Les collectivités cherchent à enraciner l’économie

Pour les économies locales, la proximité constitue un défi bien plus qu’une évidence. Les collectivités s’attellent à mettre en place des mécanismes de production et de distribution qui profitent à leurs populations. Une démarche qui va aussi dans le sens du développement durable.

Les collectivités cherchent à enraciner l’économie

Délocalisations, habitants coupés des activités économiques qui se déroulent sur leur sol… Les effets de la globalisation économique se font sentir à tous les niveaux et dans tous les domaines. La problématique inquiète les collectivités territoriales qui tentent de donner le “La” à une économie qui profite au plan local. Et les préoccupations liées au développement durable poussent aussi en ce sens. C’est ce qu’ont montré les exemples de politique publique exposés au cours de la table ronde “Compter sur ses propres forces et valoriser les atouts de son territoire”. Celle-ci s’est déroulée dans le cadre des 5e rendez-vous de l’intelligence locale, “Quand les territoires s’approprient leur économie”, le 11 décembre 2013, à Paris, sous l’égide de la Fédération des villes moyennes (FVM), de la Caisse des dépôts et Consignations et de l’institut CDC pour la recherche.

Le long chemin du circuit court de l’alimentation
Parmi les témoignages, figure celui de la communauté urbaine d’Alençon, agglomération de 55 000 personnes, qui couvre 35 communes, au sud de la Basse-Normandie. Elle est en train de mettre sur pied un circuit court dans le domaine de l’alimentation. Ici, la démarche s’intègre dans le projet de l’Agenda 21, dont le programme a été bâti en 2009, avec la participation d’habitants. Parmi les propositions issues des débats, en effet, figuraient le développement du maraîchage en périphérie urbaine et l’encouragement de la consommation de produits bio, et surtout territoriaux. Aujourd’hui, pour mettre en place des circuits courts, la communauté urbaine travaille avec une multitude d’acteurs locaux concernés (autres collectivités, organisations professionnelles, associations…). Ainsi, pour inciter les restaurateurs à utiliser des produits locaux, la communauté urbaine organise des rencontres entre acheteurs potentiels et producteurs. Outre ce rôle d’intermédiaire, Alençon oeuvre également pour encourager l’implantation de nouveaux maraîchers. Déjà, en collaboration avec la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural), deux espaces ont été identifiés dans le domaine périurbain. Reste à trouver le porteur de projet, le financement. .. . La solution, à ce stade, sera recherchée avec l’aide de Terre de liens, association d’accompagnement citoyen à l’installation à la ferme.

Bref, le circuit court n’a rien d’évident. Et il est d’abord indispensable de réaliser un diagnostic fin de l’existant. Par exemple, inutile de mettre en relation producteurs locaux de pommes de terre et restauration collective, quand cette dernière n’achète que des légumes déjà prêts à l’emploi. Dans ce cas, le circuit court passe par un intermédiaire : « Il y une légumerie sur le territoire, qui livre la restauration collective. Mais elle ne s’approvisionne pas au niveau local. Donc, on essaie de la mettre en relation avec les producteurs locaux », explique Elodie Jacq, chargée de mission “Circuits courts alimentaires/ DEAL”, à la communauté urbaine d’Alençon.

Enraciner des entreprises qui se développent hors sol
Dans la communauté d’agglomération Plaine Commune, qui regroupe neuf villes pour un total de 404 000 habitants, au Nord de Paris, la problématique est tout autre. A l’origine, l’agglomération recouvre un bassin industriel qui s’est désindustrialisé, a connu une période de marasme durant les années 80, avant d’accueillir des entreprises du tertiaire. Aujourd’hui, des entreprises importantes, notamment dans la téléphonie mobile, s’y sont établies et continuent à affluer. Problème, « il y a un paradoxe, car il y a un dynamisme économique important et des populations résidentes qui restent un peu en marge de ce développement. (…) C’est un problème criant de synergie du développement économique et social », analyse Philippe Mouchel, directeur du développement économique de la communauté d’agglomération. En bref, la stratégie de tertiarisation n’a pas vraiment bénéficié à l’économie locale. Le constat vaut pour les habitants mais aussi pour les TPE et PME locales, qui estiment que ces implantations ne leur rapportent pas grand-chose, en termes d’activité. Depuis plusieurs années, la collectivité déploie plusieurs outils pour tenter de remédier à cette situation. En 2005, une charte d’entreprise du territoire a été créée. Les entreprises qui viennent s’installer sont invitées à s’ancrer dans le territoire, en s’engageant dans divers types d’actions comme de l’emploi d’insertion ou du soutien à la création d’entreprise. Mais, surtout, « nous avons essayé de développer la mise en relation des acheteurs avec les acteurs locaux », explique Philippe Mouchel. Par exemple, il s’agit de convaincre les acheteurs de ces grandes sociétés de faire appel à l’imprimerie ou à l’entreprise de nettoyage locale. « Certains acheteurs acceptent de jouer le jeu, ils font quasiment du mécénat de compétence avec des petites boîtes », poursuit Philippe Mouchel.
Pour l’instant, « il est difficile de mesurer les effets de ces mesures. Cela prend du temps. Mais des choses se sont déjà matérialisées », avance-t-il. Autre cible de la politique de territorialisation de l’économie, les projets de construction qui pèsent facilement 100 M€. La collectivité s’emploie à convaincre les commanditaires des chantiers d’en attribuer une partie à des entreprises locales. « Pour les acteurs économiques locaux, c’est un enjeu en termes d’activité, d’emplois. De plus, en général, ils habitent également sur place. Donc, c’est aussi un enjeu de consommation », souligne Philippe Mouchel.

Optimiser les ressources locales, limiter le nombre d’intermédiaires… Dans le domaine du circuit court, « il n’y a pas de modèle unique. Chacun trouve sa voie », estime Christian Pierret, maire de Saint Dié-des- Vosges, et président de la FVM. Pour lui, cette voie représente un « espoir nouveau » pour la « régénération des économies locales ». Une démarche à ne pas confondre avec « une nostalgie autarcique d’un repli », précise Christian Pierret.