Environnement

La fin des voitures thermiques neuves : illusion ou désillusion ?

La Commission européenne a présenté son paquet climat, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici à 2030. Parmi les mesures annoncées, la fin des ventes de voitures thermiques neuves en 2035…

(c)Adobestock
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Pour donner corps à ses objectifs écologiques, la Commission européenne a frappé fort : augmentation de la part des biocarburants ; taxe kérosène dans l’aérien ; intégration des plus gros navires dans le système de quotas d’émission de CO2 ; mise en place, dès 2026, d’un deuxième système de quotas pour le transport routier et le chauffage des bâtiments . Et aussi développer l’éolien, le solaire et la biomasse, afin d’atteindre 32% d’énergies renouvelables en 2030 ; mettre en place un prélèvement aux frontières de l’Union européenne (UE) pour lutter contre le dumping écologique… et même, la fin des ventes de voitures neuves à moteur thermique en 2035, au lieu de 2040 !

Le marché des véhicules électrifiés en plein essor

Durement touchée par la crise sanitaire, la filière automobile a vu ses ventes mondiales chuter de 16 % en 2020, avec de fortes disparités régionales : -10 % en Asie, -20 % en Amérique du Nord, -21% en Europe et -30 % en Amérique du Sud. Mais partout, le marché des véhicules électrifiés (100% batteries et hybrides rechargeables) est en très forte progression depuis quelques années, surtout les hybrides du reste. Au sein de l’Union européenne (UE), les modèles 100% électriques les plus vendus sont la Renault Zoe, la Tesla Model 3 et la Volkswagen ID.3, tandis que pour les hybrides, le classement de tête est occupé par la Mercedes Classe A et le Mitsubishi Outlander. Et certains pays ont visiblement pris de l’avance sur l’agenda vert de Bruxelles, puisque 40% des voitures électrifiées vendues en Europe en 2020 l’ont été en Allemagne. Mais les véhicules à essence, certes en recul, se taillent encore une part de lion…

À la recherche de l’écosystème électrique

Après le scandale du dieselgate, lié à l’utilisation de techniques visant à réduire frauduleusement les émissions polluantes des moteurs diesel, lors des essais d’homologation, la filière automobile européenne a cherché à redorer son blason avec les véhicules électrifiés. Cependant, ceux-ci ont souvent été pensés comme une simple gamme secondaire adjointe à la gamme thermique, d’où la course effrénée pour tenter de rattraper le retard à l’allumage. Renault et Stellantis (groupe né de la fusion de PSA et Fiat Chrysler) évoquent désormais des objectifs très ambitieux de ventes de véhicules électrifiés en Europe, respectivement 90% et 70% en 2030 ! Or, c’est désormais tout un écosystème du véhicule électrifié qu’il faut maîtriser pour espérer écouler son stock. En effet, au-delà de l’automobile, il demeure d’épineuses questions comme l’origine des batteries et la localisation des bornes de rechargement. Certes, un pôle européen des batteries s’est installé dans les Hauts-de-France, mais l’Asie a pris énormément d’avance sur la décennie écoulée, au point que six entreprises asiatiques dominent 90 % de la production !

Quant au nombre de prises publiques de rechargement en Europe, on en dénombre environ 230 000, concentrées à 70% entre les Pays-Bas, l’Allemagne et la France. Mais, 15% de celles-ci, tout au plus, offrent une charge rapide. D’où ce constat, en forme de réquisitoire de la part de la Cour des comptes européenne : « malgré plusieurs réussites comme l’émergence d’une prise standard commune au niveau de l’UE et l’amélioration des conditions d’accès aux différents réseaux de recharge, parcourir l’UE au volant d’un véhicule électrique reste compliqué ». Le million de bornes publiques au sein de l’UE en 2025 reste par conséquent un objectif ambitieux, et les particuliers devront donc aussi compter sur les bornes disponibles dans les lieux privés, probablement payantes. Et qu’en est-il de l’origine de l’énergie électrique et de son coût au moment où il est question de rééquilibrer le mix énergétique entre nucléaire et renouvelable ?

L’emploi en péril

L’abandon du véhicule thermique devrait s’accompagner d’une chute importante de l’emploi. En France, un rapport publié le 30 juin dernier par la Fondation Nicolas-Hulot (FNH) et la CFDT-Métallurgie conclut que la fabrication des moteurs électrifiés requiert 60 % de main-d’œuvre en moins qu’un moteur diesel et 40% en moins qu’un moteur à essence. Sont alors évoqués des gisements d’emplois potentiels dans la transformation des véhicules thermiques en électriques (Rétrofit) et le recyclage de véhicules et de batteries. Mais ces emplois seront-ils créés en France ? Suffiront-ils à compenser les pertes d’emplois, qui risquent fort d’être plus rapides que les créations ?

En tout état de cause, gageons qu’une telle révolution dans l’automobile ne s’accompagnera pas de désillusions, d’autant que le coût d’achat restera encore longtemps prohibitif pour de nombreux ménages…