier. À cette date, les Français étaient nombreux à planifier des projets d’achat importants : 46% d’entre eux envisageaient d’acquérir une voiture neuve ou d’occasion, du matériel électronique (18%), du mobilier (13%). Par ailleurs, 30 % d’entre eux déclaraient avoir un projet de rénovation, soit trois points de plus qu’avant la pandémie. Chez les familles aisées, ce taux grimpait à 41%. Au programme : salle de bains ou cuisine, efficacité énergétique, aménagements extérieurs…

Neuf mois plus tard, la perspective de la sortie de la pandémie a laissé place à un contexte de crise géopolitique majeur et à l’inflation. Que reste-t-il de ces projets ? « On ne le mesure pas avec précision, mais il est clair qu’une partie des Français, surtout les plus fragiles économiquement, vont reporter des projets d’achat. En revanche, nous sommes persuadés que l’impact de la crise sera moindre sur les intentions de rénovation. En effet, les ménages aisés sont sur-représentés parmi ceux qui avaient des projets. Il est possible que certains revoient l’envergure de leurs projets, mais la majorité devraient les maintenir », explique Caroline Veyret Prudhon, responsable des études sur les consommateurs à l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance.

La structure des dépenses des Français, fournie par l’étude, explique l’impact potentiellement différencié de la crise actuelle sur la consommation des ménages, selon leur niveau de revenus. La clé : le poids relatif des dépenses contraintes d’un ménage (loyer, impôts, crédits, assurances et dépenses pré-engagées, comme Internet et chaînes payantes) dans son budget. En moyenne, ces frais accaparent 61% du total. Le reste se répartit entre épargne (10%) et « reste à vivre » (29%). Mais la part des dépenses contraintes n’a cessé de croître au fils des ans, et elle est d’autant plus importante que le foyer est modeste. Ainsi, pour les 36% des Français qui disposent d’un revenu mensuel inférieur à 2 100 euros mensuels, leur part grimpe jusqu’à 67% du budget, contre 54% pour ceux dont le revenu dépasse les 4 000 euros. Autant dire que dans le contexte d’inflation actuel, les premiers seront davantage obligés de puiser dans leur épargne et risquent de reporter ou renoncer à leurs achats. Les seconds conservent une plus grande marge de manœuvre.

Le tiers des internautes utilisent des facilités de paiement

Par ailleurs, les contraintes nouvelles qui pèsent sur le budget des Français pourraient bien booster des tendances de consommation déjà observées en début d’année par Kantar. À commencer par l’engouement pour les solutions de paiement différé. Cette très vieille pratique a aujourd’hui trouvé sa traduction numérique. Déjà, d’après l’étude, un tiers des internautes ont utilisé cette possibilité. Le paiement en plusieurs fois est privilégié (split payment), suivi du report de paiement (buy now, pay later). Et le profil des utilisateurs laisse présager un développement ultérieur de ces pratiques. En effet, 51 % des jeunes les ont adoptées. Mais au-delà du clivage générationnel, « c’est l’usage qui détermine l’utilisation ou non de ces solutions de paiement. 42 % de ceux qui achètent au moins une fois par mois sur Internet s’en servent, contre 19 % de ceux qui achètent moins d’une fois par mois. Ces modes de paiement séduisent avant tout les clients qui ont une fréquence d’achat importante », note Caroline Veyret Prudhon.

Autre tendance déjà forte et qui devrait se déployer encore plus dans le contexte de crise, celle concernant l’économie circulaire. De nombreux Français la pratiquent et là aussi, les jeunes sont particulièrement actifs. « Le marché de l’occasion constitue une tendance clé », analyse Matthieu Jolly, responsable services & Innovation à l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance. 60% des français achètent d’occasion ou revendent, un taux qui grimpe à 71 % chez les moins de 45 ans. Et si 18% seulement des Français achètent des produits reconditionnés, ce score plutôt bas tient à la faiblesse de l’offre.

Autres signes du potentiel de ces nouvelles pratiques, le tiers des détenteurs d’une voiture est prêt à la mettre en location quelques jours par mois, pour réaliser des économies, un score qui grimpe à 59% chez les jeunes. Et près du quart des Français est partant pour louer des équipements hors automobile, un taux qui a augmenté de 5% avec la pandémie. Là aussi, l’effet générationnel est net : le score monte à 47% des 18 à 29 ans, en progression de 12% par rapport à 2020