LA RÉFORME SUSCITE LA CONTROVERSE

LA RÉFORME SUSCITE LA CONTROVERSE

Le gouvernement a présenté les grands axes de sa réforme de la formation professionnelle : plus d’autonomie des salariés pour choisir leur formation, mais aussi un bouleversement de la gouvernance paritaire du dispositif, qui suscite de vives réactions chez les partenaires sociaux.

La liberté de choisir, je le pense, est une aspiration très forte », a déclaré Muriel Pénicaud, ministre du Travail, lors de la conférence de presse de présentation de la ré- forme professionnelle, le 5 mars, à Paris. Les salariés verront leur Compte personnel de formation (CPF) crédité de 500 euros par an, avec un plafond de 5 000 euros. Entreprises et branches pourront abonder ces montants. Pour les plus précaires, la réforme prévoit un crédit majoré : 800 euros, par an, pour les salariés non qualifiés avec un plafond de 8 000 euros. Et les salariés qui travaillent à temps partiel – à partir d’un mi-temps – bénéficieront des mêmes droits que ceux à plein temps. Par ailleurs, un CPF “de transition” est destiné aux salariés qui veulent entamer une formation longue : il permet d’obtenir un complément financier, après validation de leur projet par une commission paritaire. La réforme prévoit une modification importante dans l’accès à cette formation : les salariés pourront avoir gratuitement recours au Conseil en évolution professionnelle (CEP) – le dispositif existe déjà et sera vivifié – pour les aider à évaluer leurs compétences et définir leur projet, avant de se lancer. Mais ceux qui le souhaitent seront totalement autonomes dans leur démarche : une application mobile leur permettra d’accéder à leur CPF pour connaître le montant de leurs droits, mais aussi pour repérer les formations certifiantes ou qualifiantes dans la région, avec des informations comme leur taux d’insertion dans l’emploi ou encore des avis d’internautes ayant suivi ce cursus. Une fois son choix réalisé, le salarié pourra réserver et payer directement sa formation : en back-office, c’est la Caisse des dépôts et consignations qui fait office de trésorier du CPF.

LA GOUVERNANCE BOULEVERSÉE

Une nouvelle architecture de la gouvernance est dessinée : au niveau national, une agence unique, France compétences, composée de trois collèges – partenaires sociaux, État et régions – servira d’agence de régulation et de contrôle, remplaçant les structures paritaires existantes. Pour chaque grande filière, des opérateurs de compétences auront pour mission de définir des stratégies en matière de formation, et aussi, notamment, de financer les CFA. Pour mettre en place ces instances, le gouvernement n’attendra pas l’issue de la ré- forme des branches professionnelles entamée sous le précédent quinquennat, a prévenu la ministre du Travail. Quant aux prélèvements auprès des entreprises, – apprentissage et formation professionnelle -, ils seront fondus en un seul, opéré par l’Urssaf, en lieu et place des Organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). C’est peu dire que la réforme annoncée a suscité des réactions des partenaires sociaux. Sur le fond, le choix d’exprimer les CPF en euros et non en heures va contre leur choix exprimé dans l’Accord national interprofessionnel (ANI). Mais, surtout, c’est la nouvelle gouvernance qui est contestée. Côté patronal, dans leurs communiqués, le Medef a dénoncé des « bouleversements annoncés sans concertation », qui aboutissent à une « nationalisation » du système, quand la CPME a alerté sur le risque de « recréer une usine à gaz avec l’Urssaf d’un côté et les acteurs de la formation de l’autre ». Côté syndicats, où l’on s’inquiète aussi du sort des salariés des organismes paritaires, comme les OPCA, « on offre toute la formation professionnelle au marché », juge Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO chargé de l’emploi, dans le quotidien économique Les Échos, en date du 6 mars.

LA FORMATION PROFESSIONNELLE : PLUS DE 25 MILLIARDS D’EUROS

Pour Muriel Pénicaud, la formation professionnelle représente la « condition absolue de la performance individuelle et collective », rappelant que, sous l’impulsion du numérique et de la robotisation, la moitié des emplois que nous connaissons aujourd’hui devraient subir des transformations dans les dix ans à venir. D’après l’annexe du projet de loi de Finances pour 2018, la formation professionnelle – continue et apprentissage – pesait 24,9 milliards d’euros en 2015. Via leurs contributions, les entreprises y contribuent à hauteur de 7,7 milliards d’euros, soit environ 30% des montants, suivis des régions (4,6 milliards d’euros), et enfin de l’État et d’autres administrations et organismes, comme l’Unedic. Dans le cadre d’une réforme qui se veut équilibrée, le gouvernement a dé- marré le quinquennat par des ordonnances modifiant le Code du travail pour permettre plus de souplesse aux entreprises, puis, en novembre dernier, a ouvert trois chantiers destinés, en contrepartie, à donner plus de sécurité aux travailleurs, avec les réformes de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de l’assurance-chômage. Suite à la phase de négociations entre les partenaires sociaux conclue ce mois-ci, les trois sujets feront l’objet d’un projet de loi qui sera présenté en Conseil des ministres, fin avril. Au-delà des évolutions sur le fond, ces réformes marquent également une remise en cause de la gestion paritaire. Ensuite, en 2019, le gouvernement a prévu de réformer le système des retraites, également géré par les partenaires sociaux.