L’ambitieux projet européen de Macron

L’ambitieux projet européen de Macron

Au récent Conseil européen de Tallinn, Emmanuel Macron a cherché à imposer dans le débat ses idées ambitieuses pour l’Europe. Hélas, il faudra compter avec la résistance de certains partis allemands, qui refusent toute idée de budget commun de la zone euro…

Lors de son discours prononcé à la Sorbonne, le 26 septembre dernier, Emmanuel Macron a proposé un ensemble de mesures et projets ambitieux pour faire de l’Union européenne un ensemble plus intégré et démocratique. Ce discours enthousiaste a indubitablement marqué une rupture avec l’euroscepticisme ambiant, qui se manifeste entre autres, par de nombreuses velléités nationalistes et une politique ouvertement anti-migratoire au sein du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République Tchèque et Slovaquie).

LA CONVERGENCE FISCALE ET SOCIALE

Assez classiquement, le Président Macron a d’abord proposé de renforcer la coopération entre la France et l’Allemagne, quitte à signer un nouveau traité de l’Élysée, qui marquerait aussi la volonté de faire converger les règles applicables aux entreprises des deux pays d’ici à 2024. Plus généralement, il a réaffirmé la nécessité d’une convergence fiscale et sociale au sein de l’UE. Ce qui passerait, notamment, par une révision de la directive sur les travailleurs détachés, une harmonisation de l’impôt sur les sociétés et un conditionnement des fonds européens de cohésion, afin de lutter efficacement contre le dumping, ainsi que par la création d’un salaire minimum européen. En outre, Emmanuel Macron a affiché sa détermination à taxer plus efficacement les géants de l’ère numérique, en particulier les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), qui usent et abusent des montages d’optimisation fiscale afin d’échapper à l’impôt. Pour ce faire, il est question d’instaurer une nouvelle taxe spécifique basée sur le chiffre d’affaires (et non le bé- néfice) que ces multinationales réalisent dans les différentes États de l’UE. Il a également insisté sur l’importance de relancer la taxe sur les transactions financières européennes pour financer la politique d’aide publique au développement. D’autant que cet avatar de taxe Tobin attend dans les cartons depuis 2011, date à laquelle 11 pays de la zone euro ont lancé ce projet dans le cadre d’une « coopération renforcée », autorisée par le traité de Lisbonne. Mais faut-il rappeler que si cette taxe a perdu en substance à chaque réunion ministérielle, c’est d’abord parce que le gouvernement français freinait très fort ?

RÉFORME DE LA PACET BUDGET COMMUN

En matière de politiques économiques, la politique agricole commune (PAC) serait une nouvelle fois réformée au nom de la souveraineté alimentaire de l’Europe, afin de protéger les marchés agricoles européens des exportations massives venues de l’étranger et donner plus de flexibilité aux Etats membres. De plus, une taxe carbone commune aux frontières de l’espace européen devrait servir à défendre les hauts standards écologiques que se fixent les entreprises européennes, face à une concurrence étrangère soupçonnée d’être moins regardante. Enfin, et c’est le point cardinal de cet entrelacs de propositions, Emmanuel Macron a plaidé pour la création d’un véritable budget de la zone euro, contrôlé par un Parlement, avec l’objectif de financer des investissements communs, sur la base de ressources fiscales propres.

 L’OPPOSITION ALLEMANDE

Certes, la chancelière allemande a applaudi ce nouvel élan français en faveur de l’Europe, mais c’était pour mieux masquer sa gêne face au projet de budget commun à la zone euro, véritable épouvantail politique en Allemagne. D’ailleurs, avant même la constitution de la nouvelle coalition gouvernementale, le chef des Libéraux allemands du FDP, Christian Lindner, avait fermement rappelé l’existence d’une ligne rouge en matière de transferts financiers entre Etats membres, d’autant, qu’en plus d’un budget commun, certains se prenaient déjà à rêver d’une mutualisation des dettes publiques. Ils ont du reste été rejoints sur ce point par nombre de députés conservateurs de la CDU et CSU. Même, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a marqué sa désapprobation, peut-être parce que la création d’un budget de la zone euro, parallèle à celui qui existe déjà pour l’Union européenne, acterait désormais officiellement l’existence d’une Europe à deux vitesses. En tout état de cause, l’entrée historique du parti d’extrême droite AfD au Bundestag, ne manquera pas de susciter également une opposition virulente à Angela Merkel sur les questions de sécurité et de défense en Europe. Le projet français d’un embryon de défense européenne commune et d’un renforcement de la police aux frontières européennes, n’est dès lors pas certain d’être bien accueilli au Parlement allemand… Face à autant de pression, qui sait si elle ne se résoudra pas à prolonger le dogme actuel d’une Europe des règles en lieu et place d’une Europe de la solidarité ?