Le travail hybride, la panacée ?

La table ronde de The NextGen Enterprise Summit, pionnier dans le domaine de l'innovation managériale, « Hybridation : le grand chamboulement des temps et lieux de travail » a réalisé un focus sur les bouleversements d’un travail qui s’exerce, dorénavant, aussi bien dans les locaux de l’entreprise que dans des tiers lieux ou au domicile des collaborateurs.

(c)Adobestock
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Aujourd’hui 83% des collaborateurs estiment que le travail hybride est un mode de travail optimal, selon le baromètre d’Accenture de mai 2021 « The future of work : Productive anywhere ». Il est désormais ancré dans les mœurs des collaborateurs et souhaité pour la plupart d’entre eux.

Outil d’attractivité et de fidélisation

La crise a provoqué un choc de conscience et de remise en cause du sens. Ainsi, près d’un quart des salariés seraient prêts à envisager un changement d’employeur faute de souplesse de l’entreprise, selon le baromètre trimestriel Aneo Holaspirit de l’Entreprise Nouvelle Génération. Les entreprises « doivent proposer de la flexibilité et de la liberté individuelle », insiste Laurent Geoffroy, membre du comité exécutif et DRH de KPMG France, citant également une enquête Harris Interactive qui montre que la crise a changé les critères de choix d’un employeur pour près de la moitié des jeunes. Ainsi parmi les différents critères d’attractivité, la flexibilité est citée par 64% des personnes interrogées. Et elles souhaitent à 97% que l’entreprise mentionne sa politique d’organisation. Pour la start-up spécialisée dans la formation en ligne Openclassrooms, qui possède des bureaux à Paris, Londres et New York, cette flexibilité dans l’organisation du travail donne l’opportunité d’aller chercher des talents partout dans le monde. « Cela a libéré des marchés pour les recruteurs qui peuvent désormais aller chercher des talents au-delà de la région parisienne », affirme Fernanda Alonso-Gautrais, DRH de la start-up. Au-delà d’être un facteur d’attractivité, le travail hybride constitue aussi un critère de fidélisation, de cohésion et d’unité.

Autre avantage, les gains de performance. Le baromètre Aneo Holaspirit met ainsi en avant la hausse de 74% de la productivité des entreprises françaises au 3ème trimestre 2020, selon Microsoft, grâce à un temps de trajet réduit, des horaires flexibles et l’adoption d’outils collaboratifs virtuels. L’entreprise américaine de conseil et de recherche Gartner montre de son côté que les organisations qui s’engagent dans une flexibilisation accrue du temps de travail voient 55% de leur personnel devenir très performant.

Le bureau a encore de l’avenir

Toutefois, « la baisse des interactions sociales peut avoir des conséquences sur la performance des salariés, met en garde Sébastien Crozier. Il faut en cela sortir des usines du tertiaire, où les collaborateurs viennent comme s’ils allaient à l’usine ». Le président CFE-CGC chez Orange alerte, d’autre part, sur les présumés gains de performance escomptés : « Le sentiment premier est une hausse de la productivité personnelle des salariés en télétravail, mais à contrario, dans les centres d’appel à distance, la qualité s’est dégradée, avec l’impossibilité pour les téléconseillers de répondre au client en temps réel, comme lorsqu’ils sont sur un plateau à proximité de leur manager. Certaines transmissions d’informations ou formations nécessitent, en effet, une présence physique et des interactions sociales ». Loin du cliché des salariés seuls à leur bureau un casque sur les oreilles, Openclassrooms, qui prévoit de modifier ses bureaux parisiens, les voit comme « un endroit pour communiquer, se rencontrer, travailler ensemble, célébrer les acquis et innover. » Les entreprises doivent créer différents espaces avec également des lieux correspondant aux besoins d’isolement ou de communication des collaborateurs. « Des espaces plus petits, modulaires pour faire du lien, et des espaces d’intimité pour se concentrer ou se ressourcer », détaille Caroline Lebrun, directrice engagement et coopérations d’Harmonie Mutuelle, société mutualiste.

Pour Sébastien Crozier, la demande de télétravail étant corrélée à deux facteurs-clés, la distance avec le lieu de travail et la qualité de celui-ci, « les employeurs ne doivent pas penser que l’aspiration supposée au télétravail est générale ». Ainsi, certains collaborateurs ne peuvent pas télétravailler depuis leur domicile, et pour d’autres, la rupture avec leur environnement personnel est importante. Quoiqu’il en soit, « les salariés comprennent la nécessité de garder un collectif de travail et veulent des règles claires. Ils veulent à la fois de la flexibilité tout en ayant des routines », signale Marie-Béatrice Vignau-Loustau, directrice développement des talents et superviseur RH à la Société Générale.

Enjeu de communication

Le télétravail doit ainsi rester une option. Si la moyenne idéale pour un bon équilibre se situe entre deux et trois jours de télétravail par semaine, certaines entreprises pionnières vont plus loin, même si elles restent encore marginales. Boursorama, entité de la Société Générale, propose ainsi du télétravail en full time. « La pratique reste encadrée avec à minima un rendez-vous mensuel », rapporte Marie-Béatrice Vignau-Loustau. La difficulté étant alors de réussir à maintenir et préserver la performance du collectif et la culture de l’entreprise.

Autre problématique, l’intégration des nouveaux collaborateurs. Si le passage en full remote a été facile pour Openclassrooms, le digital, le télétravail, la flexibilité et l’information partagée faisant partie de son ADN, l’enjeu pour la start-up a surtout été de conserver sa culture d’entreprise avec l’arrivée de nouveaux collaborateurs –l’entreprise compte aujourd’hui plus de 500 salariés. « Nous avons un enjeu fort en termes de communication avec des moments clés que nous avons créés, comme des réunions hebdomadaires avec l’ensemble des collaborateurs pour expliquer notre stratégie ou des événements trimestriels », explique sa DRH. L’entreprise, qui laisse ses collaborateurs libres de choisir le nombre de jours de télétravail et leur propose, en parallèle, des espaces de coworking, utilise de nombreux outils pour faciliter les « water cooler conversations » et organise des « random coffees » ou rendez-vous aléatoires ou ciblés, via Slack, pour créer des rencontres inattendues avec des collaborateurs d’autres équipes.

Car pour s’assurer que le mode hybride fonctionne, il faut mettre en place des garde-fous. Harmonie Mutuelle, qui a basculé en full remote pendant la crise, a administré à ses collaborateurs des questionnaires pour s’assurer « de leur niveau d’énergie et de confiance », explique Caroline Lebrun. Chez KPMG France, des « sondages et enquêtes collaboratives ont été proposés, qui ont ensuite été validés par des forums ouverts, pour définir de manière collective les règles d’usage », détaille Laurent Geoffroy. Le cabinet d’audit et de conseil valorise ainsi une présence au bureau d’à minima deux jours par semaine et laisse la liberté aux salariés de travailler d’où ils le souhaitent le reste du temps. Pour le bon fonctionnement de l’entreprise, « les équipes doivent définir ensemble des all day-in où tous les collaborateurs doivent être présents, notamment pour des moments clés comme les entretiens individuels ou la préparation d’appels d’offres », conclut-il.