L’agriculture picarde : la mutation d’un géant

Lait, céréales, légumes, animaux, la région picarde réserve une large place au secteur agricole qui représente 5,8 % des actifs malgré la disparition de nombreuses exploitations ces dernières années. La Picardie est aujourd’hui la 10e région en matière de production agricole.

Lancé l’année dernière, le self fraises de Sommereux compte également de nombreux fruits et légumes.
Lancé l’année dernière, le self fraises de Sommereux compte également de nombreux fruits et légumes.

 

Lancé l’année dernière, le self fraises de Sommereux compte également de nombreux fruits et légumes.

Lancé l’année dernière, le self fraises de Sommereux compte également de nombreux fruits et légumes.

Si l’industrie reste le premier vecteur d’emplois et de ressources économiques en Picardie, l’agriculture représente tout de même 3,2 milliards de chiffre d’affaires en 2011, 29 000 emplois, et compte près de 14 000 exploitations. Avec 69 % de territoires agricoles, la Picardie produit également 4 % de la production nationale.

Une histoire de famille
« Mes parents se sont installés en 1946. Ils ont commencé avec six hectares et puis ils se sont agrandis progressivement. Je les ai rejoints en groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC). Lorsque que ma mère est partie en retraite, mon frère lui a succédé », explique Patrick Heu, agriculteur à Sommereux (Oise). L’exploitation compte aujourd’hui autour de 250 hectares et, comme dans 75% des cas, elle sera transmise à un membre de la famille. « Aujourd’hui je suis persuadé qu’il est presque impossible de s’installer si l’on ne vient pas d’une famille d’agriculteurs. On est en plein dans la course aux hectares et la terre coûte cher. »
S’il ne partage pas cet avis et estime que des solutions alternatives qui ne nécessitent pas de gros besoins fonciers existent, Marc Hossart, installé en 2004 dans la Somme, est néanmoins issu d’un milieu agricole et est aujourd’hui associé avec sa soeur. Les trois agriculteurs se rejoignent cependant sur un point : l’agriculture est avant tout un métier de passion. « Je n’ai jamais eu l’impression de travailler, chaque saison est différente. Ce métier, on le fait par amour et par conviction », commente Marc Hossart. Le jeune exploitant s’est tourné vers le syndicalisme agricole, il est aujourd’hui président des Jeunes agriculteurs de la Somme : « Je voulais m’investir encore plus pour faire avancer les choses et échanger sur les problématiques particulières liées à notre métier ».
Aujourd’hui, Marc Hossart et sa soeur comptent chacun 110 hectares où ils cultivent betteraves, maïs et céréales, ainsi qu’une cinquantaine de vaches laitières malgré la crise du secteur. « Le problème c’est que le lait coûte aujourd’hui 33 centimes le litre, il n’y a aucune évolution du prix depuis dix ans. Malgré tout, je reste persuadé qu’il y a de l’avenir dans ce secteur. » Si le lait a été longtemps une part importante de l’exploitation des frères Heu, l’activité a été stoppée l’année dernière. « J’ai plus de quarante ans de traite derrière moi. Notre successeur n’étant pas intéressé par l’exploitation laitière, nous avons décidé d’arrêter pour nous tourner vers le maraîchage qui ne nous était pas inconnu puisque nous avions déjà quelques hectares de fraises », commente Patrick Heu. Un changement d’orientation guidé également par une demande de plus en plus pressante des consommateurs comme l’explique Jean-Michel Heu : « Nous avons décidé de faire un self, où les gens viennent directement cueillir ce qu’ils souhaitent. C’était une attente et une demande du consommateur. Ils viennent sur place, rencontrent les producteurs et peuvent goûter les produits. D’un point de vue traçabilité on ne peut pas faire mieux. »

Evolution du métier
Installés depuis de nombreuses années, Patrick et Jean-Michel Heu ont assisté à l’évolution et à la mutation de leur métier. Si l’administratif est un poste de plus en plus lourd et contraignant pour les exploitants, les nouvelles technologies ont quant à elles apporté des outils utiles sur de nombreux points. L’introduction du guidage par GPS, par exemple, a permis d’ancrer durablement la pratique d’une agriculture raisonnée tout en optimisant sa production. « Ce système permet d’ajuster de façon très précise le taux d’engrais pour un champ. En plus d’un rendement optimal, cela permet de faire des économies et de produire mieux avec moins d’engrais », explique Patrick Heu. Les deux agriculteurs ont également décidé de gérer de bout en bout leur production et les gains qui en découlent: « Nous n’apportons plus la récolte à la coopérative. On regarde le cours du blé en ligne et on vend en fonction. »
« Aujourd’hui on s’adapte, on utilise les nouvelles technologies et ça modifie forcément notre métier, mais ça n’a rien d’exceptionnel. L’agriculture suit simplement les changements de la société, c’est une évolution normale », analyse Jean-Michel Heu.

L’incontournable Europe
Acteur incontournable du monde agricole, l’Europe et la Politique d’agriculture commune (PAC) sont ces temps-ci au coeur de l’actualité. Mise en place en 1962, la PAC est aujourd’hui le plus gros budget (43 %) de l’Union européenne. Le débat houleux autour du budget 2014-2020 inquiète de nombreux agriculteurs. Une union européenne régulièrement critiquée ou remise en question par le secteur agricole, mais tous trois demeurent malgré tout des pro-européens convaincus. Les frères Heu jugent en effet l’Europe indispensable quand Marc Hossart pointe son rôle prépondérant : « En matière d’agriculture, l’Europe joue un plus grand rôle que le gouvernement. » Avec un bémol cependant : « Il faut faire attention sur la question du libre-échange, cela peut entraîner une dérégulation du marché et impliquer l’arrivée de produits – OGM, animaux élevés aux hormones…- que l’on a toujours refusés. »