Conjoncture 2022/ 2023

Le coût de l’énergie refroidit l’économie

Les entreprises s’attendent à une forte hausse de leur facture énergétique qu’elles comptent, pour la majorité d’entre elles, répercuter sur les prix de vente. Selon l’Insee, cette conjoncture pèsera sur la croissance et l’inflation jusqu’au début de l’année 2023, sans toutefois impacter le taux de chômage.

Le siège de la Banque centrale à Francfort. © Olivier RAZEMON
Le siège de la Banque centrale à Francfort. © Olivier RAZEMON

Depuis le début des années 2020, les chocs sectoriels se succèdent. « Le Covid avait surtout affecté les services, tandis que le renchérissement des matières premières et le coût de l’énergie pèsent sur l’industrie », explique Julien Pouget, chef du département de la conjoncture de l’Insee. L’inflation, « qui s’est généralisée dans un grand nombre de pays et touche de nombreux biens et services, conduit à un resserrement des politiques monétaires », et donc une hausse des taux d’intérêt, poursuit-il.

Dans ces conditions, il est presque étonnant que l’Insee n’envisage pour l’économie française, au début de 2023, qu’un « refroidissement, comme un rhume passager », indique le conjoncturiste. Les entreprises prennent de plein fouet « le choc du prix de l’énergie », notamment celles dont les contrats de fourniture se terminent dans les semaines ou les mois qui viennent, et qu’il va falloir renouveler au prix fort. Plus de la moitié des entreprises, selon une enquête spécifique diligentée par l’Insee, « sont très exposées » au renchérissement de l’énergie, le secteur industriel l’étant davantage que celui des services. En moyenne, selon les calculs de l’Insee, les entreprises s’attendent, pour 2022, à une augmentation de 75% des prix de l’électricité et de 114% de ceux du gaz. En 2023, ces augmentations pourraient s’envoler encore, à respectivement 132 et 144%, assurent-elles.

Interrogés sur la manière dont ils vont intégrer ces hausses, une part importante des responsables, 65% dans l’industrie, plus de 30% dans les services, admettent qu’ils vont les répercuter sur les prix de vente. Les entreprises envisagent également de comprimer leurs marges, prélever dans leur trésorerie ou changer de fournisseur. Le secteur industriel se montre toutefois plus novateur : plus de 50% des entreprises interrogées comptent adapter leurs méthodes de production, ou investir pour réduire leurs coûts énergétiques. Selon l’Insee, l’ensemble des mesures prises pour contrer la flambée des prix de l’énergie devrait peser sur la production industrielle à hauteur de 1,5%.

Les salariés sont moins productifs

Le climat des affaires, un indicateur basé sur des questionnaires, classiquement utilisé par les conjoncturistes, reste positif, mais subit logiquement une lente dégradation depuis l’euphorie post-Covid, dont le pic a été observé à l’été et à l’automne 2021. Le « moral en berne », comme dit Julien Pouget, touche particulièrement l’industrie chimique, la métallurgie ou le bois, papier et imprimerie, des secteurs fort consommateurs d’énergie. Cette conjoncture incertaine conduit l’Insee à prévoir, pour le dernier trimestre de 2022, une légère récession de 0,2%, en retrait par rapport à la prévision annoncée précédemment de 0%.

La note de l’Insee apporte un certain optimisme sur le front du chômage, dont le taux devrait se maintenir à 7,3% début 2023, le niveau le plus bas depuis la fin 2007, à l’exception de l’étrange parenthèse du premier confinement. « 103 000 emplois nets ont été créés au troisième trimestre de 2022, et le rythme devrait se ralentir, avec environ 30 000 emplois par trimestre d’ici la mi-2023 », indique Olivier Simon, chef de la division des synthèses conjoncturelles de l’Insee. L’Institut de statistique s’inquiète tout de même du ralentissement de la productivité, qui ne parvient pas à retrouver son niveau d’avant-Covid, comme si les salariés étaient moins motivés. Olivier Simon mentionne la moindre productivité des salariés en alternance, qui comptent pour une part importante des créations d’emploi, ces derniers mois. « Ils sont plus récents dans l’entreprise, et donc moins performants », dit-il. Mais la présence des alternants ne suffit pas à expliquer la baisse de productivité. L’Insee évoque « la rétention de main d’œuvre », qui consiste, pour une entreprise dont le chiffre d’affaires recule, à conserver ses salariés. Dans l’industrie automobile, par exemple, « la production a diminué, mais l’emploi n’a pas baissé dans les mêmes proportions », constate Julien Pouget. Les conjoncturistes observent en outre « une hausse du nombre des arrêts pour maladie ». Ils ne vont toutefois pas jusqu’à évoquer la « grande démission », ou le « quiet quitting », forme de désengagement progressif constaté par certaines directions des ressources humaines, en Amérique du Nord comme en Europe.

Les ménages vont continuer à se soucier de l’inflation, qui devrait atteindre son pic, à 7%, début 2023. « C’est surtout l’inflation alimentaire » qui contribue à la hausse des prix, explique Olivier Simon. En revanche, « l’inflation énergétique » a diminué, en raison de la baisse du prix du pétrole et des subventions publiques successives au carburant. Fin 2022, malgré l’inflation, le revenu moyen des ménages a continué de progresser, en ligne avec les revenus d’activité et les prestations sociales. En revanche, à partir du début de l’année 2023 , les revenus des ménages ne devraient plus suffire à contrer l’inflation. Cette situation ne pourrait être que passagère, car l’Insee prévoit un ralentissement de l’inflation dès janvier prochain.

Face à cette adversité, les ménages se sont rapidement convertis à la sobriété. La consommation d’électricité, dégagée des variations liées aux écarts de température, a baissé de 10% par rapport aux années précédentes. Le taux d’épargne se maintient à un niveau élevé, 18% fin 2022, contre 15% en 2019. « Le potentiel de consommation serait plus élevé si l’épargne revenait à son niveau d’avant la crise sanitaire », observe Julien Pouget.

L’inflation, « qui s’est généralisée dans un grand nombre de pays et touche de nombreux biens et services, conduit à un resserrement des politiques monétaires », explique-t-il encore. Donc une hausse des taux d’intérêt.