« LES BURALISTES DOIVENT METTRE EN PLACE UN NOUVEAU MODÈLE »

« LES BURALISTES DOIVENT METTRE EN PLACE UN NOUVEAU MODÈLE »

Une hausse continue du prix du tabac, un marché parallèle qui explose tout comme la concurrence des pays frontaliers… les quelque 24 500 buralistes de France n’arrêtent pas de tousser. Le remède ? Un changement complet où la diversification d’hier doit se muer en véritable transformation et la mise en place d’un nouveau modèle. Les buralistes entendent redevenir de véritables commerçants de proximité en s’affichant, en parallèle, comme des accompagnateurs de la politique de santé publique. Paradoxale comme prise de position ? Loin de là pour le Philippe Coy, le président de la Confédération des buralistes.

RésoHebdoEco : Vous avez proposé à la ministre de la Santé que les buralistes deviennent acteurs du Mois sans tabac en novembre prochain. Un peu paradoxal comme demande ?

Philippe Coy : Pas du tout ! La vente de tabac demeure notre ADN, elle représente entre 60 et 70% de notre chiffre d’affaires, mais nous avons également un rôle à jouer en matière de santé publique même si cela peut paraître paradoxal voire choquant pour certains. Nous avons décidé de nous engager dans une démarche inédite et résolument responsable pour accompagner la politique de santé publique sur le tabac et souhaitons donc être associés à l’opération Le Mois sans tabac. Depuis le mois de mars, dans tout le réseau, nous accompagnons nos clients fumeurs, se posant légitimement des questions, vers les produits de vapotage.

R.H.E. : C’est une manière de vous réapproprier le marché de l’e-cigarette… Vous avez un peu raté le virage quand ces produits ont commencé à se démocratiser en France ?

P.C. : C’est vrai, il y a quatre ans, nous avons loupé le virage de l’e-cigarette. Nous sommes engagés aujourd’hui à assurer cette diversification de produits. Il est nécessaire d’intervenir sur ce marché car ce sont les fumeurs qui basculent aujourd’hui ver l’e-cigarette, cela nous permettra de garder une grande partie de nos clients actuels.

R.H.E. : Avec un prix du tabac qui a repris un euro en mars et l’échéance, d’ici deux ans, de voir le paquet de cigarettes atteindre les 10 euros, la diversification est plus qu’une nécessité pour votre profession. Comment entendez-vous la mettre en œuvre ?

P.C. : C’est effectivement plus qu’une diversification, c’est une véritable transformation de notre réseau que nous nous devons d’orchestrer. Il s’agit de construire un nouveau modèle de commerce pour les buralistes répondant aux nouveaux besoins de proximité des Français. Il est indispensable pour nous de redevenir de véritables commerçants et pas uniquement des distributeurs de tabac. R.H.E. : Par quels types de produits va passer cette diversification ?

P.C. : Certains sont déjà bien connus comme la presse, les confiseries, les cartes télépho niques, les jeux avec la Française des jeux ou encore les comptes Nikel qui sont un véritable succès. L’offre est déjà présente mais il faut l’intensifier en trouvant de nouvelles pistes, en innovant. Le buraliste peut tout à fait devenir, par exemple, un catalyseur de l’économie circulaire en proposant des modèles de distribution pour les circuits courts. Tout est envisageable et surtout faisable. Il faut à tout prix réussir cette transformation.

R.H.E. : Vous avez signé, en février, un protocole d’accord avec l’État pour accompagner cette transformation. Quelles en sont les grandes lignes ?

P.C. : Un fonds de transformation, doté de 20 millions d’euros annuels jusqu’en 2021, a été créé. Il vise à accompagner la conception, la préparation et la mise en œuvre opérationnelle de notre transformation au niveau national et ce, pour chaque point de vente de notre réseau. Il va permettre l’élaboration d’un projet commun et modulaire pour le réseau intégrant à la fois une nouvelle identité, la logique de multi-activité que j’ai évoquée et des partenariats avec l’économie locale.

R.H.E. : La Française des jeux est l’un de votre principal segment d’activité. Les choses ontelles évolué pour les buralistes ?

P.C. : Au niveau national, la Française des jeux, cela représente 572 millions d’euros de rémunération pour les buralistes. C’est important mais c’est aussi une charge de travail, une responsabilité et des explications à donner aux joueurs notamment au niveau des jeux addictifs, on en revient à la santé publique sur ce sujet. Nous avons également signé un protocole d’accord qui s’inscrit dans une volonté commune de développement entre l’opérateur et notre réseau [ndlr, qui est le premier distributeur de jeux en France]. Cela va permettre une augmentation de la rémunération des détaillants par segments sur les jeux de grattage et de tirage ainsi qu’une modulation de notre commission sur les paris sportifs. Nous avons également obtenu la suppression des loyers sur les mobiliers de présentation des jeux de la Française des jeux.

R.H.E. : La prochaine augmentation du paquet de cigarettes va être un véritable choc pour bon nombre de vos adhérents. Des mesures ont-elles été prises ?

P.C. : Une remise transitoire trimestrielle, visant à soutenir l’activité des buralistes dont les livraisons de tabac en valeur auraient chuté de plus de 15% sur un trimestre comparé au même trimestre de l’année précédente, sera mise en œuvre. Elle sera de l’ordre de 0,8%. L’État s’est également engagé à la mise en place de règlements et d’échelonnement des dettes sociales et fiscales, adaptées aux situations exceptionnelles auxquelles peuvent être confrontés certains de nos confrères.