Visite d'entreprise

La dernière clouterie d’Europe est à Creil

Créée en 1888 et installée au 6, rue des Usines à Creil, la Clouterie Rivierre a connu un destin incroyable. Ses métiers à clous datant de 1891 à 1925, sont toujours en activité.

Un pointeur réalise des réglages. (© Aletheia Press / L. Brémont)
Un pointeur réalise des réglages. (© Aletheia Press / L. Brémont)

« Ça ne vaut pas un clou ! » est une expression que vous rayerez de votre vocabulaire après une visite à la Clouterie Rivierre, installée 6, rue des Usines, en face de la gare de Creil. L’histoire de l’entreprise, fondée en 1888 par le Vendéen Théodore Rivierre, est marquée par une capacité d’innovation et d’adaptation qui explique sa longévité.

Des semences aux clous forgés

« Nous sommes la dernière clouterie d’Europe », explique Justine Fantoni, chargée de communication et du tourisme industriel au sein de l’entreprise. Tous les mercredis, elle emmène les visiteurs dans un voyage étonnant. La jeune femme dévoile, à cette occasion, quelques-unes des 2 800 références produites sur place. On découvre ainsi les semences, petits clous à tige pyramidale utilisés par les cordonniers et les tapissiers, les pointes à tige ronde et les clous forgés déclinés en une infinité de variétés.

« Nous sommes les seuls au monde à produire industriellement des clous forgés qui ont une tige carrée pyramidale, souligne la guide. Ils sont utilisés dans la restauration des monuments historiques. » Plus tard, elle fait découvrir une semence en acier bleui. « Ils passent dans un four à 700°C durant une dizaine de minutes, c’est ce qui leur donne cette teinte. » Ce traitement thermique joue un rôle de désinfectant pour ces clous mis dans la bouche par le tapissier qui doit garder les mains libres.

Des métiers à clous datant de 1891

La clouterie, labellisée Entreprise du patrimoine vivant, travaille dans le secteur du luxe, pour des grandes marques de la maroquinerie. « Le degré de précision demandé est extraordinaire, souligne Justine Fantoni. Nous le respectons alors que nos machines ont été fabriquées entre 1891 et 1925. » Cela semble incroyable et pourtant l’atelier, qui regroupe un peu plus de 300 machines utilisées par une trentaine d’employés, ne compte pas d’équipements récents.

Clous annelés, forgés, semence en acier bleui… l’usine produit 2 800 références. ©Aletheia Press/ L. Brémont

Lors de la création de son entreprise, Théodore Rivierre s’appuie sur l’invention de Maurice Gangnat, ingénieur des Arts et Métiers. Lequel avait déposé un brevet en 1887 pour fabriquer des clous avec du fil au lieu de plaques de métal. Des machines voient le jour et sont fondues sur place dans des moules en bois détruits lors du processus de fabrication. Le gain de productivité fait le succès du projet.

En 1900, Théodore Rivierre décède. Marie Rivierre, à seulement 27 ans, prend la suite de son mari et fait prospérer l’entreprise. À cette époque, 400 ouvriers travaillent sur 1 000 machines. Les bombardements de la Seconde Guerre mondiale causeront la destruction d’une partie du parc matériel. Au cours des années, la production de semences laisse place à des produits sur-mesure à haute valeur ajoutée.

Pas de code barre, mais une vente en ligne

Pour les créations de pièces et les réparations, l’entreprise s’appuie sur le savoir-faire de ses employés. « Un pointier devient autonome au bout de deux à trois ans de formation. Il passe la moitié de son temps à faire des réglages, poursuit la guide. Après une nuit chaude, tout peut être à recommencer le lendemain matin. » Côté emballage, rien n’a changé avec les cartouches en papier, tenues par une petite ficelle, faites à la main. L’étiquette au lion rouge ou bleu ne comporte pas de code barre. Pour autant, la clouterie vit avec son temps et possède, depuis 2013, son site Internet de vente.

Les emballages traditionnels. (© Aletheia Press /L. Brémont)

Depuis les années 2000, après son rachat par Luc Kemp, l’actuel dirigeant, l’usine connaît un nouvel essor. Un service commercial est mis en place, les particuliers sont ciblés avec des conditionnements plus petits. « Aujourd’hui, 70 à 80% de la production part à l’étranger », précise Justine Fantoni.

Par ailleurs, le dirigeant déploie des synergies entre les entreprises de son groupe. C’est le cas avec Sodiamex qui produit des gaines souples pour le transport de fluides gazeux. La Clouterie fournit certains fils en métal qui entourent les gaines. Les deux entreprises ont été particulièrement sollicitées en 2020 pour fournir des tubes pour les machines à assistance respiratoire. « Vous savez, cela représente deux ans de recherche », glisse Justine Fantoni, alors que la visite s’achève. À cheval entre tradition et modernité, la Clouterie poursuit son chemin singulier.

Des visites tous les mercredis

Des visites individuelles, d’une durée d’une heure et demie, sont organisées tous les mercredis après-midi à 14 heures. Accueil des groupes sur rendez-vous. 12 euros par adulte/ 6 euros par enfant, contact au 07.69.85.69.60, tourisme@clous-rvierre.fr,www.clous-rivierre.fr.