Le système énergétique européen en crise !

Les tensions subies par le système énergétique européen risquent d’avoir des conséquences négatives très importantes sur le pouvoir d’achat des ménages, les coûts de production des entreprises et la cohésion sociale… Décryptage.

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Depuis un an, il n’est question que des coûts/ cours de l’énergie, entre le baril de Brent qui s’est apprécié de 50%, la facture de fioul domestique qui a doublé et les carburants qui flambent à la pompe ! Quant au gaz de ville, énergie vantée comme idéale depuis une décennie, il se révèle être le point faible l’économie européenne depuis la guerre en Ukraine.

Mais les prix ne sont que le symptôme d’un mal plus profond touchant le système énergétique européen, ce dont les grands patrons des énergéticiens français ont cherché à rendre compte dans une tribune commune.

Tensions sur le système énergétique

La directrice générale d’Engie, Catherine MacGregor, le PDG d’EDF, Jean-Bernard Levy, et celui de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, ont décidé d’alerter l’opinion publique sur la réalité et l’étendue de la crise énergétique qui déferle sur l’Union européenne (UE). Tout d’abord, les livraisons de gaz russe ont fortement baissé pour certains pays, ce qui les met dans une situation difficilement tenable : arrêt total des livraisons par gazoduc pour la Pologne et la Bulgarie, réduction de moitié pour l’Allemagne et l’Italie, etc. Dans ces conditions, la diversification des approvisionnements est certes une excellente nouvelle, mais elle ne saurait répondre aux énormes besoins des Européens, non plus que la hausse des importations de gaz naturel liquéfié (GNL), ces dernières nécessitant des infrastructures adéquates. L’un dans l’autre, «le niveau d’alerte sur les stocks de gaz au niveau européen est dès lors élevé et des mesures de rationnement sont mises en place dans certains pays».

Le constat est également alarmant du côté des capacités de production électrique, entre choix délibérés des États de réduire la voilure dans le gaz (Pays baltes) ou dans le nucléaire (Allemagne) et opérations de maintenance subies (parc nucléaire français). À cela se conjuguent de fortes chaleurs qui perturbent la production hydraulique.

Chasse au gaspillage et rationnement

Face à ce constat terrifiant sur l’offre énergétique, les auteurs de la tribune en appellent «à une prise de conscience et à une action collective et individuelle pour que chacun d’entre nous - chaque consommateur, chaque entreprise - change ses comportements et limite immédiatement ses consommations énergétiques, électriques, gazières et de produits pétroliers». Voilà donc le retour de la chasse au gaspillage, afin d’éviter d’éventuels rationnements énergétiques si l’hiver devait être rude. Conclusions reprises en chœur par nombre de politiques, même si l’on note une différence notable entre le gouvernement allemand, qui s’est adressé directement aux citoyens, et le gouvernement français, qui prépare un plan pour la rentrée.

Hélas, dans cette tribune, l’on n’échappe pas à un mélange des genres entre pouvoir d’achat et écologie, qui fleure bon le greenwashing marketing : «Et ne nous trompons pas : économiser l’énergie, c’est augmenter le pouvoir d’achat et c’est aussi réduire les émissions de gaz à effet de serre». Voilà une affirmation osée lorsque l’on sait que l’Allemagne fait tourner à plein régime ses centrales à charbon, que la France remet les siennes en activité et que l’UE n’hésite plus à importer du gaz de schiste, en provenance des États-Unis.

Aides aux ménages et aux entreprises

Certes, les prix de l’énergie ont considérablement augmenté sur un an, grevant le pouvoir d’achat des ménages, mais cela aurait pu être pire en l’absence des nombreuses mesures de soutien prises par les États membres de l’UE. En France, un très politique «bouclier tarifaire» a ainsi été mis en œuvre pour les particuliers et petites copropriétés ayant un contrat direct de fourniture de gaz naturel. En pratique, le gouvernement français a pris un décret qui gèle jusqu’à la fin de l’année 2022 les tarifs réglementés de vente de gaz naturel à leur niveau TTC d’octobre 2021. Et quant au prix des carburants, après l’aide de 18 centimes par litre HT financée par l’État, il est question d’aider encore un peu plus les personnes qui prennent leur voiture pour aller travailler. Bref, il est demandé aux contribuables de sauver temporairement les consommateurs.

Dans leur tribune, les trois grands patrons font également le constat que « la flambée des prix de l’énergie qui découle de ces difficultés menace notre cohésion sociale et politique et impacte trop lourdement le pouvoir d’achat des familles». Autrement dit, le mécontentement social pourrait faire tache d’huile partout en Europe. En France, il pourrait même trouver un écho politique favorable au Parlement, maintenant que les extrêmes y ont fait une entrée fracassante. Et à un moment, les gouvernements mettront inévitablement la main au porte-monnaie pour sauver les entreprises étranglées par la hausse des coûts de l’énergie et des autres matières premières.

En définitive, au «quoi qu’il en coûte» anti-covid va s’additionner dans toute l’UE un «quoi qu’il en coûte» anti-inflation à l’efficacité bien incertaine, mais avec un coût financier (énorme) certain…