La Médiation des entreprises, toujours plus indispensable

Exception française, la Médiation des entreprises travaille à promouvoir des relations plus coopératives entre les acteurs économiques depuis 12 ans. Avec une batterie de mesures et des missions toujours plus étendues : médiation entre deux entreprises, démarches de filière, label fournisseurs et achats responsables...

(c)Adobestock
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« Personne n'a intérêt à laisser tomber ses clients et ses fournisseurs », prévient Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises, qui plaide pour la « solidarité économique » entre acteurs. Le message est simple : aucune entreprise ne pourra s'en sortir seule, si l'écosystème auquel elle appartient est dévasté. Fin mars, à Bercy, lors d'une conférence de presse, Pierre Pelouzet faisait le point sur l'actualité de la Médiation et un retour sur les douze ans d'exercice de la structure. Celle-ci, rattachée au ministère de l’Économie, a pour mission principale de jouer les intermédiaires entre les entreprises qui ont un différent, afin de les aider à trouver une solution à l'amiable, dans le cadre d'une démarche gratuite et confidentielle.

Depuis la pandémie, et aujourd'hui encore, la Médiation a pris une importance croissante. Sur le territoire, elle compte 90 médiateurs (fonctionnaires et bénévoles). Pour l'essentiel, ce sont des PME et des TPE qui s'adressent à elle. Aujourd'hui, c'est souvent parce qu'elles sont prises en étau entre des fournisseurs qui augmentent démesurément leurs prix et délais et des clients qui refusent de déroger aux conditions de prix fixes prévues par les contrats... La guerre en Ukraine exacerbe des tensions qui avait déjà commencé à se développer, fruit de la reprise économique et des fortes augmentations de prix des matières premières. Cette situation a conduit la Médiation à développer ses démarches de « médiation de filière », déjà mises en œuvre depuis plusieurs années, notamment dans la filière bois, ferroviaire, ou ingénierie. Depuis l'automne 2020, automobile et aéronautique font l'objet d'un accompagnement spécifique. Et depuis 2021, cosmétique, nucléaire et électronique ont rejoint la liste.

Dans tous les cas, il s'agit pour la Médiation de réunir tous les acteurs de la filière, de mettre en place des dispositifs pour aider à résoudre les différents, de promouvoir les bonnes pratiques, et aussi d'identifier et interpeller « ceux qui ne jouent pas le jeu », explique Pierre Pelouzet. Par exemple, dans le secteur du BTP, un comité a été mis en place, en juin 2021, pour apaiser les différents nés des tensions sur les approvisionnements. « Il a fallu négocier car tous les chantiers se retrouvaient en perte (...). Certains ont joué la solidarité, mais ce n'est pas la règle générale », témoigne Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). Pour lui, il existe bien un « effet d'aubaine » : certains fournisseurs profitent de la situation pour augmenter leurs prix bien au delà des hausses qu'ils subissent eux-mêmes. Et la Médiation a permis de résoudre des cas « emblématiques », impliquant de « très grosses sociétés », souligne Olivier Salleron. François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), va dans le même sens, qui constate des « augmentations intempestives de prix que l'on a du mal à expliquer » et l'utilité de la démarche de la Médiation.

Un champ sans cesse élargi

En plus de ses actions de filière, en 2021, la Médiation a traité 3 250 sollicitations d'intervention. « La tension reste importante entre les acteurs économiques », note Pierre Pelouzet. Les chiffres sont toutefois descendus par rapport à l'an dernier, où un pic avait été atteint avec 6 075 demandes. Mais si le volume est en baisse, il reste trois fois plus important qu'en 2019. En 2021, près de la moitié des demandes ont porté sur les mesures de soutien financier liées à la crise. Et concernant les médiations proprement dites, 2 025 ont été réalisées en 2021, contre 3 538 en 2020 et 1 342 en 2019.

Au delà de la forte croissance des demandes, 2020 est « une année inédite par rapport aux sujets traités », note Nicolas Mohr, Directeur général de la Médiation des entreprises. Nouveauté, la problématique des baux commerciaux a concerné 11% des demandes, un chiffre resté quasiment stable en 2021. Toutefois, les conditions de paiement (des retards, souvent), demeurent le premier motif de saisine (47% des cas). Par ailleurs, le caractère exceptionnel de la situation a conduit la Médiation à évoluer dans ses pratiques, comme la mise en place d'un comité de crise, avec l'ensemble des acteurs économiques, en mars 2020. Objectif : au delà de la médiation entre entreprises, il s'agissait de repérer les grands donneurs d'ordre dont le comportement pouvait se répercuter sur de nombreux fournisseurs ou prestataires, allant jusqu'à mettre en danger leur existence. Une quarantaine de cas ont été traités, d'après la Médiation. En parallèle, celle-ci a mis en lumière 16 cas « exemplaires », des entreprises ayant mis en place des procédures comme des paiements accélérés de leur fournisseurs.

Une action qui s'inscrit dans l'autre démarche de la Médiation : encourager les « changements de comportement », explique le Médiateur. Lequel porte une démarche de promotion des achats responsables, via une charte et un label Relations fournisseurs et achats responsables, ainsi qu'un « parcours » destiné à aider les entreprises à aller de l'un à l'autre. Ce dernier débute par un « auto diagnostic » (gratuit) qui permet de mesurer le niveau de maturité de l'entreprise sur ce sujet.

Née dans le cadre de la crise financière de 2008, la Médiation des entreprises a progressivement élargi son champ et ses outils : elle a inclus les différents avec les acheteurs publics, avec les administrations, des médiations qui ne concernent plus seulement deux acteurs mais plusieurs, l'encouragement et la structuration des achats responsables... Cette année, une nouvelle mission lui a été confiée par le gouvernement : intervenir entre distributeurs et industriels en ce qui concerne les produits non alimentaires, dont les négociations ne sont pas incluses dans la loi EGALIM, afin d'apporter de l'équilibre entre grands clients et fournisseurs.