LE RAPPORT NOTATSENARD CHERCHE À DESSINER L’ENTREPRISE RESPONSABLE DE DEMAIN

LE RAPPORT NOTATSENARD CHERCHE À DESSINER L’ENTREPRISE RESPONSABLE DE DEMAIN

Jean-Dominique Senard, président du groupe Michelin, et Nicole Notat, présidente de Vigeo-Eiris, ont remis leur rapport sur “L’entreprise, objet d’intérêt collectif”. Très attendues, ces propositions, qui pourraient intégrer la future loi Pacte, sont surtout incitatives.

L’entreprise n’est pas seulement au service de ses actionnaires : elle doit également prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. Ce principe général guide les propositions du rapport “L’entreprise, objet d’intérêt collectif”, remis le 9 mars dernier par Jean-Dominique Senard, président du groupe Michelin, et Nicole Notat, présidente de Vigeo-Eiris, à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Nicole Belloubet, ministre de la Justice. Destinées à alimenter le projet de loi du Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), dont la présentation en Conseil des ministres a été reportée au 2 mai prochain, les propositions du rapport ont été exposées à la presse, à Paris. Symbole fort, Jean-Dominique Senard et Nicole Notat proposent une évolution du Code civil : l’article 1833 pourrait être modifié pour préciser que « la société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Et pour encourager la concrétisation de ce principe, les conseils d’administration et de surveillance des entreprises seraient chargés de la formulation et de la surveillance d’une “raison d’être” de l’entreprise. Guidant la stratégie même de l’entreprise, la “raison d’être” intègre des enjeux sociaux et environnementaux. Cette disposition devrait être inscrite dans le Code du commerce. Le Medef a déclaré regretter le « choix contraignant » que représente l’inscription de ces principes dans le Code civil, dans un communiqué. De plus, introduire une notion nouvelle comme celle de “raison d’être”, dans le Code de Commerce, « va nécessiter plusieurs années avant que sa portée puisse être appréhendée complètement », estime le syndicat patronal.

RENFORCER LA REPRÉSENTATION DES SALARIÉS

Plusieurs recommandations du rapport concernent les grandes entreprises, lesquelles sont déjà soumises à des obligations légales en matière de Responsabilité socié tale des entreprises (RSE). Proposition phare du rapport, celle qui consiste à renforcer le nombre des administrateurs salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance d’entreprises de plus de 1 000 salariés, à partir de 2019, avec deux salariés à partir de huit administrateurs non salariés, et trois salariés, à partir de 13 non salariés. Le rapport préconise une période d’observation après la mise en œuvre de ce dispositif, avant, éventuellement, de l’étendre aux entreprises qui comptent entre 500 et 1 000 salariés, ou d’augmenter, ultérieurement, la proportion des administrateurs salariés dans les conseils. Lors des auditions menées dans le cadre de la préparation du rapport, « nous avons constaté que l’expérience de participation des représentants de salariés dans les organes de gouvernance de l’entreprise est extrêmement positive (…) Nous avons souhaité renforcer ce concept », a expliqué Jean-Dominique Senard. Parmi les autres recommandations qui concernent les grandes entreprises, figure notamment l’incitation à se doter d’un Comité de parties prenantes, indépendant du conseil d’administration, « aiguillon de progrès en matière de RSE », selon les mots de Dominique Senard.

DES ENCOURAGEMENTS POUR LES PME

Si certaines mesures destinées aux plus grandes entreprises font grincer des dents côté patronal, rien de tel pour les PME ou TPE. Toutefois, ces dernières ne sont pas oubliées du rapport de Jean-Dominique Senard et Nicole Notat. Mais les propositions les concernant se contentent de miser sur le volontariat et l’incitation, « en évitant de créer des contraintes réglementaires pour des structures parfois peu dotées en fonctions supports adaptées », précise le rapport. Toutefois, « rien n’empêche (…) une PME d’enclencher une telle réflexion avec l’ensemble du personnel, sans qu’il soit besoin de disposer d’un conseil d’administration pour ce faire », précise le rapport. Dans ce cadre, la plate-forme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises, créée en juin 2013 au sein de France stratégie, organisme de prospection rattaché à Matignon, pourrait jouer un rôle moteur. Cet espace de dialogue et de construction de propositions, qui regroupe pouvoirs publics, organisations représentatives des employeurs, des salariés et de la société civile, pourrait être chargé de capitaliser les bonnes pratiques en matière de RSE. La plate-forme est déjà engagée dans ce sens : elle a lancé une expérimentation de labels RSE sectoriels adaptés aux TPE, PME et Entreprises de taille intermédiaire (ETI). Une autre proposition était particulièrement attendue : celle de la création d’« entreprises à mission », qui choisissent d’utiliser une partie de leurs profits pour une autre mission que celle d’investir dans leur fonctionnement ou de rémunérer leurs actionnaires. D’après une étude de France Stratégie, “Responsabilité sociale des entreprises et compétitivité. Évaluation et approche stratégique”, de janvier 2016, citée par le rapport, les performances économiques s’améliorent avec la mise en place de mesures de RSE, tout particulièrement dans le domaine des Ressources humaines et de la relation client.