Les défis économiques de 2024 sous contraintes géopolitiques

L’accalmie temporaire sur l’inflation et les taux d’intérêt n’empêchera pas la stagnation de l’activité économique dans de nombreux pays, d’autant que les risques géopolitiques pèsent de plus en plus lourd…

(© Adobe Stock)
(© Adobe Stock)

Après les années de pandémie, l’inflation est venue jouer les trouble-fêtes lors de la (courte) reprise économique, entraînant dans son sillage les taux d’intérêt à la hausse. Dans ces conditions, relever les nombreux défis économiques de l’année 2024 sera difficile.

Si un retour des prix à leur niveau d’avant la pandémie est totalement exclu, un ralentissement de leur hausse à 2 ou 3 % — la désinflation — est tout à fait possible, au vu notamment du resserrement impressionnant de la politique monétaire dans de nombreux pays et du reflux des prix de gros de l’énergie. D’aucuns espèrent alors que le pic de l’inflation a été dépassé, car les dépenses publiques de soutien aux ménages et aux entreprises (subventions, boucliers tarifaires, chèques énergie…) pèsent très lourd dans les comptes de l’État. Cela démontre, au passage, que les augmentations de salaire consenties par les entreprises n’ont pas conduit à une boucle inflationniste prix/salaires. Au contraire, de nombreux travaux ont plutôt mis en cause une boucle prix/profits, défavorable tout à la fois aux ménages et aux TPE/PME.

Mais structurellement, l’inflation devrait rester plus élevée que durant la décennie écoulée, ne serait-ce qu’en raison du recul de la productivité dans de nombreux pays de l’UE, de la recomposition de la carte des échanges commerciaux dans le monde et des relocalisations d’activité engagées au nom de la souveraineté économique.

Vers un desserrement de la politique monétaire

Si la désinflation se confirme, alors les Banques centrales pourraient desserrer leur politique de taux d’intérêt. C’est clairement ce qu’a laissé entendre le comité de la Fed aux États-Unis, même si son président, Jerome Powell préfère se montrer prudent en déclarant que « l’inflation est toujours trop élevée et le chemin qui s’ouvre est incertain ». Au sein de l’UE, la Banque centrale européenne (BCE), traditionnellement plus pusillanime, ne semble pas écarter un tel scénario… sans pour autant l’évoquer !

De là, il est envisageable que les taux d’intérêt à plus long terme se mettent également à refluer, desserrant notamment la contrainte dans le secteur de l’immobilier, qui souffre autant du côté de l’offre (construction, rénovation…) que de la demande (difficulté à obtenir un prêt immobilier, déport vers le marché locatif…). Mais en attendant, quel que soit le secteur d’activité, les entreprises les plus fragiles continueront à subir des difficultés de financement.

Quant à la dette publique, une hirondelle sur les taux d’intérêt à 10 ans n’annonce pas le printemps, en particulier lorsque la croissance peine à se relever et que les besoins publics de financement (investissements verts, relocalisation industrielle…) restent tellement élevés.

Vers une activité économique en berne

Alors que l’on attendait une récession aux États-Unis, le pays devrait réussir un atterrissage en douceur avec un taux de croissance faible, aux alentours de 1,5 %. Mais c’est au sein de l’UE que les craintes de récession sont désormais plus fortes, entre consommation prudente, stagnation des investissements et recul des dépenses publiques. Cela sans compter les sempiternelles divergences de vues, qui empoisonnent les prises de décisions au sein des institutions européennes. Si l’Italie demeure sous les feux des projecteurs en raison de son taux d’endettement public très important (140 % du PIB), la France inquiète par l’étendue des coupes attendues dans ses finances publiques. Mais c’est l’Allemagne, longtemps moteur de l’économie industrielle européenne et dont le modèle économique est aujourd’hui en crise, qui fera l’objet de toutes les attentions. Dans ce contexte, il n’y a aucune raison pour que la hausse du taux de chômage, déjà engagée en 2023, s’arrête.

Quant à la Chine, son état de santé — pas seulement économique — s’aggrave : crise immobilière sans fin, conflits commerciaux, faiblesse de la demande, risque déflationniste… Par effet d’entraînement, tous ses partenaires commerciaux se mettent à tousser, bien entendu en Asie, mais aussi en Europe où l’Allemagne a trop misé sur l’Empire du Milieu pour ses exportations.

Vers des risques géopolitiques élevés

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 et les conséquences incalculables qui en ont découlé (fin de l’approvisionnement de l’UE en gaz, tension sur les prix agricoles…), de nombreux autres risques géopolitiques ont émergé ou se sont aggravés : guerre entre Israël et le Hamas avec un risque d’embrasement de tout le Proche-Orient, tensions militaires en mer de Chine, conflit d’hégémonie entre la Chine et les États-Unis, etc.

Autant de foyers de troubles qui peuvent bouleverser les équilibres économiques — ou à tout le moins augmenter la volatilité, le prix des matières premières et la fragmentation des marchés — à l’instar de quelques scrutins majeurs, tels que les élections générales britanniques et l’élection présidentielle aux États-Unis (retour de Trump ?).

L’accalmie économique ne sera peut-être pas pour 2024…